franceinfo en campagne. Le FN en position de force dans le Vaucluse
Jusqu’aux législatives des 11 et 18 juin prochains, franceinfo zoome chaque jour sur une circonscription. Mercredi, la troisième circonscription du Vaucluse où le FN reste en position de force malgré le départ de Marion Maréchal-Le Pen.
Franceinfo poursuit son tour de France des circonscriptions qui valent le détour avant les législatives des 11 et 18 juin. Après la Corrèze, la Sarthe, l'Hérault, la Corse-du-Sud et la Creuse, direction Carpentras dans la troisième circonscription du Vaucluse, celle de Marion Maréchal-Le Pen.
En 2012, la nièce de Marine Le Pen était la plus jeune députée de l’Assemblée et la seule avec l’étiquette Front national (Gilbert Collard était étiqueté Rassemblement bleu Marine). La jeune femme a mis sa carrière politique en suspens mais le FN reste en position de force dans ce territoire où le paysage politique est en pleine mutation.
L'absence de Marion Maréchal-Le Pen
Marion Maréchal-Le Pen s’est forgée une solide réputation ici, au pied du monumental Mont Ventoux qui domine le panorama de la troisième circonscription du Vaucluse. Le FN y a recueilli 40% des voix au premier tour de la présidentielle dans la circonscription, loin devant François Fillon. Cette terre est droitière, conservatrice, rurale, périurbaine et c'est aussi une terre de taiseux. Ils sont rares à avoir accepté d'en parler.
"Beaucoup de personnes l'aimaient bien parce que c'était une jeune personnes souriante, très appréciée mais elle n'a pas du tout le tempérament de sa tante. Les gens la regrettent un peu", affirme René, un habitant de Carpentras. "Je pense que c'est une fille intelligente, elle est brillante", assure Mélanie, de Vedène, tandis que Violaine, elle, estime que si la jeune femme ne se représente pas, "ce n'est pas mal". "Honnêtement, je serai incapable de vous dire ce qu'elle a fait pour la région", confie-t-elle.
Au Front national, c’est le suppléant de Marion Maréchal-Le Pen, Hervé de Lépinau, qui a la mission de reprendre le flambeau. "On ne parle pas de 'madame Maréchal-Le Pen', on parle de 'Marion'. C'est le propre des relations au sein d'une famille", fait remarquer cet avocat et conseiller départemental.
Sur le plan affectif, je suis triste de la voir partir. Mais en politique, nul n'est irremplaçable, on a de nombreux élus locaux.
Hervé de Lépinau, candidate FNà franceinfo
Ce territoire fait partie des 45 circonscriptions où Marine Le Pen a fini devant Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle, à près de 53%.
Le message du FN "plaît beaucoup"
Le Vaucluse est l'un des départements les plus pauvres de France alors qu'il a été l'un des plus riches. Aujourd'hui, il doute et se replie. "On a beaucoup de problèmes, du coup ce sont des votes contestataires, de colère", analyse Violaine. "Il y a des gens qui galèrent, qui traînent souvent dans la rue, qui font des conneries. Je suis passé par là, raconte Franck, un jeune homme de Bédarrides. Mon père est un peu du côté de l'extrême droite. Il avait un arabe qui bossait super bien. Il en était très content. Et un jour, un client lui a dit, 'Je ne veux pas avoir Rachid au téléphone'. Il ne l’a pas gardé en CDI." Plus loin, Vincent, un autre jeune homme, confirme qu'il "y a une forte identité ici" et que le message "assez agressif" du Front national "plaît beaucoup".
Ici, les taux de chômage et de pauvreté sont beaucoup plus hauts que la moyenne nationale. Certains, comme Noël, sont persuadés que le vote FN a vocation à perdurer tant que les choses n'iront pas mieux. Cet habitant de Vedène déplore notamment ces usines qui "ferment les unes après les autres". "Il n'y a pas d'espoir, il n'y a pas d'avenir", dit-il.
Une candidate LREM, novice en politique
Le tissu industriel est meurtri et l’activité agricole - la région est connue pour ses fraises, ses melons et ses vignes - est concurrencée. "C'est une région qui a été totalement abandonnée depuis cinq ans, regrette Brune Poirson, la candidate La République en marche dans la troisième circonscription du Vaucluse. C'est un mandat fantôme qui a été celui du FN ici. C'était censé être le laboratoire du Front national, on voit qu'il ne s'est absolument rien fait, qu'il n'y a aucun bilan.
Je représente le pendant opposé à une icône totalement vide avec une étiquette Le Pen dessus.
Brune Poirson, candidate LREMà franceinfo
Brune Poirson a travaillé en Inde, à Londres et aux États-Unis. Se présenter aux législatives est une mission compliquée pour cette novice en politique, d'autant qu'Emmanuel Macron n'est arrivé que quatrième au premier tour de la présidentielle. "Brune Poirson, à mon avis, s'est trompée de circonscription, lance son adversaire frontiste. On a la carte postale de la bobo mondialisée. Ce n'est pas péjoratif si vous vous présentez à Paris. Les gens vont la regarder avec des yeux carrés." Ce à quoi la Vauclusienne répond : "Je suis du cru et certainement autant que mes adversaires du Front national". Ces derniers jours, des attaques sont apparues sur ses affiches électorales avec ces mots : "L’immigration en marche !"
Pas de candidat PS
Trois autres candidats jouent les premiers rôles dans cette élection même s'ils ne peuvent pas s'appuyer sur la dynamique du sortant ou sur la victoire présidentielle. Ce n'est d'ailleurs pas leur seul handicap. À droite, Gilles Vève, le maire de Saint-Didier, un agriculteur, a été investi par Les Républicains... il y a deux semaines, après un imbroglio au sein de son parti : "J'ai dit à mon équipe : 'On va faire un esprit commando'. C'est-à-dire qu'en peu de temps il va falloir beaucoup communiquer. On est à l'image d'une France un peu éclatée avec quatre partis de force quasiment équivalente."
Ne cherchez pas la candidate PS dans les urnes : elle a jeté l’éponge pour ne pas favoriser l’extrême droite, symbole de l'effondrement du parti socialiste. La bataille se jouera donc au sein de la gauche radicale. Deux femmes, deux communistes, s’affrontent. Et les couteaux sont de sortie. "Les communistes ont abandonné le terrain, dénonce Laurence Cermolacce-Boissier, la représente de La France insoumise. Les gens nous disent : 'On se sent abandonnés, personne ne s'occupe de nous'."
Paradoxalement, ça se passe bien avec tout le monde, sauf avec le PC. Nous on y va parce que le mouvement ne s'arrêtera pas le 11 juin ou le 18 juin.
Laurence Cermolacce-Boissier, candidate La France insoumiseà franceinfo
Insultes sur les marchés, tensions entre militants, sale ambiance à gauche. Mila Idir, la candidate du PCF, renvoie la balle à sa concurrente mais reconnaît qu’une remise en question est nécessaire : "Nous avons découvert sur Facebook qu'elle était candidate. Cela a été vécu par beaucoup comme une trahison. Tous les partis politiques aujourd'hui sont éclatés. Je pense que l'examen de conscience du Parti communiste doit avoir lieu juste après ces élections."
Le taux de participation sera primordial, tout comme la possibilité d'une triangulaire. C'est ce cas de figure qui avait permis au Front national d'envoyer sa seule députée à l'Assemblée il y a cinq ans.
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