Présidentielle : les électeurs qui votent blanc sont "majoritairement de gauche" et "vraiment intéressés par la vie politique", explique une spécialiste
Spécialiste du vote blanc et maîtresse de conférence à l'université de Sciences politiques de Montpellier, Aurélia Troupel a conduit une étude sur le comportement des électeurs depuis le 29 mars.
Les électeurs qui votent blanc à la présidentielle sont "majoritairement de gauche" et sont "vraiment intéressés par la vie politique", assure Aurélia Troupel, spécialiste du vote blanc et maîtresse de conférence à l'université de Sciences politiques de Montpellier, ce vendredi sur franceinfo. Elle conduit une étude sur le comportement des électeurs depuis le 29 mars. Plus de 540 000 Français ont voté blanc au premier tour le 10 avril.
franceinfo : Qui sont les électeurs qui votent blanc ou nul ?
Aurélia Troupel : Ce sont des électeurs que l'on pourrait penser comme étant paradoxaux alors qu'en réalité ce sont des électeurs qui font la démarche de se rendre au bureau de vote pour glisser une enveloppe dans l'urne tout en sachant pertinemment qu'elle ne sera pas prise en compte. Ils ont conscience du fait que leur bulletin ne sera pas entendu. Ce qui ressort de l'étude que je mène actuellement, c'est que, vraiment, ces électeurs veulent participer à l'acte électoral. Pour eux, ça reste un élément important et ils ont des choses à dire. Ce vote blanc, justement, est censé incarner et porter ce mécontentement qui est le leur. Le contexte de cette année fait que pour l'instant les "votants blancs" sont majoritairement de gauche. On va retrouver un électorat qui est plus urbain, extrêmement diplômé ou, si les électeurs ne sont pas très diplômés, ils vont connaître vraiment très bien la vie politique. Quand je discute avec eux, ils ont des propositions de réforme du système électoral, des propositions d'alternatives, donc ce sont des électeurs qui sont vraiment intéressés par la vie politique et qui se servent du bulletin blanc pour faire passer un message parce qu'ils espèrent en tout cas que celui-ci va être réformé.
Qu'est-ce qui ne leur convient pas dans le système actuel ?
C'est à la fois l'offre présidentielle et la façon dont se déroule cette élection, c'est l'hyper-présidentialisation, l'omniprésence et l'omnipotence du président. Ce sont par exemple des électeurs qui m'ont dit qu'ils iraient voter pour les élections législatives. Donc c'est soit le système électoral en tant que tel, soit l'offre, c'est-à-dire l'offre programmatique. Ils ont parfaitement épluché les programmes des différents candidats et ils trouvent qu'il y a un décalage vraiment trop important entre leurs préoccupations qui leur semblent particulièrement essentielles et les réponses que proposaient d'y apporter les différents candidats.
Le nombre de bulletins blancs ou nuls augmentent traditionnellement au second tour de la présidentielle. Quel chiffre peuvent-ils atteindre ce dimanche ?
Au premier tour cette année, on a eu 800 000 bulletins blancs et bulletins nuls. Au deuxième tour, ce ne serait pas surprenant qu'ils dépassent 1,5 ou 2 millions. En tout cas, c'est ce qui s'est passé lors des dernières présidentielles, sachant qu'en 2017, on a même atteint le chiffre record de 4 millions au second tour.
Ces votes sont comptés mais ne sont pas considérés comme des suffrages exprimés. Faut-il envisager de modifier cette règle ?
Ce qui est sûr, c'est qu'il y a une énorme frustration qui est générée par cette pseudo-reconnaissance du vote blanc. Effectivement, on le compte à part, mais il n'a aucune incidence sur le calcul du score des autres candidats. Donc il y a une forme d'incompréhension de la plupart des électeurs, qu'ils votent ou pas blanc, parce qu'ils ne voient pas nécessairement l'utilité du vote blanc si celui-ci n'a pas d'impact. Ce qui ressort aussi des entretiens que je mène actuellement, c'est que si celui-ci était pris en compte, s'il avait une réelle incidence sur les scores, il serait probablement nettement plus nombreux, beaucoup plus fort.
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