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Quand l'Etat torpille une OPA au nom du "patriotisme économique"

Le numéro un mondial français des terminaux de paiement Ingenico a reçu une offre d'OPA qui émanerait d'un groupe américain, Danaher Corp. L'offre a été rejetée après que l'Etat, à travers le groupe Safran, actionnaire d'Ingenico, eut posé des conditions qui ont fait capoter l'OPA. Le ministre de l'Industrie, Eric Besson, a confirmé ce matin que l'Etat considérait l'entreprise comme stratégique.
Article rédigé par franceinfo
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L'Etat a-t-il manœuvré ce week-end pour éviter qu'une entreprise française ne se retrouve sous pavillon américain ? Quoiqu'il en soit, ce matin, le ministre de l'Industrie, Eric Besson, s'est félicité que le numéro un mondial des terminaux de paiement électroniques, Ingenico, soit resté contrôlé par des Français : “Je vous confirme que l'Etat considère que c'est une entreprise essentielle pour la filière électronique française et, à titre personnel, je me réjouis que le conseil d'administration hier ait considéré que l'offre n'était pas suffisamment intéressante, c'est une étape très importante”, a déclaré le ministre, ce matin sur LCI.

Ce qu'il ne dit pas, c'est dans quelle mesure l'Etat est responsable de ce résultat. Dans cette affaire, le bout de l'histoire se perd dans le brouillard de la discrétion. Rien n'est confirmé. Mais il est possible de suivre au moins le début du film.

CHEVAL DE TROIE DE L'ETAT

Vendredi donc, la cotation en bourse d'Ingenico est suspendue. L'entreprise vient de recevoir une OPA et son conseil d'administration “l'étudie”. Officiellement, Ingenico n'a pas révélé qui se cachait derrière l'OPA. Des traders ont d'abord évoqué un groupe britannique. Puis une source proche du dossier a affirmé qu'il s'agissait d'un conglomérat américain, le groupe Danaher Corp., qui opère dans les technologies industrielles et médicales. L'offre se situerait autour de 1,42 milliards d'euros. Une somme qui représente un prix de 28 euros par action, soit une prime de 1,5% par rapport au dernier cours en bourse.

Acte 2 : Ingenico retoque l'OPA, et demande la reprise de sa cotation, ce lundi, dans la matinée. Selon le quotidien économique Les Echos, c'est la main de l'Etat qui serait derrière ce refus. Pour faire capoter l'OPA, il se serait servi de son cheval de Troie chez Ingenico, en l'occurrence, l'équipementier aéronautique Safran, où il est présent au tour de table. Danaher, si c'est bien lui, aurait retiré son offre suite à l'exigence de Safran de rester actionnaire minoritaire après le rachat éventuel : “L'Etat discute avec Safran et avec ses dirigeants bien évidemment (...) et l'Etat a pleinement conscience du caractère stratégique de cette entreprise pour la filière électronique française”, se contente d'expliquer Eric Besson, sans préciser si la manœuvre a été directement téléguidée par la puissance publique.

Le dossier n'est peut-être pas complètement clos. A la question de savoir si sa position reflétait une question de prix ou de principe, le ministre a répondu : “C'est toute la discussion des jours qui viennent”. De là à ce que les Américains comprennent que le “patriotisme économique” est juste une question de prix trop bas...

Grégoire Lecalot, avec agences

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