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Licenciement "brutal", accusations "infâmes" : la polémique autour de la webtélé Le Média en quatre actes

Alors que Noël Mamère vient d'annoncer qu'il quittait la rédaction du Média, deux jours après l'annonce du licenciement d'une présentatrice, franceinfo revient sur les tensions au sein du pure player.

Article rédigé par franceinfo - Juliette Campion
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Capture d'écran YouTube d'un extrait du journal Le Média. (CAPTURE D'ÉCRAN YOUTUBE)

"Je suis arrivée au Média parce qu’on est venu me chercher. J’étais alors la femme de la situation, parée de toutes les vertus. Trop, peut-être…" Un peu plus d'un mois après le lancement du pure player Le Média, co-fondé par deux proches de Jean-Luc Mélenchon, des tensions apparaissent, après le licenciement de la présentatrice Aude Rossigneux. Dans une lettre diffusée sur le site electronlibre.info, elle fait part de ses griefs à l'encontre d'une partie de la direction et notamment de Sophia Chikirou, cofondatrice de la chaîne et ancienne directrice de communication du chef de file de La France insoumise. Depuis, les dissensions se sont accentuées entre les cofondateurs de la webtélé et une partie de la rédaction. Franceinfo remonte le fil de la polémique.

Acte 1 : Aude Rossigneux annonce être licenciée par Le Média

Six semaines après avoir présenté son premier journal, Aude Rossigneux est licenciée par la direction du Média. On est bien loin de la bonne entente affichée il y a cinq mois. Le 29 septembre, Aude Rossigneux, future rédactrice en chef du Média, et Sophia Chikirou alors directrice de la communication de La France insoumise, étaient en effet invitées ensemble sur le plateau de "Quotidien" sur TMC pour présenter le futur pure player, officiellement lancé le 15 janvier 2018. 

Mais dans sa lettre publiée samedi, Aude Rossigneux témoigne d'une toute autre ambiance. Elle raconte que la décision de son licenciement est d'une "brutalité qui n’est pas exactement conforme à l’idée que chacun se fait d’un 'management' de gauche. Une brutalité qui serait peut-être un sujet pour Le Média si elle était le fait d’un Bolloré". Elle décrit également une rédaction "au bord du burn out", affirmant au passage : "L’autogestion, c’est plus simple sur le papier que sur le terrain". Elle termine cette lettre en affirmant : "Cet épisode est une blessure."

Acte 2 : la rédaction se désolidarise des propos de l'ex-présentatrice

Dimanche, au lendemain de ce sévère réquisitoire, la rédaction publie un court communiqué sur le compte Twitter du Média pour prendre ses distances avec les propos de leur ex-rédactrice en chef. Les journalistes affirment "ne pas se reconnaître dans la description qu’elle dresse de la rédaction et du Média" et dénoncent avoir été "instrumentalisée dans un règlement de comptes".

Certains journalistes de la webtélé tentent également de se montrer rassurants sur les réseaux sociaux. Pour eux, l'ambiance au sein de la rédaction n'est pas aussi terrible que celle décrite par Aude Rossigneux.  

Interrogée par franceinfo Virginie Cresci, journaliste au sein du pure player se dit "très peinée d'avoir été instrumentalisée avec ce mail, Aude m'ayant recruté et étant par ailleurs une personne que j'estimais." Elle affirme n'avoir "jamais travaillé avec une équipe aussi bienveillante." 

Le départ de la présentatrice du JT n'était toutefois pas vraiment une surprise, selon une source au sein de la rédaction contactée par Arrêt sur images : de "nombreuses explications, réunions et convocations ont eu lieu depuis décembre entre Aude Rossigneux et la direction""Les fondateurs et la présentatrice du JT ne se parlaient quasiment plus", ajoute cette source, précisant que "la rédaction considère massivement que cette décision [de mettre un terme à cette collaboration] était inéluctable".

Face à la polémique, les "socios" (à savoir les propriétaires ayant contribué à financer Le Média) semblent divisés. Comme l'explique le Huffington Post, la plupart d'entre eux ont du mal à croire à cette éviction. Dans l'espace de discussion qui leur est dédié sur le site du Média, certains s'insurgent de ne pas avoir été consultés, d'autres dénoncent des "magouilles capitalistes" ou réclament une "confrontation d'Aude et les fondateurs du Média". 

Acte 3 : les co-fondateurs jugent "infâmes" les propos d'Aude Rossigneux

Pour faire face à ce tollé, la direction décide de leur répondre. La riposte se fait en deux temps. D'abord avec la contre-attaque de Gérard Miller, l'un des membres du comité de pilotage du web média, dans Le Monde de dimanche. Le psychanalyste affirme qu'il n’a "jamais été question d’un licenciement" pour Aude Rossigneux : "C’est la fin de sa période d’essai. Cela peut se faire à la demande de l’employeur ou du salarié." Pour lui, les choses étaient claires depuis le début : "On lui avait dit qu’on ne voulait pas d’une hiérarchie comme dans les autres médias. (...) On voulait aussi, dès le début, une présentation tournante du JT. On lui a dit, au bout d’un mois, qu’il fallait réorganiser la formule. Elle ne voulait pas faire autre chose." 

Le lendemain, les trois fondateurs du Média envoient un long mail aux "socios" dans lequel ils expliquent l'éviction d'Aude Rossigneux. Ils l'accusent d'être à "l'origine des tensions", puisqu'elle refusait d'écrire "un seul article" ou de réaliser le moindre reportage, contrairement à ce que stipule son contrat. La direction affirme également qu'elle "disposait du salaire le plus élevé, près du double d'un jeune journaliste"Pour eux, "le plus incroyable dans le mail d'Aude" est "qu'il ne lui a pas du tout été demandé de quitter Le Média". 

Acte 4 : Noël Mamère quitte Le Média 

Début décembre, l'ancien député EELV annonçait au Monde qu'il s'apprêtait à intégrer la rédaction du pure player. Mais l'aventure journalistique de l'ex-présentateur de la télévision publique dans les années 1980 s'arrête ici. Sur France Culture, il annonce qu'il quitte la rédaction en raison de "l'atmosphère" autour du départ d'Aude Rossigneux. Ce proche de Benoît Hamon "considère que la tournure qu'est en train de prendre cette confrontation entre des patrons de presse et une de leurs employés, ne lui plaît pas". Il explique être "venu librement au Média pour procéder à ces interviews", qu'il a "pu exercer d'ailleurs de manière très libre."

Le départ de l'ancien député-maire EELV de Bègles (Gironde) est également motivé par des "raisons journalistiques" liées au traitement du conflit syrien. Il explique avoir vu le journal du Média de vendredi, et "ce qui a été dit par le correspondant libanais du Média sur le conflit syrien". Il fait référence aux propos tenus par Claude El Khal, l'un des collaborateurs du pure player, qui défend le fait de pas montrer d'images du conflit de la Ghouta orientale, en Syrie. 

Une décision qui a suscité de nombreuses réactions parmi les journalistes comme Raphaëlle Bacqué, grande reporter au Monde qui affirme sur Twitter que l'absence d'images "c'est le rêve des dictateurs". 

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