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Accident mortel sur l'A7 : pourquoi l'avocat de la famille des victimes pointe du doigt le constructeur Renault

Un grave accident de voiture sur l'autoroute A7 a coûté la vie à cinq enfants, lundi soir dans la Drôme. Après l'ouverture d'une information judiciaire pour "homicide et blessures involontaires", l'enquête, qui semble s'orienter vers un défaut technique, est confiée à un juge d'instruction.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des pompiers sur les lieux de l'accident dans lequel sont morts cinq enfants sur l'A7, près d'Albon (Drôme), le 20 juillet 2020. (OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)

Un problème mécanique. Le dramatique accident de voiture, survenu lundi 20 juillet dans la soirée, est lié à la "casse du turbo" du véhicule, qui a provoqué un "emballement puis l'incendie du moteur et même peut-être de l'habitacle", estime un expert judiciaire dans un pré-rapport, cité par le procureur de la République de Valence (Drôme), Alex Perrin, mercrediLe monospace, à bord duquel se trouvaient neuf personnes, a pris feu avant d'effectuer une sortie de route sur l'A7, puis plusieurs tonneaux dans un champ, à hauteur de la commune d'Albon. Cinq enfants sont morts. Les quatre autres membres de la famille sont pris en charge dans des centres hospitaliers à Lyon. Le pronostic vital d'un enfant de 7 ans et celui de deux adultes est engagé.

L'enquête doit permettre de comprendre la cause de l'accident et de saisir avec précision comment cette voiture, de type Renault Grand Scenic, a pris feu. Le parquet de Valence a requis, vendredi, l'ouverture d'une information judiciaire contre X pour "homicide et blessures involontaires". "L'enquête va désormais se poursuivre dans la durée sous la responsabilité d'un juge d'instruction", a précisé à l'AFP le procureur. "On en est encore à la confirmation de l'identité des victimes et à l'enquête technique. L'expertise n'est pas terminée", a ajouté Alex Perrin. 

"Il n'y a pas de faute humaine"

Selon le procureur de la République de Valence, l'emballement du moteur a entraîné une fuite d’huile, ce qui aurait provoqué l'incendie. A partir de ce moment-là, il était quasi impossible pour le conducteur de s'arrêter, puisque le problème moteur rend inopérants le système de freinage et la direction assistée. Le soir de l'accident, le conducteur a évoqué un problème de freinage avant de perdre connaissance.

Des faits suffisants pour l'avocat de la famille victime de l'accident pour tirer ses propres conclusions. "Ce que mon client a indiqué avant de perdre conscience correspond parfaitement à ce qui ressort, que le problème est technique. Il n'y a pas de faute humaine", a affirmé Nicolas Cellupica, sur franceinfo, mercredi. "On doit mettre toutes les cartes sur la table, voir d'où vient précisément le problème et qui doit être tenu pour responsable de ce drame. Renault va devoir répondre de ses actes et de ses responsabilités dans cet accident." Ce dernier a ajouté qu'il n'hésiterait pas à se constituer partie civile contre le constructeur automobile.

"C'est exactement ce qui m'est arrivé"

Depuis ses déclarations, l'avocat affirme avoir été contacté, en 24 heures, par une soixantaine d'automobilistes.

"Je reçois des appels, des mails, des messages de toute part de personnes qui racontent comment leur turbo a explosé. Beaucoup décrivent les mêmes circonstances, une fumée noire, puis le lâchage des freins", détaille Nicolas Cellupica au Parisien. Il assure au quotidien qu'il s'agit toujours de véhicules Renault, "souvent des Scenic, mais aussi des Espace". Et émet l'hypothèse d'une série de turbos défectueux au début des années 2000. Le monospace de la famille victime de l'accident datait, lui, de 2005, selon l'Escadron départemental de sécurité routière (EDSR) Isère, à qui l'enquête a été confiée.

BFMTV a interrogé un automobiliste qui assure avoir connu le même problème sur la route et avoir eu la "peur de [s]a vie". "En quelques secondes, le moteur s'est emballé, à plus 4 500 tours. Ensuite, il y a eu de la fumée, le hurlement du moteur", raconte-t-il. D'autres témoignages ont surgi sur les réseaux sociaux. "C'est exactement ce qui m'est arrivé. Le moteur s'emballe. On ne peut plus rien faire. Une épaisse fumée âcre s'échappe. On a l'impression que la voiture va exploser", relate à franceinfo un utilisateur de Twitter, qui détaille sa mésaventure dans une série de messages. Dans son cas, il s'agissait d'une Renault Mégane II. Elle datait de 2003. L'incident s'est produit environ quatre ans plus tard.

L'homme tente de faire réparer la voiture dans une concession Renault, mais renonce devant le prix et l'ampleur des réfections. En revanche, il se souvient des mots du garagiste : "Il m'a dit : 'Oui, oui, on connaît bien la panne, on l'a déjà eue. La casse du turbo a causé un emballement. C'est lié au décalage d'une pièce du turbo." Il ne porte pas plainte, car le concessionaire lui fait comprendre "qu'il ne touchera rien".

C'est seulement il y a quelques jours qu'il a appris que d'autres l'avaient fait et que Renault avait été condamné, comme le rapporte l'UFC-Que Choisir. Car l'Union fédérale des consommateurs avait alerté sur les dysfonctionnements de ce moteur dès 2006. Aujourd'hui, elle précise à franceinfo que l'enquête portait "sur les moteurs 1.9 DCI de Renault et qu'à l'heure actuelle aucune information officielle sur le type de moteur du Scenic accidenté lundi n'a été diffusée".

"Quelques centaines de cas par rapport à ceux en circulation"

La prudence est aussi de mise pour Philippe Touzé, ingénieur automobile et expert judiciaire en accidentologie, contacté par franceinfo. "Des témoignages de turbocompresseurs avec des moteurs qui s'emballent c'est possible, mais cela représente quelques centaines de cas par rapport à ceux en circulation, tempère-t-il. Renault a connu des problèmes dans les années 2000 mais sur un nombre de cas limité."

"Je n'ai jamais vu un turbo générer ce type d'accident, se dégrader au point de causer un incendie et créer une perte de freinage", indique Philippe Touzé, qui a travaillé pour plusieurs constructeurs automobiles avant d'officier pour la justice. "Les turbos lâchent souvent parce qu'il n'y a pas d'entretien, tel que des vidanges de moteurs régulières ou le changement du filtre à air", poursuit l'expert, qui estime qu'on ne peut pas encore, à ce stade de l'enquête, écarter la possibilité d'un mauvais entretien. "Mais la défaillance d'une pièce est toujours possible", pointe-t-il. Philippe Touzé invite à attendre les résultats des expertises futures sur le moteur.

De son côté, Renault n'a pas réagi aux allégations de défaillance de son modèle Scenic. Dans un communiqué relayé par BFMTV et La Voix du Nord, la marque au losange a simplement partagé sa "vive émotion" et a fait savoir qu'elle contribuerait "naturellement aux investigations".

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