Les propos de Claude Guéant au sujet des deux journalistes enlevés en Afghanistan ont choqué la profession
Interrogé sur le sort des deux journalistes de France 3 retenus depuis le 30 octobre, le secrétaire général de l'Elysée a estimé dimanche que "le scoop ne doit pas être recherché à tout prix".
La profession tout entière s'est indignée de ces "déclarations odieuses" alors que les deux reporters "ne faisaient que leur métier".
Les propos de Claude Guéant
Interrogé au Grand Rendez-Vous Europe 1/Le Parisien Aujourd'hui en France, Claude Guéant a assuré que les deux journalistes victimes d'un rapt en Afghanistan étaient "en vie" mais il a précisé que pour l'instant "la négociation n'a pas été véritablement entreprise".
Il a confirmé que cet enlèvement avait suscité la colère du président Nicolas Sarkozy qui aurait selon lui dénoncé à leur propos une "imprudence vraiment coupable".
"Ils font courir des risques aussi à beaucoup de nos forces armées, qui du reste sont détournées de leurs missions principales. Je crois que, quand même, le scoop ne doit pas être recherché à tout prix", a-t-il ajouté, soulignant le "coût tout à fait considérable" de cet enlèvement.
La profession refuse de voir "salie" la réputation des deux journalistes
"Journalistes et amis, nous n'accepterons pas que la réputation de nos confrères soit salie et diminuée alors même qu'ils sont encore aux mains de leurs ravisseurs et qu'ils n'ont pas encore livré le récit de leur enlèvement", écrivent une soixantaine de journalistes, dont Florence Aubenas, dans un texte rendu public lundi.
"Nous ne pouvons pas admettre que des responsables politiques mettent en cause la probité professionnelle de nos confrères et amis", affirment une soixantaine de journalistes, issus notamment des rédactions de France 3, France 2, France Inter, du journal Le Monde ou de l'Agence Capa.
"Et puisque la recommandation est à la discrétion, nous aurions souhaité que les responsables politiques soient les premiers à faire preuve de retenue. Loi des contre-vérités et des polémiques", ajoutent les signataires.
Florence Aubenas, ex-otage en Irak a trouvé les propos "très blessants, et pour eux et pour les familles. J'espère très profondément qu'on ne leur fera pas entendre cela, parce que c'est pour eux un motif de désespoir terrible". "On parle de la liberté d'informer et on vient leur dire que l'addition est lourde. Elle est d'abord lourde pour eux", les otages, a-t-elle dit.
Les Sociétés des Journalistes de France Télévisions scandalisées
La Société des journalistes (SdJ) de France 3 s'est déclarée "scandalisée": "Cette grave remise en cause de nos collègues, kidnappés dans l'exercice de leur métier, révèle un cynisme effrayant". M.Guéant "choisit de polémiquer, alors que leur vie est actuellement en danger (...) en communiquant sur le +coût+ supposé des recherches entreprises pour nos collègues et leurs accompagnateurs, le conseiller Guéant ne craint ni l'outrance, ni l'indécence", ajoute-t-elle.
Pour la SdJ de France 2, "Claude Guéant insulte le journalisme". "Ces déclarations témoignent d'une méconnaissance totale de notre métier: si l'on suit son raisonnement nous n'aurions couvert aucune guerre de ces dernières années, à commencer par le Liban, l'Irak, la Géorgie, Gaza et aujourd'hui l'Afghanistan", dit-elle.
Deux syndicats de journalistes s'indignent
"Comment peut-on, trois semaines après la disparition de nos confrères, continuer de les accuser d'avoir fait leur métier ?", s'est indigné Jean-François Téaldi, secrétaire général du SNJ-CGT de France Télévisions.
"Les journalistes font leur travail, que les politiques fassent le leur", s'est indignée de son côté Dominique Pradalié, secrétaire générale du SNJ, estimant que "c'était tout à l'honneur des journalistes d'aller exercer leur profession là où c'est le plus nécessaire".
Le SNJ a jugé en outre "inacceptable de parler de coût quand un Français, quel qu'il soit, est en difficulté à l'étranger", estimant que "la France s'honore encore de porter un secours sans conditions à tous ses ressortissants".
Le syndicat a demandé à tous les journalistes d'apporter leur soutien à leurs confrères et de "s'assurer auprès des pouvoirs publics que les efforts pour les libérer se poursuivent sans discontinuer".
RSF demande un rendez-vous à l'Elysée
Reporters sans frontières a également condamné dimanche les critiques en provenance de l'Elysée, les dirigeants de l'association se disant "choqués". "Désigner les journalistes comme des hommes qui prennent des risques inconsidérés et qui reviennent cher à l'armée et aux contribuables, Monsieur Guéant, érode le soutien dont ils devraient bénéficier" et "est indécent et irrespectueux pour leurs familles" écrivent-ils.
Ils ont demandé lundi un rendez-vous officiel à l'Elysée "pour évoquer cette affaire et rappeler la nécessité que les journalistes continuent de se rendre dans les zones de guerre".
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