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Oui à Le Drian et à Bayrou, non à Valls et à Royal... Comment Emmanuel Macron fait le tri parmi ses soutiens

A l'image du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, vendredi, de nombreuses personnalités rallient En marche !. Mais si certaines sont accueillies à bras ouverts, d'autres semblent rester sur le pas de la porte.

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Emmanuel Macron, le 13 mars 2017 à Paris. (FRANCOIS MORI/AP/SIPA / AP)

Un renfort de poids. Le ministre de la Défense, le socialiste Jean-Yves Le Drian, a annoncé, vendredi 24 mars, qu'il ralliait Emmanuel Macron pour la campagne présidentielle. Une recrue emblématique pour En marche ! qui compte déjà, dans ses rangs, de nombreuses personnalités politiques comme le président du MoDem, François Bayrou, ou l'écologiste Daniel Cohn-Bendit. 

Mais intégrer En marche ! n'est pas une simple formalité. "Je n’ai pas fondé une maison d’hôtes, pardon de vous le dire", tranche ainsi Emmanuel Macron, cinglant, le 14 mars, alors que bruissait la rumeur d’un ralliement imminent de Manuel Valls. Avec ce message pour le moins abrupt, le patron d'En marche ! montre qu’il entend bien faire le tri parmi ces ralliements. Franceinfo s’est penché sur les critères de sélection d'un des favoris de l'élection présidentielle.

En refusant d'être "la recyclerie du PS"

En matière de ralliements, la "bienveillance" prônée par Emmanuel Macron semble avoir trouvé ses limites. Manuel Valls n’est pas le seul à avoir été ainsi prévenu. Il y a deux semaines, ce sont Ségolène Royal et Marisol Touraine qui ont appris, au détour d’une interview d'Emmanuel Macron dans le magazine Femme Actuelle, qu’il ne comptait pas les nommer dans son futur gouvernement. Son argument : la promesse de renouvellement portée par En marche !. "Si je reprenais les mêmes, je trahirais la promesse initiale", pointe-t-il. 

En fait, ce refus plus ou moins poli adressé à ces personnalités socialistes a un objectif principal : ne pas apparaître comme "la recyclerie du PS", un refuge des ténors du quinquennat pas convaincus par la candidature de Benoît Hamon. "Marisol Touraine, Ségolène Royal, ce sont des divas, estime un soutien socialiste du candidat d'En marche !. Avant qu'Emmanuel Macron fasse cette mise au point, il se disait dans tous les dîners en ville que Ségolène Royal négociait pour être Première ministre, je n’arrêtais pas de recevoir des textos de gens apeurés. Il faut qu’on donne corps à l’idée qu’En marche !, ce sera une alternance franche."

En veillant à un équilibre gauche-droite

Emmanuel Macron semble, en fait, vouloir respecter à la lettre le principe "ni de gauche, ni de droite" qu’il a édicté. Pas question que des ralliements groupés donnent l’impression que le mouvement bascule d’un côté ou de l’autre de l'échiquier politique.

En marche ! n’est pas l’arche de Noé des éléphants du PS. Si, d’un seul coup, tous montent à bord, cela crée un déséquilibre.

Renaud Dutreil, fondateur du mouvement La droite avec Macron

à franceinfo

"Comme toute organisation politique, En marche ! est une pyramide. A la base, chez les adhérents, pas de problème, on est à 50/50, poursuit-il. A l’étage supérieur, celui des cadres, au départ c’était déséquilibré en faveur de la gauche. Aujourd’hui, c’est réglé. Au dernier étage, celui des élus de stature nationale, qui sont visibles, il y avait initialement un déséquilibre, compensé par l’arrivée de personnalités comme Jean-Paul Delevoye [ancien ministre chiraquien] ou François Bayrou." 

Il est vrai que dans les mois suivant sa création, En marche ! a nettement penché à gauche : les députés Richard Ferrand, aujourd’hui secrétaire général du mouvement, Corinne Erhel, Christophe Castaner et Arnaud Leroy, le maire de Lyon Gérard Collomb, le sénateur François Patriat sont tous issus des rangs du PS.

En repoussant les ralliements groupés

Les réformateurs du Parti socialiste semblent –pour l’instant– avoir fait les frais de ce souci d’équilibre. Dans ce groupe, qui compte une trentaine de parlementaires de l’aile libérale du PS, beaucoup sont tentés par l'aventure. Gérard Collomb, lui-même membre des réformateurs, plaidait d’ailleurs début mars pour un ralliement groupé. Les députés Gilles Savary et Christophe Caresche ont donc préparé un texte en ce sens et l’ont soumis à leurs collègues. Mais l’appel a fuité dans Le Figaro, rendant l’opération caduque.

Le cabinet d'Emmanuel Macron contacte ainsi Gilles Savary et lui fait savoir que "ce n’est pas le moment, et on ne veut pas de groupe". "On n’a pas eu d’explication très claire, souffle le député de Gironde. Cela montre que c’est Emmanuel Macron lui-même qui est à la manœuvre. Le pilotage politique est très centralisé autour de lui, puisque même Gérard Collomb, pourtant un pilier de la macronie, n’a pas eu gain de cause.

Plus le temps passe, et plus Emmanuel Macron se dit qu’il peut y arriver en choisissant ses ralliements sur l’étagère...

Gilles Savary, député PS de Gironde

à franceinfo

Du côté d'En marche !, on avance une autre explication. "On ne veut pas de gens qui viennent se planquer en attendant tel ou tel congrès, tance un membre du comité politique. Il y a un agenda au PS sur la recomposition, ce n’est pas le nôtre." Depuis qu'il s'est lancé dans la course présidentielle, Emmanuel Macron martèle aussi qu’il ne veut pas signer d’accord d’appareil, synonyme selon lui de tambouille électorale. "Les aigles vont seuls et les dindons vont ensemble." La formule de ce très proche du candidat résume sa philosophie : oui aux ralliements individuels, non aux accords collectifs. 

En ne garantissant pas d'investitures aux législatives

Christophe Caresche a, lui, rallié En marche ! tout seul, à la fin février. "J’ai un peu dû forcer le passage, sourit le député de Paris, contacté par franceinfo. Ils ont plutôt freiné sur les ralliements, ils étaient beaucoup sur la droite." Le fait qu’il ne se représente pas dans sa circonscription a peut-être aidé. Car, comme le répètent systématiquement les porte-paroles du mouvement, et même Emmanuel Macron lui-même, "tout soutien est le bienvenu, mais il ne signifie ni infléchissement de la ligne politique, ni investiture".

Du coup, parmi les nouveaux venus, nombreux sont ceux qui se sont mis en retrait du champ politique, à l’image de l'ancien maire PS de Paris, Bertrand Delanoë. Pas de volonté d'être investis, pas de comptes à rendre à un parti... Ils sont moins encombrants pour En marche !. Et quand les ralliements sont gênants, comme celui d’Alain Minc, particulièrement raillé sur les réseaux sociaux, ils ne se traduisent par aucun poste dans l’équipe.

En marche ! se targue de vouloir présenter, lors des législatives, 577 candidats sélectionnés selon cinq critères, présentés par Emmanuel Macron lui-même dès le 19 janvier : la probité, la parité, le renouvellement (50% des candidats le seront pour la première fois), le pluralisme politique et la cohérence. "Avec ces critères, nous sommes à l’abri de tout tsunami socialiste", sourit un très proche de Macron. Le fait de ne pas avoir de garantie d’être réinvesti a tempéré l’ardeur de bien des députés sortants.

En agissant avec diplomatie

Selon Renaud Dutreil, Emmanuel Macron “est assez fort dans l’art de ne pas vexer les gens. Il a freiné un certain nombre de ralliements encombrants, des gens qui ont déjà fait une longue carrière ministérielle par exemple. Il est courtois et très honnête. Si certains demandent des choses, il leur dit que ce n’est pas possible. La politique est un monde d’ego, où les susceptibilités sont toujours à vif. Mais Macron arrive à ne pas froisser. Les gens qui sortent de son bureau, même s’ils n’ont pas obtenu ce qu’il espéraient, sont peut-être mécontents mais se disent : 'Il est peut-être désolé de me dire ça'”.

En faisant une exception à ces règles

Il y a la règle, mais elle souffre (au moins) une exception : Jean-Yves Le Drian. Le populaire ministre socialiste de la Défense coche pourtant plusieurs cases censées être rédhibitoires : élu député pour la première fois en 1978, très proche de François Hollande, ministre pendant tout le quinquennat… Oui mais voilà, Jean-Yves Le Drian est particulièrement populaire, et sa compétence sur les sujets régaliens, identifiés comme un point faible de la candidature d'Emmanuel Macron, le rend incontournable.

"Il ne faut pas être plus catholique que le pape, explique un membre du comité politique d’En marche !. Jean-Yves Le Drian est reconnu par ses pairs, il n’est critiqué ni à gauche ni à droite, on est ravis s’il vient." Les règles, notamment celle d’exclure tout accord d’appareil, pourraient d’ailleurs être remises en cause quand il s’agira de construire une majorité à l’Assemblée. Jean-Paul Delevoye, président de la commission d’investiture d’En marche !, vient ainsi d’annoncer qu’une partie des investitures ne serait décidée qu’après le second tour de la présidentielle.

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