Les municipales sonnent-elles la mort du MoDem ?
Moribond depuis le score de François Bayrou à la dernière présidentielle, le Mouvement démocrate apparaît aujourd'hui comme un parti dépourvu d'identité politique. Sa stratégie est illisible.
Quelle est la stratégie du MoDem pour les élections municipales des 23 et 30 mars ? Bien malin qui peut aujourd'hui répondre à cette question. Moribond depuis le score réalisé par François Bayrou à la dernière présidentielle (9,13%), le parti centriste apparaît aujourd'hui plus morcelé que jamais.
Candidat à Pau (Pyrénées-Atlantiques), le président du Mouvement démocrate, qui présente sa liste vendredi 14 février, veut croire en sa bonne étoile. Depuis le début de la campagne, tous les sondages le donnent en tête face au candidat socialiste, au premier comme au second tour. Pourtant, rien ne semble aujourd'hui en mesure de guérir les maux du MoDem, pas même une victoire isolée dans la capitale du Béarn.
Car la fameuse stratégie – si tant est qu'il y en ait une – est tout bonnement illisible. A l'échelle nationale, François Bayrou a exprimé ses regrets d'avoir voté François Hollande en 2012. Après avoir dénoncé le manque de courage du PS et du gouvernement, il a affirmé se situer dans "l'opposition, constructive et déterminée". S'est rapproché de l'UDI de Jean-Louis Borloo, "allié naturel" de l'UMP, pour former l'Alternative, un rassemblement de centre-droit. Et a fini, tant bien que mal, par obtenir le soutien du parti de Jean-François Copé pour sa candidature à Pau. Logiquement, le MoDem aurait donc dû prohiber toute alliance avec le PS, et préconiser celles avec l'UDI et l'UMP. Mais dans l'arrière-boutique, les choses sont bien plus compliquées.
Bisbilles à Paris, Marseille, Lille, Montpellier…
A Paris, le MoDem soutient officiellement la candidature de l'ancienne ministre UMP Nathalie Kosciusko-Morizet. La vice-présidente du parti centriste, Marielle de Sarnez, figurera en deuxième position sur la liste du maire UMP du 6e arrondissement. Mais le seul conseiller de Paris élu sous l'étiquette MoDem en 2008, Jean-François Martins, a lui rallié la socialiste Anne Hidalgo. Le porte-parole national des Jeunes démocrates, John Colorado, et le directeur de la communication du MoDem, Matthieu Lamarre, ont fait de même.
A Marseille, François Bayrou a appelé à soutenir la candidature de Jean-Claude Gaudin, maire UMP de la ville depuis 1995. Vice-président du MoDem et responsable du parti dans les Bouches-du-Rhône, Jean-Luc Bennhamias lui a opposé une fin de non-recevoir. L'eurodéputé veut "participer à l'alternance", s'est rapproché de la candidature de centre-gauche de Pape Diouf, et devrait soutenir au second tour le socialiste Patrick Mennucci.
A Dijon, le MoDem, qui compte plusieurs élus, soutient le maire PS sortant, François Rebsamen. La direction nationale n'y a pas vu d'inconvénient. Mais à Lille, où le parti centriste compte également plusieurs conseillers municipaux, François Bayrou appelle à voter pour l'opposant UMP de Martine Aubry. Sauf que les élus centristes en question, eux, continuent de rouler pour l'ancienne première secrétaire du PS ! Configuration identique à Montpellier, où des élus MoDem soutiennent la maire socialiste sortante Hélène Mandroux, alors que le parti soutient le candidat UMP Jacques Domergue… Et l'on pourrait continuer ainsi la liste des nombreuses villes où le MoDem part en ordre dispersé.
"Une position utilitariste, difficile à cerner pour l'électeur"
Comment expliquer une telle ambiguïté ? "En 2008, le MoDem cherchait à rompre avec son traditionnel penchant vers la droite. Il s'est donc allié avec des municipalités socialistes. Ces accords ont poussé des personnes à exercer des responsabilités, et celles-ci souhaitent aujourd'hui les poursuivre. Mais depuis, le MoDem est rentré dans le rang, et doit donner des gages à la droite. Il est dans une position très utilitariste", décrypte le politologue Alexis Massart, spécialiste du centre. Autrement dit, le MoDem s'allie avec ceux qui ont le plus de chances d'être élus. Ainsi, à Angers, le parti de François Bayrou a préféré soutenir le candidat UMP plutôt que celui de l'UDI ! Loin du "centre indépendant" prôné jadis par François Bayrou, le MoDem est en réalité très dépendant des autres. Ici du PS, là de l'UDI, là de l'UMP…
Le problème, c'est qu'à force de mettre des coups de barre dans un sens puis dans l'autre, "cela crée une situation très difficile à cerner pour l'électeur", constate Alexis Massart. "C'est vrai que cela n'est peut-être pas très compréhensible au niveau national, concède le député européen Robert Rochefort, vice-président du MoDem. Nous avons un devoir de clarification. Mais au niveau local, les électeurs votent plus pour une personnalité et un projet que pour une étiquette politique. Dans la plupart des cas, les municipales sont des élections locales."
"Le MoDem n'existe plus en tant que parti centriste"
Une vision que ne partage pas l'UDI de Jean-Louis Borloo. "Le problème, ce n'est pas qu'il y ait des problèmes, mais c'est de les régler", minimisait l'ancien ministre de l'Ecologie, mi-janvier, dans Libération. Vice-président de l'UDI, François Sauvadet prend aujourd'hui moins de pincettes : "Nous avons un désaccord de fond sur cette question avec François Bayrou, explique-t-il, joint par francetv info. On ne peut pas dire qu'on est dans l'opposition à François Hollande et soutenir des socialistes en disant que les municipales, ça n'a rien à voir ! On est dans la confusion totale. Tout cela illustre que le MoDem a encore un problème de positionnement politique, et que François Bayrou a un problème de leadership au sein de son propre mouvement."
Conseiller de Paris et soutien d'Anne Hidalgo, l'ancien directeur de communication de François Bayrou et du MoDem, Jean-François Martins, va plus loin : "La définition d'un parti sous la Ve République, c'est de faire des élus. En 2014, le MoDem va y arriver, mais au prix de divisions et de reniements terribles. Est-ce que le MoDem existe encore en tant que parti centriste ? La réponse est non", tranche l'élu parisien, interrogé par le Huffington Post.
Pour François Sauvadet, François Bayrou a désormais deux voies devant lui : "Ou bien il clarifie son positionnement politique, et il va se diviser. Ou bien il ne le clarifie pas, et alors cela va poser un problème politique au centre-droit pour les élections à venir. François Bayrou prend un vrai risque, celui de se retrouver à nouveau esseulé." Pas forcément de quoi faire trembler celui qui, au lendemain de l'élection présidentielle de 2007, confessait que "la solitude n'est pas une mauvaise compagne".
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