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"Silver économie" : les seniors au secours de l'industrie française ?

Le gouvernement a inauguré, vendredi, à Caen, sa première "silver région", la "silver Normandie". Objectif : faire du vieillissement de la population un atout économique.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le gouvernement table sur 300 000 créations d'emploi d'ici à 2020 grâce aux produits et aux services destinés aux seniors. (CATHERINE LEDNER / GETTY IMAGES)

Pays qui vieillit, économie au ralenti ? Pour tenter de démentir cet adage, la ministre déléguée chargée des Personnes âgées, Michèle Delaunay, a lancé, vendredi 17 janvier, la première "silver région" de France, à Caen (Calvados), baptisée "silver Normandie". Derrière ce concept, la volonté de développer, au plan national, l'économie liée aux seniors, surnommée "silver économie" (en référence aux cheveux grisonnants de nos aînés).

Francetv info vous donne les clés pour comprendre ce nouveau chantier, auquel est associé le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg.

Les "silver régions", c'est quoi ?

Il s'agit du regroupement, sous l'impulsion de comités régionaux, des efforts des pouvoirs publics et des industriels spécialisés dans les produits et services aux personnes âgées. Des pôles de compétitivité, des financeurs et des usagers sont associés à cette nouvelle filière industrielle afin de développer, localement, des réponses aux besoins d'une population vieillissante.

Parmi les projets retenus pour la "silver Normandie" figurent ainsi une plateforme de coaching de réadaptation physique à domicile, un jeu sur les bonnes pratiques dans les services à la personne ou encore une gélule de mesure en continu de la température corporelle.

Dans les pas de la Basse-Normandie, les prochaines "silver régions" seront lancées en Aquitaine, dans le Limousin, en Midi-Pyrénées et dans les Pays de la Loire. Plus globalement, un plan pour le développement de la "silver économie", signé le 12 décembre, prévoit, en dix points, de travailler sur des labels de qualité, de développer les logements connectés ou encore de promouvoir les métiers de la "silver économie".

Pourquoi la France s'y met ?

"Il s'agit de faire de la France un des leaders mondiaux du secteur", a scandé, vendredi, Michèle Delaunay. Soucieux de relancer son outil industriel et de "générer de la croissance et des emplois" (au moins 300 000 dans ce secteur d'ici à 2020, selon ses estimations), notamment en boostant les exportations, le gouvernement est également confronté à une réalité démographique. 

En France, les personnes âgées de 60 ans et plus, au nombre de 15 millions aujourd'hui, seront 20 millions en 2030. Elles représentaient 20% de la population en 2005, elles en représenteront le tiers en 2035. Ce vieillissement va modifier l'économie française, avec une évolution des besoins des consommateurs. Comme le relève Le Figaro, les seniors assureront, dès l'année prochaine, la majorité des dépenses sur les marchés de la santé, de l'alimentation, de l'équipement, des loisirs et de l'assurance.

Quels sont les défis ?

Attachés à l'épargne, les seniors ont tendance à consommer de façon "relativement faible et sous-optimale", selon un rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, remis en décembre à Michèle Delaunay. Le Commissariat constate une "forte hétérogénéité de la population des seniors" et suggère de miser, dans un premier temps, sur les plus aisés d'entre eux pour "fonder la stratégie d'émergence de la filière".

Le niveau de vie des seniors "reste en moyenne plus élevé que celui des moins de 50 ans", selon le Crédoc, cité par Libération. Mais "rien n'assure que l'on trouvera une clientèle solvable demain", avance à francetv info Lionel Tourtier, délégué général du "think tank" Silverlife, spécialisé dans l'économie du vieillissement. "Ce n'est pas la peine de surinvestir dans des domaines où on ne trouvera pas un marché suffisant, ajoute-t-il. Mieux vaut alors développer des partenariats européens, pour amortir les coûts."

Un des enjeux de ce secteur relève aussi de la psychologie et du marketing : vendre des produits à des personnes âgées sans qu'elles aient l'impression d'acheter des produits pour "vieux". Ainsi, la ministre Michèle Delaunay a demandé au designer Philippe Starck de donner un coup de jeune au célèbre (et ringard) déambulateur.

Où en sont les autres pays ?

Même si la France est en "légère avance" en Europe, "les initiatives se multiplient en Asie (Ageing Asia Investment Forum, Global Aging Initiative...)", note le consultant spécialisé Frédéric Serrière, sur le site des Echos.

Particulièrement touché par le vieillissement de sa population et féru de robotique, le Japon est le pays le plus en pointe dans le domaine, jusque dans les supermarchés. Le plus grand distributeur du pays, Aeon, propose ainsi "des allées plus larges, des voiturettes adaptées, des produits placés moins haut et des étiquettes plus lisibles", note Slate. "Une réduction de 5% a également été mise en place pour tous les clients âgés de plus de 55 ans qui font leurs courses le 15 du mois, jour... du versement des pensions de retraite." 

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