Elections européennes : il y a une "tentation pour les extrêmes" au sein de la jeunesse
Selon la sociologue Anne Muxel, les jeunes européens gardent une "distance très importante" avec les partis de gouvernement.
Il y a une "tentation pour les extrêmes" au sein de la jeunesse européenne, a estimé la sociologue Anne Muxel lundi 4 mars sur franceinfo. La spécialiste du rapport des jeunes à la politique, directrice de recherches au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), a pointé la "distance très importante que les jeunes entretiennent à l'égard des partis de gouvernement".
franceinfo : Est-ce qu'il y a des caractéristiques communes entre les jeunes européens en matière d'engagement politique ?
Anne Muxel : Il est difficile de faire un portrait global mais on observe une même distance à l'égard de la politique politicienne, des institutions politiques, particulièrement dans les pays d'Europe du Sud. On observe une même défiance envers le personnel politique. Cette crise de la représentation politique ne saisit pas que les jeunes mais beaucoup de démocraties occidentales à l'échelle européenne. Ce qui touche en revanche particulièrement les jeunes générations, c'est qu'elles rentrent en politique dans un contexte de forte défiance et de crise de la représentation.
Selon les dernières études d'opinion, notamment le sondage Opinion Way pour Les Echos publié jeudi, en France, les jeunes votent très à droite. Le Rassemblement national arrive en tête avec 29% des intentions de vote. Qu'est-ce que cela signifie ?
Il faut faire très attention à ce sondage car les intentions d'abstention sont très fortes chez les jeunes pour ces élections. Ce qui est clair, c'est que ce sondage vérifie une polarisation que l'on observe bien au sein de la jeunesse : cette tentation pour les extrêmes, à la fois à l'extrême droite au travers d'un soutien au Rassemblement national, mais aussi à l'extrême gauche au travers de La France insoumise. Lors de l'élection présidentielle de 2017, on avait bien vu que ces deux forces politiques avaient rassemblées le plus de suffrages des jeunes au premier tour. Un jeune sur deux avait donné sa voix à l'une de ces deux forces protestataires, au dépend des grands partis de gouvernement. Déjà, en 2017, les jeunes n'avaient pas beaucoup soutenu Emmanuel Macron. Ce que l'on voit dans ce sondage, qu'il faut prendre avec précaution, c'est bien cette confirmation d'une distance très importante que les jeunes entretiennent à l'égard des partis de gouvernement.
C'est une tendance à s'opposer au pouvoir quel qu'il soit ?
Il y a une sorte d'attente très importante des jeunes vis-à-vis des politiques et ils ne voient pas dans les différents programmes et différentes politiques appliquées par ces différents gouvernements de solutions concrètes aux problèmes qui peuvent être les leurs. Le premier en France c'est la question du chômage, de l'insertion des jeunes sur le marché de l'emploi, de l'acquisition d'une autonomie économique et résidentielle... Ce sont des points au travers desquels les jeunes ne se sentent pas assez reconnus dans la société.
Sur la question de l'emploi, on sait que, dans certains pays, les jeunes diplômés partent travailler ailleurs. Est-ce que les jeunes s'inquiètent des conditions de travail en Europe ?
C'est très variable car il y a des pays touchés très fortement par le chômage, notamment en Europe du Sud : l'Italie, l'Espagne, la Grèce, la France aussi. Mais il y a des pays où le taux de chômage est moins important chez les jeunes comme en Allemagne ou dans les pays scandinaves. Il est très difficile de répondre de façon globale. Ce qui est sûr, c'est que cette mobilité qu'on observe chez les jeunes est plus d'ordre culturel que d'ordre strictement économique. L'idée d'Europe est culturellement et géographiquement très intégrée chez les jeunes. Ce qui n'est pas intégré, c'est la dimension politique de l'Union européenne, c'est-à-dire que les jeunes ne passent pas au registre de l'expression citoyenne politique, notamment en se saisissant des élections européennes pour élire les représentants au Parlement. Il y a une dissociation entre la familiarité à l'égard de l'Europe car ils y sont nés, ils se sentent européens, mais ils ne s'impliquent pas dans la construction d'une Europe.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.