Réchauffement climatique : 70% des mesures du plan de relance ne vont pas dans le bon sens, juge le Haut Conseil pour le climat
Dans un avis rendu mardi, cette instance indépendante estime que la grande majorité du plan de relance du gouvernement ne va pas dans le sens de la lutte contre le réchauffement climatique. Elle met en garde contre "le risque d'un verrouillage dans des activités fortement émettrices à long terme".
Un choix de couleur en dit parfois davantage que des mots. C'est le cas de l'avis du Haut Conseil pour le climat (HCC), publié mardi 15 décembre, sur le plan de relance mis en place par le gouvernement pour sortir de la crise économique provoquée par l'épidémie de Covid-19. Cette instance indépendante, composée de climatologues, d'économistes, d'agronomes et de sociologues, est chargée depuis 2019 d'éclairer les politiques de lutte contre le réchauffement climatique.
En présentant son plan, le gouvernement avait insisté sur les 30,6 milliards d'euros budgétés pour la transition écologique et qualifié les 69,6 milliards restants de "neutres" pour l'environnement. Dans la communication officielle, cette part apparaît en gris. Un classement jugé "discutable" par les experts du HCC dans une France qui ne respecte pas ses propres objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre (GES) pour atténuer le changement climatique. "Aucune mesure n'est réellement neutre en matière d'émissions de GES. La majorité de ces mesures contribuent à poursuivre la production et la consommation sans conditionnalité, ce qui ne permet pas d'infléchir les émissions", relèvent-ils. Sobrement qualifiées de mesures de "continuité", elles sont coloriées en rouge sur le graphique qui accompagne l'avis.
Des conditions environnementales inexistantes
Regrettant l'absence de conditions environnementales imposées aux entreprises et particuliers qui bénéficieront de ces quelque 70 milliards d'euros, le Haut Conseil redoute "un effet significatif à la hausse sur les émissions de GES" et met en garde contre "le risque d'un verrouillage dans des activités fortement émettrices à long terme". Il donne comme exemple la baisse des impôts de production, qui pourra bénéficier à des entreprises "plus ou moins carbonées" et observe que "des montants importants" sont "dédiés aux secteurs de l'aérien et de l'automobile, très intensifs en gaz à effet de serre, aux contreparties environnementales insuffisantes".
"Les mesures permettant d'enclencher les transformations structurelles nécessaires pour décarboner l'économie française n'apparaissent pas clairement."
Le Haut Conseil pour le climatdans un avis sur le plan de relance du gouvernement
En examinant les mesures étiquetées "favorables" par le gouvernement, le HCC obtient un résultat similaire à celui du gouvernement, bien que légèrement en deçà, à 27,7 milliards d'euros. Une poignée de mesures – 2,1 milliards – sont jugées "ambiguës" mais aucune n'est jugée "défavorable" pour le climat. "Les mesures négatives seraient un investissement actif dans les énergies fossiles. La plupart des mesures que le gouvernement a qualifiées de neutres n'augmentent pas les émissions, il y a quand même une distinction à faire ici", a expliqué lundi en conférence de presse la présidente du HCC, Corinne Le Quéré.
Quelques bons points et cinq recommandations
Au milieu de ces critiques, le Haut Conseil délivre tout de même quelques satisfecit au gouvernement. Il se félicite ainsi que "contrairement à certains pays, l'Etat français ne soutien[ne] pas directement les industries des énergies fossiles". Il salue également "l'effort de verdissement du plan de relance français", "parmi les mieux dotés à l'échelle mondiale".
Pour aider le gouvernement à aller plus loin, le HCC formule cinq recommandations, l'invitant notamment à "renforcer la compatibilité du plan de relance avec l'objectif de neutralité carbone fixé par la loi" ou encore à effectuer un suivi du plan de relance "au regard du climat". Ce plan "constitue une opportunité unique d'investir dans les infrastructures bas-carbone nécessaires pour rattraper le retard pris par la France sur ses objectifs climatiques", insiste-t-il. Une opportunité manquée, pour le moment.
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