Train, avion, téléphone… le tout low cost est-il possible ?
Après les avions, les hôtels et les supermarchés, c'est au tour de la SNCF de lancer son TGV à bas prix. Le symbole d'un envahissement du low cost dans tous les secteurs ?
Personne ne sera épargné. D'après le blog No low cost, farouche adversaire des entreprises à bas coûts, le low cost serait devenu "la pierre philosophale" d'un monde économique voué aux pires tourments. Ce blog, lié à un livre du même nom, dénonce "l'imposture" d'un phénomène qui pourrait envahir l'ensemble des secteurs de l'économie.
Il est vrai que de plus en plus de domaines sont pris d'assaut par des entreprises qui jouent à l'extrême sur les coûts de production. Dernier exemple en date, la SNCF a lancé mardi 19 février Ouigo, son TGV low cost : des billets à 25 euros, uniquement vendus sur internet, pour des trajets Marne-la-Vallée-Marseille assis dans des sièges de RER. Une recette du "toujours moins cher" applicable à tous les secteurs ?
De la coiffure aux pompes funèbres, le low cost explose…
Globalisation des achats, vente en ligne, réduction de la surface des magasins et des stocks. Ce n'est pas la formule économique appliquée par un célèbre vendeur de meubles suédois, mais celle d'une chaîne de pompes funèbres, comme l'explique France 24. Avec seulement deux sortes de cercueils proposées, EcoPlus Funéraire peut du coup proposer des enterrements à partir de 1 250 euros.
Grignoter les coûts de fonctionnement est désormais une recette mise en place dans de nombreux secteurs. De la coupe de cheveux, avec Tchip, aux télécoms avec Free, en passant par l'immobilier, avec la maison en kit à 500 euros de Tata, le low cost semble s'implanter partout. Pour illustrer cette réussite, les lobbys comme Le club des entreprises low cost ou Low cost attitude utilisent les chiffres du secteur le plus affecté, le transport aérien. Quelque 40% des voyages intra-européens seraient assurés par des compagnies à coûts réduits. La réussite d'EasyJet ou Ryanair, qui a transporté plus de passagers qu'Air France en 2012, inspire.
En 1999, Renault a anticipé le mouvement en achetant la marque Dacia. Cinq ans plus tard naissait la Logan, dont l'objectif était avant tout d'envahir les marchés émergents. Depuis, 4 millions de véhicules low cost ont été vendus par la filiale de Renault, selon Les Echos, avec une progression des ventes de 17% l'an passé. Et de nombreuses autres marques, comme Nissan ou Volkswagen, sont, d'après Le Blog auto, en passe d'imiter le constructeur français.
… mais bute sur le luxe ou le high-tech
Mais l'appétit du low cost a ses limites. Réduire les coûts de fonctionnement en rognant sur les conditions de travail ou la qualité de service ne s'applique pas partout. Quand l'activité dépend de l'innovation technique ou du prestige de la marque, la production à bas coûts ne fait pas le poids. "Il y a des secteurs où il n'y aura jamais de low cost, comme le luxe ou le high-tech, explique l'économiste Emmanuel Combe dans Les Echos. L'équation du modèle ne fonctionne en effet que sur les marchés de commodités, où le consommateur ne regarde plus que la fonctionnalité."
Selon ce professeur d'économie, le low cost ne va donc pas tout envahir car il "a vocation à rester un marché de niche". Le marché de la téléphonie en est un bon exemple. Les petits opérateurs à bas prix, comme Budget Mobile ou NRJ Mobile, ne s'adressent qu'à des cibles précises, comme les seniors ou les étudiants, souligne Le Monde. L'arrivée de Free et de ses faibles tarifs a bien créé un bouleversement du secteur. Mais elle a également provoqué une rédéfinition de l'offre des opérateurs historiques, forcés d'investir dans le qualitatif. SFR, Bouygues et Orange vont ainsi miser sur la 4G pour justifier leurs forfaits plus chers.
Un modèle remis en question
Par ailleurs, d'après un rapport du cabinet de conseil CSC, le succès du low cost atteint une "phase de maturation". Dans le transport aérien, cette phase se traduirait pour les compagnies à bas coûts par des pressions sociales exercées par leur personnel et par les pouvoirs publics, qui menaceraient à terme la viabilité du modèle économique dans ce secteur. C'est ce qui a conduit Easyjet à être condamné pour travail dissimulé, ou encore Ryanair à être pointée du doigt par certaines collectivités locales françaises, comme l'explique ce reportage de Sarah Bernuchon pour France 2.
Le low cost n'est plus "un marché de pauvres"
En 2007, l'industriel Charles Beigbeder avait remis un rapport au gouvernement dans lequel il préconisait de doper le low cost, la France accusant un retard en la matière, comme le rappelait Le Figaro. Ce serait donc ce rattrapage qui serait à l'œuvre avec les offres Hop chez Air France et Ouigo à la SNCF. Mais surtout, les consommateurs sont désormais habitués au low cost, à ses avantages et à ses inconvénients. Les Echos estiment ainsi que le client est passé du low cost au "low lost", cherchant le meilleur rapport coût-efficacité plutôt que le prix le plus bas.
Cette mutation se vérifie dans la grande distribution, un des domaines pionniers du low cost. En octobre 2012, Lidl a annoncé qu'il arrêtait le hard discount. Plus qu'une rupture, il s'agissait en fait d'une évolution générale du secteur en France : le "soft discount", avec des produits de marques nationales présentés dans des rayons devenus plus attrayants, est désormais la règle et attire une nouvelle clientèle.
Car le low cost n'est plus un "marché de pauvres", explique le site d'Anvie, association confrontant chercheurs et chefs d'entreprise. Ainsi, la majorité des clients des banques en ligne, considérées comme des banques low cost, seraient issus des catégories socioprofessionnelles supérieures.
En misant sur des services personnalisables et dépourvus de superflu, la SNCF, Air France ou Free considèrent que leur clientèle est de mieux en mieux informée et de plus en plus encline à comparer prix et rentabilité. Ce n'est donc pas l'ensemble des secteurs qui est "menacé" par le low cost. C'est l'ensemble des consommateurs qui est aujourd'hui prêt à se laisser tenter par les offres à bas prix.
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