Vers une reconnaissance officielle du stress au travail
Renault, PSA, EDF, Areva, IBM, ou plus récemment La Poste, France Télécom, ou encore les banques HSBC ou BNP-Paribas, de nombreuses entreprises ont en effet été confrontées ces dernières années au suicide d'un ou plusieurs salariés sur leur lieu de travail. Sans avoir toujours des conséquences si dramatiques, le stress au travail, et plus largement les risques psychosociaux (dépression, mal-être, violence) se sont développés, ou ont été en tout cas médiatisés, au sein des entreprises, devenant l'un des principaux problèmes de santé au travail, même s'ils ne sont pas encore reconnus comme maladie professionnelle par la Sécurité sociale.
Xavier Bertrand s'est emparé du sujet à l'occasion de la conférence sur les conditions de travail en octobre, regrettant que "si aujourd'hui tout le monde admet la réalité du problème, nous n'avons pas d'indicateurs". "Je souhaite que l'on puisse prendre en compte la question du stress au travail aujourd'hui parce que c'est un impératif: (quand) on s'épanouit dans son travail, on travaille bien", a-t-il déclaré hier sur France Inter/i-TELE/Le Monde. De plus, les conséquences économiques du stress sont évaluées à "3 à 4% du PIB par le Bureau international du travail et 15% des arrêts de travail aujourd'hui seraient dus à des problèmes psycho-sociaux", a-t-il ajouté.
Deux experts, Philippe Nasse, statisticien et économiste, et Patrick Légeron, médecin psychiatre, ont donc été chargés d'un rapport visant à étudier et cerner l'ensemble des risques psycho-sociaux liés au travail et les principaux facteurs de risques. Mais la nomination de M. Légeron, aussi PDG d'un cabinet de conseil de gestion du stress en entreprises, a suscité l'inquiétude de certains spécialistes du sujet.
Deux visions, l'une collective, l'autre plus individuelle, s'opposent sur le stress. Les syndicats et certains organismes spécialistes de santé au travail (Anact, Inrs, etc.), privilégient la première approche, qui fait de l'organisation du travail la cause principale du mal-être des salariés. A l'opposé, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à reconnaître la réalité du stress au travail, mais elles privilégient souvent une action corrective, faisant appel à des cabinets de conseil, comme celui de M. Légeron, proposant des programmes de "gestion individuelle du stress".
Pour l'Aderest, une association de spécialistes en santé du travail, "l'orientation ancienne, affirmée et prédominante" du cabinet conseil de M. Légeron "vers des actions en entreprise de type accompagnement individuel" fait craindre que les "facteurs de risque liés à l'organisation du travail soient peu et/ou mal pris en compte". Jean-François Naton (CGT) espère de son côté "que le rapport ne restera pas sur une approche culpabilisatrice et individuelle du stress", et rappelle que "des éléments existent déjà pour alerter sur la souffrance au travail", comme le turn-over, l'absentéisme et les arrêts de travail fréquents, ou l'augmentation des conflits et des tensions au travail.
Caroline Caldier avec agences
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