La télé du futur sera interactive ou ne sera pas. D'où l'arrivée espérée en 2011 de téléviseurs "hybrides" TNT/internet
Des téléviseurs qui offriront des contenus multimédias complémentaires aux programmes, accessibles avec une simple télécommande.
Le téléspectateur regarde un match de tennis ? Il pourraaccéder à la fiche de chaque joueur, commander un T-shirt à son effigie, parier sur les résultats.
Mais aussi faire partie d'un réseau social, ou revoir d'autres matches, grâce à la vidéo à la demande ...
Les "digital natives" ne s'esbaudiront peut-être pas devant des services interactifs que leur offre depuis toujours l'ordinateur, mais les diffuseurs et les producteurs attendent beaucoup de ces téléviseurs hybrides. Ils espèrent ramener à la télévision les jeunes générations avec une offre de contenu séduisante (jeux vidéos, télé de rattrapage...). Et garder les spectateurs à l'ancienne, qui n'ont pas encore fui vers l'Internet.
Un saut technologique
C'est un véritable saut technologique que franchit ainsi le téléviseur. La norme HbbTV (pour Hybrid Broadcast-Broadband TV) permet d"enrichir les programmes de télévisions en mode hertzien (via la TNT ou le satellite) et/ou en mode IP (via internet ou le câble). Elle est axée sur des technologies web (HTML, CSS, Javascript ...) et développée conjointement par les constructeurs et les éditeurs de télévision de plusieurs pays européens.
"Dès 2008", nous a expliqué Bernard Fontaine, directeur délégué aux Technologies des Nouveaux Services de France Télévisions, "des constructeurs avaient décidé de faire des choix technologiques permettant aux télés de faire autre chose que la télé : de l'interactivité. Concrètement, il s'agissait de raccorder la télévision à Internet pour apporter, directement sur le téléviseur, du contenu multimédia."
"Mais il y avait un hic : les différents constructeurs étaient partis sur des normes différentes, avec des risques de fragmentation technologique qui, au final, pénaliserait le téléspectateur. Chaînes de télé et fabricants se sont rendus compte que mieux valait mettre au point une solution commune qui puisse aussi utiliser la TNT ou le satellite, en y ajoutant, si le récepteur est connecté à internet, l'accès à de très nombreux services (comme la video à la demande). D'où la création du standard hybride HbbTV, officialisé mi-juin au terme d'un chantier mené par une dizaine de sociétés fondatrices, dont France Télévisions. Les premiers téléviseurs équipés sortiront fin 2010 ou début 2011.
"Il faut souligner", insiste Bernard Fontaine, "que c'est un changement radical de l'objet téléviseur. La télévision s'est constamment améliorée en qualité (passage du noir et blanc à la couleur...), mais fonctionnait depuis l'origine de la même façon. Là, il s'agit d'une mutation vers un nouveau terminal interactif très grand public."
Pour les télés, des enjeux majeurs ...
On s'en doute, la création de la norme répond aussi et surtout à des enjeux commerciaux (de la part des constructeurs) et à des inquiétudes (de la part des chaînes de télévision).
Avec la convergence télévision/internet, des petits malins pourraient imposer leurs propres contenus interactifs sur les émissions. Un match de foot ? Tel ou tel bookmaker pourrait proposer un "pop-up" permettant des paris en ligne, sans bénéfice pour les chaînes de télé parasitées. "C'est un cauchemar qui peut déstabiliser toute l'industrie télévisuelle", estime Bernard Fontaine. D'autant plus qu'en France comme ailleurs, les chaînes de télé sont soumises à de strictes règlementations et obligations, dont peuvent se jouer les acteurs du web.
La télé connectée HbbTV, elle, permet de "verrouiller" les accès et d'assurer l'intégrité de l'offre vue par le public: seul le diffuseur serait habilité à proposer des programmes interactifs complémentaires à ses programmes. Il garderait ainsi la maîtrise de ce qui se passe sur les canaux qui lui sont attribués.
Le modèle Apple fait rêver les constructeurs de télé
Du côté des fabricants, on rêve au modèle Apple : toucher à la fois sur le terminal (la télé) et sur les contenus. La télé hybride pourrait s'ouvrir sur des portails, fruits d'une alliance entre tel constructeur et tel diffuseur. Les géants de l'électronique seront-ils les Google, Yahoo ou Apple du petit écran ? "En tout cas", estime Bernard Fontaine, "ils ont une belle longueur d'avance avec ce standard officiel qu'est HbbTV et l'utilisation du spectre hertzien possible comme puissant vecteur de diffusion". Les constructeurs s'appuient sur deux chiffres : plus de 8 millions de télés doivent être vendues en France cette année. L'an prochain, les deux tiers des appareils mis sur le marché- soit plus de 5 millions de postes, seront connectables à Internet.
Quels usages ?
Pourquoi le téléspectateur achèterait-il un poste HbbTV plutôt qu'un poste classique ? Pour des contenus exclusifs sur son téléviseur. Parmi les possibilités :
. Guide de programmes
. télétexte multimédia
. jeux vidéos
. Réseaux sociaux
. services associés aux programmes ou synchronisés à ceux-ci,
. télévision de rattrapage
. Vidéo à la demande ...
"La cible visée ? Les 15-25 ans, qui veulent regarder des contenus vidéos quand ils le souhaitent, à la demande, mais aussi les autres générations, plus habituées à la télé", nous a expliqué Pascal Hildebert, ingénieur recherche et développement qui travaille chez le constructeur LG.
" Il faudra", poursuit-il, "du contenu et des applis internet d"utilisation simple : on ne peut pas réinitialiser sa télé. Télécharger tel logiciel, ça ne marche pas sur le téléviseur. Pour la vidéo, on n'acceptera pas le Flash, qui est répandu sur le PC. Le HTLM5 sera privilégié."
"Pour naviguer aussi, un outil simple : la télécommande. Ou une manette avec un pointeur, comme celle de la WII, qui a connu un vrai succès transgénérationnel."
"Et pour les contenus ? Il y aura des alliances. Nous développons la technologie et les DRM (logiciels de verrouillage des données). Qui dit DRM dit droits...C'est vrai que le modèle Apple fait rêver, d'autant qu'Apple va développer Apple TV, comme Google va développer Google TV." Les mastodontes du Net piétinent allègrement les plates-bandes des acteurs traditionnels de l'audiovisuel ? Constructeurs et diffuseurs tentent d'organiser la contre-attaque.
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