Régionales : quand le gouvernement affûte ses armes en coulisse
Des membres du gouvernement sont pressentis pour se présenter lors des élections régionales. Mais ils restent discrets pour ne pas donner l’impression de penser à autre chose qu'à l'épidémie de Covid-19.
La crise sanitaire qui dure, l’élection en point de suspension, pas encore de date officielle du scrutin... Pourtant, au sein du gouvernement, ceux qui vont se lancer dans le combat régional se préparent. Le ministre de l'Éducation, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, la ministre chargée des Anciens combattants, le ministre de l’Agriculture, le ministre des Affaires étrangères, le secrétaire d'État en charge des retraites… Mais surtout, chut ! Il faut éviter de l’ébruiter. La consigne est à la discrétion. Au moins tant que la crise sanitaire occupe les pensées des Français.
Les ministres ne veulent pas donner l’impression qu’ils pensent à autre chose. Mais l’offensive politique se prépare. "Nous aurons des listes dans toutes les régions. Nous ne ferons pas d’impasse", souligne un proche d’Emmanuel Macron. "Nous sommes partis sur des élections de type Renaissance, comme aux Européennes, associant toutes les composantes de la majorité", souligne un parlementaire.
Des régionales comme marchepied pour la présidentielle
Pas question que la majorité ne se déchire. Fin novembre, devant le président, à l’occasion d’un déjeuner à l’Élysée, François Bayrou, le patron du MoDem et Stanislas Guerini, le délégué général de La République En marche, ont pris l’engagement de faire des listes communes dans toutes les régions. Y compris, dans les régions, comme en Île-de- France, où le MoDem siège avec la droite.
Pour les dirigeants d’En marche, cette élection n'a rien à voir avec les municipales. Les régionales doivent chasser le mauvais souvenir du revers aux municipales. "Les régionales s’ancrent dans le débat national. Nous pouvons compter sur un socle de 15% à 20% d’électeurs", avance-t-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Avec l’espoir de pouvoir participer à des coalitions au deuxième tour ou de finir en tête en cas de triangulaire ou de quadrangulaire.
Et si elles se déroulent en juin, ces élections constitueront tout à la fois un marchepied pour l’élection présidentielle mais aussi son laboratoire. Car c'est à cette occasion que les forces de la majorité présidentielle doivent démontrer qu’elles sont capables de s’unir en vue de 2022. "Ce scrutin est un passage obligé, il servira de preuve", souligne un dirigeant d’En marche. Attention à ceux qui se montreraient déloyaux ! "Emmanuel Macron a déjà élargi sa majorité, poursuit ce dirigeant. En 2017, pour soutenir sa candidature, il fallait adhérer à En marche. Aujourd’hui, on compte au moins quatre partis qui le soutiennent". Mais il s'agit de tout petits partis, voire des chapelles. Et reste à les abriter sous un même toit.
Darrieussecq en Nouvelle-Aquitaine, Fesneau pour la région Centre
En Nouvelle-Aquitaine, Geneviève Darrieussecq parle avec tout le monde... Sauf avec Alain Rousset, l’actuel président (PS) de la région. "Il a repoussé les mains tendues", explique-t-on dans l’entourage de la ministre. La ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants a été désignée par le président de la République mi-octobre pour être tête de liste dans la région. "Et elle n’envisage plus aucune alliance avec Alain Rousset. Ni avant le premier tour ni après", assure l’un de ses fidèles. Geneviève Darrieussecq travaille déjà sur son programme et "imagine son équipe de campagne".
"Cela reste encore virtuel car il n’y a pas encore de compte de campagne", observe l’un de ses proches. Selon le droit électoral, les comptes de campagne ne sont pris en compte que six mois avant la date du premier tour. Dans le cas des régionales, les candidats vont devoir prendre leur mal en patience.
Mais Geneviève Darrieussecq n’est pas la seule ministre sur la ligne de départ. Son collègue Marc Fesneau, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne, s’arme pour la région Centre. Là encore, "rien ne sera officiel tant que l’épidémie est encore là", assure l’un de ses proches. Mais déjà, le ministre a les yeux rivés sur le deuxième tour. Qui trouvera-t-il face à lui ? Guillaume Peltier, le numéro 2 de LR ? "Il sera isolé, alors que Marc Fesneau n’a pas coupé les ponts avec les socialistes", juge un élu local, bon connaisseur des arcanes politiques de la région. Au MoDem, on est sûr que la région Centre est gagnable.
Jean-Michel Blanquer "occupe le terrain" pour l'Île-de-France
Vendredi, Jean-Michel Blanquer a été désigné à son tour comme “référent” LREM pour l'Île-de-France. C’est le comité de coordination des élections régionales d'Île-de-France, qui compte plusieurs dizaines de conseillers départementaux et de parlementaires de la région, qui a mis sa candidature sur les rails. "Il occupe le terrain, car en face, Audrey Pulvar et Julien Bayou sont déjà sortis du bois", note un membre de comité. Dans l’entourage de Jean-Michel Blanquer, on assure que le ministre de l'Éducation nationale n’a toujours pas pris la décision de se présenter. "Mais qu’il subisse des pressions amicales pour y aller, oui, c’est indéniable", remarque-t-on rue de Grenelle.
Un parlementaire du comité, assure pourtant que "la candidature de Jean-Michel Blanquer comme tête de liste en Île-de-France ne fait aucun doute. Il se déclarera officiellement fin février-début mars. Dans l’immédiat il ne veut pas donner l’impression qu’il abandonne les profs et les élèves en pleine crise sanitaire".
Aujourd’hui, il n’est en tout cas plus question d’une alliance entre La République En marche et Valérie Pécresse. "Elle n’a pas souhaité lever l’hypothèque de sa candidature en 2022", remarque un proche d’Emmanuel Macron. Et la majorité a besoin de cette région, qui cumule un tiers de la richesse nationale. "Elle pourrait représenter un rouage essentiel du plan de relance économique par une politique de grands travaux", note un cadre d’En marche. En revanche, une alliance avec Renaud Muselier, le président LR de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur est une hypothèse crédible. "Nous allons naturellement discuter avec des sortants", confirme-t-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron.
Aujourd’hui aucune règle n’a été édictée pour les ministres qui partent au combat. Aucun ministre ne devrait démissionner avant le scrutin. Chacun imagine une campagne très courte, de quelques semaines, sans meeting, compte tenu des conditions sanitaires. Et après ? "Ceux qui emporteront une région partiront la diriger", assure, un peu rêveur, un ministre qui entend bien être tête de liste. Quant aux perdants, ils seront sans doute emportés par le remaniement qui pourrait succéder aux régionales.
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