Un retraité d'EDF, de la RATP ou de la SNCF touche-t-il vraiment une pension de 3 700 ou 2 600 euros par mois ?
Ces montants ont été calculés par la Cour des comptes, mais ils correspondent à des moyennes exprimées en brut et non en net, pour des agents partis à la retraite en 2017 après une carrière complète.
Les régimes spéciaux de retraite sont-ils vraiment si avantageux que ça ? Un internaute, dont le tweet, samedi 23 novembre, a été partagé plusieurs milliers de fois, l'affirme. Selon lui, un cheminot de la SNCF partant à la retraite à 57 ans touche 2 636 euros par mois. Un retraité d'EDF de 57 ans bénéficie lui d'une pension de 3 692 euros mensuels. Et la retraite serait encore plus avantageuse pour un ancien de la RATP, puisqu'il perçoit 3 705 euros tous les mois dès 54 ans. Mais ces affirmations, déjà formulées par François Lenglet sur RTL ou Pascal Praud sur CNews mi-septembre, sont-elles exactes ?
Âge de départ et retraite moyenne :#EDF : 57 ans, 3692 euros/mois#RATP : 54 ans, 3705 euros/mois#SNCF : 57 ans, 2636 euros/mois
— Maximilien #11Janvier2020 (@maximilien_rt) November 23, 2019
Il est temps de rétablir une certaine justice et de mettre fin aux #RegimesSpeciaux !#le5JeTravaille
On retrouve ces chiffres dans un rapport de la Cour des comptes sur les régimes spéciaux de retraite, publié en juillet (PDF). "Pour les nouveaux retraités de 2017, la pension brute moyenne en équivalent carrière complète s'élève à 3 592 euros [et non 3 692 comme l'écrit par erreur l'internaute] pour les IEG [les industries électriques et gazières], à 3 705 euros à la RATP et à 2 636 euros à la SNCF", écrit la Cour. En comparaison, la retraite brute moyenne en équivalent carrière complète d'un hospitalier n'est que de 1 904 euros et de 1 804 euros pour un fonctionnaire des collectivités territoriales.
Mais d'emblée, plusieurs précisions s'imposent. D'abord, il s'agit d'une moyenne : les écarts entre petites et grosses retraites sont donc gommés. La Cour des comptes entre toutefois dans le détail un peu plus loin dans son rapport et donne, par catégories professionnelles, le montant mensuel brut moyen des pensions en équivalent carrière complète pour les nouveaux retraités de 2017. A la SNCF, les agents d'exécution perçoivent 2 006 euros, les agents de maîtrise 2 262 euros et les cadres 3 619 euros. A la RATP, les mêmes touchent respectivement 3 057, 4 125 et 5 737 euros. Chez EDF enfin, les pensions vont, en moyenne, de 2 095 à 2 723 et 4 955 euros bruts. La retraite des agents de conduite de la SNCF est, elle, "particulièrement favorable", avec 3 156 euros en moyenne, selon la Cour.
Autre remarque : ces montants sont donnés en brut et non en net. En outre, ils sont calculés en "équivalent carrière complète", or tous les agents ne partent pas en retraite après une carrière complète : ils ne renseignent donc en rien sur leurs pensions réelles. Enfin, ces sommes ne valent que pour les agents ayant pris leur retraite en 2017.
La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) livre des chiffres plus proches de la réalité, dans son dernier panorama des retraités (PDF), en indiquant les montants de la pension brute mensuelle par régime de retraite. Selon les données de la Drees, elle était en 2017 de 2 013 euros à la SNCF, 2 357 euros à la RATP et 2 611 chez EDF, contre 1 298 euros pour la fonction publique hospitalière et territoriale et 1 381 euros brut tous régimes confondus.
Des pensions plus élevées que dans le privé
Mais, comme le notent les magistrats de la Cour des comptes, ces pensions sont donc bien plus élevées que celles versées dans la fonction publique. La RATP et la SNCF, notamment, sont également bien plus généreuses que le secteur privé des transports, observent les rapporteurs. "Pour les retraités ayant accompli une carrière complète nés entre 1940 et 1946, le montant moyen de pension des retraités de la RATP et de la SNCF est supérieur de 24% à celui des anciens salariés du secteur privé des transports."
La Cour des comptes fournit plusieurs explications. Ces décalages sont d'abord "pour partie" la conséquence d'"écarts de rémunérations" et de "qualifications" et de "différences de catégorie professionnelle". En clair, si les retraites sont plus élevées, c'est entre autres parce que les agents étaient plus qualifiés que leurs collègues du privé et avaient des salaires plus importants.
Un mode de calcul avantageux
Les magistrats estiment aussi que les agents jouissent de "conditions très favorables de départ à la retraite", en raison de la formule de calcul des pensions de ces régimes spéciaux. Le salaire de référence correspond à la dernière rémunération perçue, et non à la moyenne des 25 meilleurs salaires annuels de la carrière, comme dans le régime général. De plus, certaines primes sont incluses dans le calcul. Quant au taux de liquidation, qui permet de calculer le montant de la retraite de base par rapport au salaire de référence, il est de 75%, contre 50% dans le régime général.
Le taux de remplacement "en équivalent carrière complète des nouveaux retraités de 2017" – c'est-à-dire le pourcentage de l'ancien revenu perçu une fois à la retraite – est par conséquent lui aussi "particulièrement élevé". Il atteint 88% à la RATP, 73% à la SNCF et 70,4% chez EDF, contre environ 60% dans la fonction publique, écrit la Cour.
Des âges de départ inférieurs
La Cour des comptes remarque aussi que ces "écarts" entre régimes spéciaux et régime général se sont "accrus". "Entre 2010 et 2017, la pension brute moyenne en équivalent carrière complète des nouveaux retraités a augmenté d'environ 20 % dans les IEG, 10% à la RATP et 5% à la SNCF comme pour les fonctionnaires civils de l'Etat, alors qu'elle a plutôt stagné dans les collectivités territoriales et hospitalières."
Les magistrats donnent une explication : "Les revalorisations salariales négociées en 2007-2008 dans les IEG, à la RATP et à la SNCF, en contrepartie de la réforme des retraites de 2008, ont contribué à ces hausses de pension, sans que l'on puisse en isoler les impacts." Et la Cour des comptes constate que ce montant élevé des pensions ne concerne pas que les nouveaux retraités d'EDF, de la RATP et de la SNCF, mais l'ensemble de ceux ayant une carrière complète.
Quant aux âges de départ en retraite de ces trois régimes spéciaux, ils restent "globalement inférieurs" à ceux des autres régimes. En 2017, selon la Cour, il était de 57,7 ans chez EDF, 56,9 ans à la SNCF et 55,7 ans à la RATP, contre 59,2 ans dans la fonction publique hospitalière, 61,6 ans dans les collectivités territoriales et 63 ans pour le régime général. Mais "de plus en plus d'assurés des trois régimes partent au-delà de leur âge d'ouverture des droits".
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