Une fiction au JT de France 2 : "Nous sommes dans la transgression"
Jeudi soir, France 2 a diffusé deux sujets proposant des scénarios de fiction pour 2013. L'exercice a été très critiqué sur les réseaux sociaux. Le directeur de l'information de la chaîne s'explique.
Un scénario noir, une prévision rose, France 2 a présenté, jeudi 20 décembre, deux hypothèses pour l'année à venir. David Pujadas s'est livré à un exercice délicat avec François Lenglet, rédacteur en chef du service France, sur ce qui peut nous attendre l'année prochaine. Une page du 20 heures qui a beaucoup fait parler sur les réseaux sociaux. Un tel exercice avait-il sa place au JT ? Est-ce encore du journalisme ? Le directeur de l'information de France 2, Eric Monier, s'explique.
Francetv info : quel était l'objectif de cette page de fiction au 20 heures ?
Eric Monier : Dans l'ADN de l'info sur France 2, il y a l'économie, et nous sommes partis de l'idée que 2013 serait une année charnière pour l'économie. Dans ce domaine, il y a un enchaînement des faits. Nous avons donc pris des hypothèses et ce sont les conséquences qui nous intéressent. Nous avons choisi deux scénarios, avec un juge de paix, François Lenglet, pour conclure.
Il faut donc voir la page dans son ensemble. Car quand François Lenglet, sur la courbe du PIB, nous montre les deux encoches en 1975 et 1993 et la grosse entaille depuis 2007, c'est parlant et cela peut éclairer sur ce qui nous attend. Tout comme lorsqu'il met sur la même ligne les cinq points cruciaux de l'année à venir (le prix du pétrole, la reprise de l'économie américaine, le taux de change du yuan, les élections allemandes et les négociations sur le marché du travail). Là, on fait notre boulot de journaliste.
Est-ce que ce genre a sa place dans un JT ?
On annonce clairement la couleur. De la première à la dernière seconde, on affiche que c'est une fiction. C'est une page à la fin du 20 heures et nous n'utilisons pas les mêmes codes : David est debout et il y a de la musique en fond des lancements des sujets. Nous n'avons pas inventé un genre. Le Monde le fait tous les étés. En télé, cet exercice avait déjà été effectué avant, avec peut-être moins de précautions, comme les débuts de "Vive la crise" où Christine Ockrent annonçait une série de mauvaises nouvelles avant qu'Yves Montand n'apporte un bémol. Ou la RTBF, qui avait annoncé la scission fictive de la Belgique. En 1979, Antenne 2, dans son journal, avait annoncé la fin du pétrole sans vraiment prévenir qu'il s'agissait d'une fiction. Là, nous disons clairement que c'est un exercice avec une forme inhabituelle.
Ici, nous n'avons détourné aucune image d'actualité, chacun a joué son rôle. Mais on ne crée pas un genre que nous allons décliner à l'envi.
Est-ce que vous n'avez pas dépassé le rôle du journaliste ?
Il y a deux sortes de journalistes. Ceux qui regardent les manifestations derrière les barrières et les policiers. Et ceux qui transgressent, ceux qui entrent dans les pays interdits, mais qui préviennent des conditions dans lesquelles ils ont travaillé. Là, nous transgressons et nous prévenons de ce que nous faisons. Si l'exercice d'hier est jugé gratuit, alors nous l'avons raté. Mais si nous apportons un éclairage, si nous avons été suffisamment pédagogues, alors c'est réussi.
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