Le CSA, TF1, l'Etat... Qui veut la peau de LCI ?
Le CSA et TF1 s'accusent mutuellement de condamner à mort la chaîne d'information, qui devra rester payante. Mais au lendemain de cette décision qui bouleverse le paysage audiovisuel français, le banc des accusés se remplit.
Une chaîne en sursis, 247 salariés au pied du mur, une perte pour le pluralisme... Les voix s'élèvent encore, mercredi 30 juillet, pour déplorer la mort annoncée, faute de moyens, de la chaîne d'information en continu LCI. Au lendemain de l'annonce par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) du refus de faire passer la chaîne d'un statut payant à la TNT gratuite (une décision qui touche aussi Paris Première et Planète +), l'organisme et le groupe propriétaire de la chaîne, TF1, s'accusent mutuellement de condamner à mort la chaîne d'information. Mais le banc des accusés se remplit au lendemain de cette décision qui bouleverse le paysage audiovisuel français.
Le CSA a-t-il signé l'arrêt de mort de LCI ?
Le président du groupe, celui de la chaîne, mais aussi l'intersyndicale du groupe et la société des journalistes de TF1 : tous sont sur la même longueur d'onde. Ils accusent le CSA d'avoir sacrifié LCI pour préserver les intérets de ses concurrents, à commencer par BFMTV et i-Télé, les deux chaînes d'information de la TNT gratuite.
"Dans le cas où il n'y a plus de modèle économique, la question de [la] survie [de LCI] est posée bien sûr", a prévenu Nonce Paolini, mardi, en ouverture du 20 heures de TF1. "Jusqu'au 31 décembre 2014, nous honorerons le contrat. Après, nous verrons avec les partenaires sociaux. Nous échangerons et prendrons des décisions, les moins dramatiques possibles notamment sur le plan social", a expliqué le président du groupe. Quelques minutes après l'annonce de la décision du CSA, le patron de la chaîne, Eric Revel, avait lui aussi fait part de sa "colère" et de sa "tristesse", s'interrogeant sur la légitimité de l'organisme quant à "décider du sort d'une entreprise privée, qui plus est, une chaîne d'information".
De son côté, l'intersyndicale du groupe TF1 a dénoncé "la lourde responsabilité" du CSA dans cette décision aux "conséquences sociales catastrophiques", relève La Tribune : "Le CSA a montré, par cette décision prise au cœur de l'été, qu'il était capable de sacrifier 250 personnes et leurs familles pour protéger les intérêts économiques de quelques groupes capitalistiques ligués contre LCI afin de préserver leurs parts de marché et leurs marges bénéficiaires", poursuit-elle.
A moins que ce ne soit la concurrence ?
"Nous ne sommes pas ici pour fragiliser" l'ensemble du secteur audiovisuel, s'est défendu mercredi sur France Info le président du CSA, Olivier Schrameck. Alors que "les investissements publicitaires à la télévision en France se sont contractés de 3,5% l'an dernier", indique La Tribune.fr, il a confirmé les arguments mis en avant hier, lors de l'annonce de la décision : la fragilité du marché publicitaire, et la fragilité des chaînes gratuites déjà présentes sur le secteur de l'information, soit une BFMTV "arrivée récemment à l'équilibre" et une i-Télé en "déficit d'exploitation". Ainsi, "l’Autorité redoute de voir la Une aggraver encore plus sa 'position dominante' sur le marché de la pub en commercialisant des réclames simultanément sur TF1, LCI, HD1, NT1 et TMC écrasant la concurrence", rappelle Libération.
Ou est-ce TF1 qui a négligé sa petite sœur ?
Sur France Info, le président du CSA a souhaité mercredi que le groupe TF1 "accepte de maintenir" LCI. Avec la conviction que le CSA n'a "commis ni erreur de fait, ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation", Olivier Schrameck a expliqué que fermer la chaîne d'information était "la décision du groupe TF1, il lui revient de la prendre", pointant ainsi la responsabilité du groupe dans le drame social qui se profile à LCI.
"Si LCI est en difficulté, c'est parce que LCI a fait un mauvais choix stratégique", lancait Alain Weill lors de son allocution citée plus haut. Car TF1 a longtemps refusé de faire le pari de la TNT, rappelle Libération, "choisissant en 2005 de ne pas proposer sa filiale en gratuit sur la TNT ainsi que le faisait Canal+ avec i-Télé ('LCI n’est pas candidate au cimetière', expliquait son patron d’alors, Jean-Claude Dassier)". Pour Jean-François Rabilloud, ancien présentateur de LCI, licencié en 2012 et interrogé par Arrêt sur images (article payant) ou encore le chroniqueur Bruno Roger-Petit, sur le site du Nouvel Obs, le groupe TF1 paye ses mauvais choix stratégiques. Et ce dernier de témoigner sa solidarité aux "250 personnes qui vont faire les frais de l'aveuglement des directions successives de TF1 qui les ont envoyés dans le mur".
Et si c'était la responsabilité de l'Etat ?
"L'Etat protège BFMTV, i-Télé, adossé au groupe audiovisuel le plus riche de France, Canal+. Le CSA protège ces deux entreprises, dont acte. Qui protège TF1 ?", s'est interrogé la directrice générale adjointe à l'information du groupe TF1, Catherine Nayl, au micro d'Europe 1. Si elle accuse l'Etat d'avoir, par le biais du CSA, "assassiné" la chaîne, d'autres personnalités, citées par Le Huffington Post, ont également accusé l'organisme d'être à la solde du gouvernement. A commencer par l'UMP, via un communiqué signé de l'élu du Nord, Sébastien Huyghe : "Nul ne peut remettre en cause les compétences éminentes du président que Monsieur Hollande a choisi pour le CSA [Olivier Schramek, ancien chef de cabinet de Lionel Jospin]... Pas plus que sa proximité, par ailleurs, avec la gauche et le Parti socialiste !", dénonce-t-il avant d'ajouter : "La mise à mort de LCI est-elle une décision politique ?"
Rappelant que des personnalités socialistes, telles Bruno Le Roux, Jean-Christophe Cambadélis ou encore Christophe Girard, ont déploré la décision du CSA, Le Monde.fr (article payant) met à mal cet argument. Six des neuf membres du CSA ont en effet été nommés par la droite.
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