Prises d'otages : des médias au plus près de l'événement, trop près ?
La traque, les prises d'otage, le déploiement des forces de l'ordre, l'assaut, le bilan macabre. Minute après minute, les médias ont suivi cette journée et ses rebondissements. Les médias français bien sûr – TF1 et France 2 ont bousculé leurs programmes pour suivre en direct les opérations – mais aussi les médias étrangers. CNN, la BBC, Al-Jazeera étaient eux aussi en édition spéciale hier, les yeux rivés sur Paris et la région parisienne.
De très nombreux journaux étrangers consacrent d'ailleurs ce matin leur Une aux prises d'otages, de The Hindu en Inde au South China Morning Post en passant par El Mercurio au Chili. Des journaux choqués pour la plupart par la violence de cette journée : "'The bloody climax" titre The Times en Grande Bretagne, avec une photo de l'assaut au supermarché casher. "La bataille de Paris" titre de son côté le Corriere della sera en Italie. En Allemagne, Die Tageszeitung titre La France attaquée avec une photo en gros plan d'un homme du GIGN en équipement, l'arme pointée.
Des médias qui manquent de recul ?
Que les prises d'otages aient eu lieu sous les yeux du monde entier n’est pas nouveau. Ce qui est plus rare, c'est que les médias étaient parfois au coeur même des événements. Un caméraman de France 2 par exemple se trouvait tout près des forces de l’ordre en train de se déployer près du supermarché casher. Les reporters de BFM TV et RTL ont contacté les preneurs d’otage et réalisé des interviews. Dès 15h, au beau milieu de l’événement, le CSA publie un communiqué pour appeler les médias audiovisuels à "agir avec le plus grand discernement", dans le double objectif d’assurer la sécurité de leurs équipes et de permettre aux forces de l’ordre de remplir leur mission avec toute l’efficacité requise".
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel n’est pas le seul à émettre des critiques. Des dizaines d’internautes sur Twitter s’interrogent : Pourquoi montrer le dispositif de si près ? Pourquoi avoir appelé sur les lieux d'une prise d'otages ? N’est-ce pas gêner les forces de l'ordre ? Et si les preneurs d'otages ont accès eux aussi aux médias ? La couverture minute par minute a également donné lieu à des erreurs, sur le bilan des assauts notamment. "Attention aux fausses informations" écrivait sur Twitter la préfecture de police de paris de Paris. "Merci de ne relayer que les infos donnés par les autorités officielles".
Jusqu'où peut-on aller ?
Au lendemain de la double prise d’otages, certains médias s’interrogent : jusqu’où peut-on aller ? "Cette couverture de l’actualité a par moments donné à l’événement les allures d’un film d’action ou d’un jeu vidéo, créant une fascination malsaine" écrit Dominique Quinio, patronne de La Croix, dans un éditorial. Marianne de son côté se livre à une critique en règle de la couverture médiatique "irresponsable" de certaines chaînes de télévision.
Ce midi, enfin, c’est Manuel Valls qui s’emporte contre la Une de l’hebdomadaire Le Point. "Je ne vous cache pas mon dégoût" martèle le Premier ministre, choqué qu’un média diffuse la photo "du policier abattu lâchement par des terroristes" . Cette photo montre "la violence, la barbarie, et la lâcheté des terroriste" affirme le directeur de la publication du Point Etienne Gernelle dans un texte publié sur le site du magazine : "Nous pensons que nous ne pouvons pas occulter cette réalité, justement parce qu'elle est insupportable".
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