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"Réémigration", négationnisme, "race congoïde"... Les mauvaises ondes d'Henry de Lesquen, le patron de Radio Courtoisie

Cet énarque à la retraite de 67 ans, "candidat virtuel" à la présidentielle, comparaît, mercredi, devant le tribunal correctionnel pour "contestation de crimes contre l'humanité".

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le président de Radio Courtoisie Henry de Lesquen, le 9 avril 2016 lors d'un banquet organisé à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) par l'hebdomadaire d'extrême droite "Rivarol". (YANN CASTANIER / HANS LUCAS / AFP)

"Je suis émerveillé de la longévité des 'rescapés de la Shoah' morts à plus de 90 ans. Ont-ils vécu les horreurs qu'ils ont racontées ?" Pour avoir publié ce tweet, ainsi qu'une poignée d'autres du même acabit, Henry de Lesquen comparaît pour "contestation de crimes contre l'humanité", mercredi 7 décembre, devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Cet énarque à la retraite de 67 ans, président de la très droitière Radio Courtoisie, ne masque pas son impatience à l'idée de s'expliquer à la barre. Sur son site internet, celui qui se décrit comme "candidat virtuel" à la prochaine élection présidentielle appelle tous ceux qui partagent ses idées pour que "la France redevienne la France" à venir assister à l'audience.

Partisan du retour des "travaux forcés" pour les immigrés illégaux, émettant la volonté de raser la tour Eiffel en cas d'élection... Franceinfo revient sur le parcours d'un vicomte bien décidé à explorer jusqu'où peut aller l'extrême droite.

"Réémigration" de masse dans son programme virtuel

Se plonger dans le site officiel de Henry de Lesquen du Plessis-Casso, dit Henry de Lesquen, revient à découvrir un catalogue d'affirmations et de propositions plus sidérantes les unes que les autres. Le Front national craint une montée de "l'islamisation" en France ? Ce n'est rien à côté du "cosmopolitisme" dénoncé par le patron de Radio Courtoisie, qui, affirme-t-il, "détruit notre civilisation grâce à la musique nègre (...) qui est un ensauvagement de l'homme".

Les dirigeants européens font face à une crise migratoire ? Il promet les "chaînes" aux migrants illégaux, et les "travaux forcés" à ceux qui oseraient revenir après avoir été expulsés. Et ne lui parlez surtout pas d'intégration : l'ancien haut-fonctionnaire souhaite organiser une "réémigration" pour les "populations extra-européennes qui ne souhaitent pas, ou qui ne peuvent pas, s’assimiler à la culture française". Fermez le ban.

Henry de Lesquen, qui a fondé, en 1974, le think tank national-libéral le Club de l'horloge avec Jean-Yves Le Gallou, figure bien connue de l'extrême droite, semble croire dur comme fer à son prétendu programme. Mais après quelques minutes de discussion avec Lucien Jean-Baptiste, le réalisateur du documentaire Pourquoi nous détestent-ils, nous les Noirs ?, diffusé début octobre sur Planète+sur ses origines "congoïdes", Henry de Lesquen finit par lâcher un "mais vous, je vous garde !" dans un grand éclat de rire.

Parodié jusqu'à l'extrême droite

Avec un tel programme, le président de Radio Courtoisie a réussi à atteindre son objectif : se faire remarquer. Ses sorties répétées sur la "musique nègre" ont inspiré au rappeur Kery James un titre éponyme. Celui-ci a invité dans son clip une bonne partie des acteurs du rap français pour dénoncer les propos du polémiste. Depuis sa publication à la mi-septembre, la vidéo a été vue près de 5 millions de fois.

Inutile de chercher au vicomte et ancien conseiller municipal de Versailles des sympathies du côté du Front national. Pour lui, depuis que Florian Philippot a impulsé sa stratégie de dédiabolisation, le parti n'est plus qu'un "lupanar pédérastique", à la tête duquel se trouve une "femme de gauche" qui "s’éclate en écoutant de la musique nègre en boîte de nuit". Une obsession, décidément.

Depuis qu'il multiplie ses saillies sur les réseaux sociaux, Henry de Lesquen a, en fait, droit à une gloire un peu moqueuse de la part des internautes d'extrême droite. "Chepamec", modérateur de la section du site Reddit destinée à promouvoir sur internet la candidature de Marine Le Pen, confie à franceinfo avoir accepté de gérer le modeste forum dédié à "HDL" "pour la blague". A l'intérieur, on ne trouve qu'une parodie de la bande dessinée Tintin au Congo, rebaptisée Lesquen au pays des Congoïdes

"Depuis qu'il s'est inscrit sur Twitter, il est en roue libre", explique à franceinfo David Doucet, rédacteur en chef aux Inrockuptibles et coauteur de La Fachosphère (Flammarion). "Il prend du plaisir à choquer, et a réussi à fédérer une communauté qui le voit comme une sorte de Don Quichotte amusant. Alors qu'il a eu une carrière politique assez médiocre, devenir une figure de la fachosphère le rend très heureux et fier."

Surveillé de près par le CSA

Ces sorties, toujours plus extrêmes, ont fini par faire des vagues dans l'univers feutré de Radio Courtoisie. Au sein de la station associative, pourtant ouverte à "toutes les droites", des gaullistes au Front national, certains ont de plus en plus de difficultés à assumer les propos racistes, antisémites et homophobes de leur patron.

En septembre, plusieurs organisateurs d'émissions se sont fendus d'une lettre ouverte sur le blog catholique et réactionnaire Le Salon Beige pour demander la démission d'Henry de Lesquen de son poste de président, qu'il occupe depuis 2007. Ils y dénoncent les "prises de parole à la radio, mais surtout en dehors", qui "décrédibilisent durablement" la station et "lui font perdre son essence".

"Comment un invité peut-il assumer de parler sur une radio dont le président justifie le rétablissement de l’esclavage ? On ne peut pas inviter les gens, on les grille", s'indignait, de son côté, Paul-Marie Coûteaux en juin dans Le Monde. "C'était la radio des droites, là, ça devient plus extrême que le FN !", ajoutait cet ancien proche du parti frontiste, qui a claqué la porte de la station. 

"Henry de Lesquen a pris la tête de Radio Courtoisie grâce à son profil de bon gestionnaire, efficace pour les appels aux dons et la gestion du fichier clients, ajoute David Doucet. Mais sous sa présidence, il a vraiment droitisé la station et les plus modérés, poussant vers la sortie des figures gaullistes comme Jean-Paul Bled." Cette radicalisation a aussi attiré l'oreille du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui a indiqué, cet été, surveiller la station "avec une vigilance toute particulière". Contactée par franceinfo, l'organisation n'avait, mardi, pas encore répondu sur l'évolution du dossier.

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