Vidéo Mis à la porte de leur logement après un arrêté de péril, des propriétaires vivent une double peine

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OEIL DU 20H ARRETES DE PERIL
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions
Depuis quelques années, les images d’immeubles effondrés font régulièrement la une des médias. Pour anticiper ces catastrophes, les mairies peuvent décréter des arrêtés de péril. À Bordeaux, des habitants contraints de quitter leur logement mais devant toujours le payer se retrouvent démunis.

Dans la nuit du 21 juin 2021 la famille Huchon est réveillée par un grand bruit, les deux immeubles voisins viennent de s’effondrer. Chaos rue de la Rousselle. Au beau milieu de la nuit les événements s’enchaînent rapidement, la famille se retrouve dehors, les pompiers évacuent la rue. La famille Huchon ne pourra pas remettre les pieds dans leur appartement du centre-ville de Bordeaux pendant une année, avant de pouvoir y rentrer pour récupérer des affaires. Aujourd’hui, les trois bâtiments voisins des effondrements sont toujours inhabitables. Mais Xavier Huchon continue malgré tout de rembourser son crédit immobilier, 1300 euros par mois en plus du logement qu’il occupe en attendant avec sa femme et ses trois enfants, un loyer de 1000 euros, soit au total, 2300 euros de charges mensuelles. Dans une impasse financière, Xavier Huchon ne désespère pas d’être aidé.

“C’est un cauchemar financier, je ne peux pas me priver de l’espoir qu’un jour ou l’autre, l’Etat, Bordeaux Métropole ou les assurances ne compensent pas mon préjudice. C’est inimaginable !”

Xavier Huchon

Plus de deux ans et demi après la catastrophe de la rue de la Rousselle, les assurances n’ont toujours pas indemnisé les familles, pas de causes des effondrements, pas de responsables. En attendant, les Huchon, victimes collatérales de la rue de la Rousselle, sont plongés dans l’attente. En guise de compensation, un chèque de 250€ du centre communal d’action sociale au lendemain de la catastrophe. Bien loin de couvrir le crédit qu’ils continuent de payer pour leur appartement acheté en 2017.

Un vide juridique autour des propriétaires habitants

Les arrêtés de péril sont pris par une mairie pour prévenir une situation dangereuse dans un bâtiment. En clair, lorsque la municipalité est alertée d’une fragilité sur un bâtiment, d’une toiture abîmée, d’un mur brinquebalant, elle peut publier un arrêté de péril et rendre le logement inhabitable. 

Alors, nous avons cherché à savoir ce que prévoyait la loi, dans ce cas de figure, que l’on soit propriétaire ou locataire. Le code de l’habitat et de la construction est clair : “Lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une interdiction temporaire d'habiter (...) le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer aux occupants un hébergement décent” Si vous êtes locataire, vous n’avez rien à payer, le bailleur s’occupe de vous reloger. Mais on a bien cherché : rien n’est prévu en revanche pour les propriétaires occupants. Du côté de la mairie, un adjoint au maire explique qu’un fonds d’aide existe bien, mais là encore les propriétaires occupants n’y sont pas éligibles: “La ville n'a pas d'obligation à reloger et c'est censé être couvert par l'assurance logement.”

Des situations similaires, il en existe des dizaines dans la préfecture girondine. À Bordeaux l’an passé, la mairie a décrété 141 arrêtés de péril. C’est trois fois plus qu’il y a quatre ans, et pour plus de la moitié des immeubles concernés, des évacuations ont eu lieu.

Dans le quartier Saint-Michel, Mannaïg Charpentier habite un studio dans un immeuble de pierre bordelaise. En juin 2023, la bordelaise est informée par mail d’un arrêté de mise en péril sur quatre appartements de l’immeuble où elle vit. Le mur mitoyen du fond de sa cour s’effrite. “Personne ne nous a aidés. Au, départ on nous avait parlé peut-être d’avoir des solutions d’aide avec le centre communal d’action sociale, mais au final rien, on a été livré à nous-mêmes. On a eu à peine une semaine pour faire nos affaires et quitter l’appartement.” Ensuite, plus rien. Le mur en question est mitoyen avec un autre immeuble, ses propriétaires prennent le dossier en main. Mannaïg Charpentier, lassée que la situation n’évolue pas, ne peut que constater: ”On nous a fait miroiter que ça allait durer trois mois, ensuite qu’on serait chez nous pour Noël, après en février... Et puis on est en février et aux dernières nouvelles toujours pas d’entreprise réellement choisie pour les travaux.” N’ayant pas les moyens de payer le loyer d’un nouvel appartement, Mannaïg Charpentier, son conjoint et leur nouveau-né vivent chez la grand-mère de la bordelaise depuis juin et paient toujours un crédit pour un appartement dans lequel ils ne peuvent pas vivre. Seul geste de son assurance : on lui propose 5 jours de relogement.

Une décision administrative pas assurable

Suite aux témoignages d’habitants qui n’obtiennent pas d’aide de leur assurance nous avons fait le test nous-mêmes. À la question : sommes-nous couverts en cas d’arrêté de péril, voici ce qu’on nous a unanimement répondu : “Ce n’est pas quelque chose qu’on assure ! Nous, les garanties c’est : incendie, explosion, dégâts des eaux etc.” L’arrêté de péril est une décision administrative qui ne peut être assurée selon cette autre compagnie : “Un péril c’est une décision de la mairie de rendre ce logement inoccupable, à proprement parler, ce n’est pas un sinistre garanti.”

Face à cette impasse, Thomas Drouffe, propriétaire et président d’une association de sinistrés, assure que la solution doit passer par une décision politique: “Le temps de la justice n’est pas celui des victimes. On ne peut pas attendre 10 ans un jugement pour récupérer l’argent des assurances et faire les travaux. Comment fait-on pour vivre pendant 10 ans ? Donc ce pour quoi nous plaidons c’est d’avoir un fonds de solidarité qui vienne préfinancer ces travaux dans l’attente du jugement.”

Contacté, le ministère du Logement nous a assuré être conscient du problème. Une proposition de loi pour simplifier l’habitat dégradé sera prochainement votée à l’assemblée.

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