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Un épisode "zéro" diffusé, un audimat décevant... avant le succès, les débuts difficiles de "Plus belle la vie"

Le 30 août 2004 était diffusé le premier épisode de la série "Plus belle la vie", dont France Télévisions a annoncé le clap de fin pour novembre 2022. Retour sur les débuts du feuilleton du quartier Mistral : des acteurs, producteurs et réalisateurs nous racontent leurs souvenirs. 

Article rédigé par Camille Belsoeur
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
Les actrices Hélène Mèdigue (au centre) et Anne Decis (à gauche) répètent une scène sur le tournage du feuilleton télévisé de France 3, "Plus belle la vie", le 20 janvier 2006 au studio de la Belle de Mai à Marseille.  (GERARD JULIEN / AFP)

La fin, tout le monde en parle en ce moment. Le 5 mai dernier, France Télévisions a annoncé l'arrêt en novembre 2022 de la diffusion de la série Plus belle la vie. Le groupe public a invoqué l'évolution des "attentes des téléspectateurs" pour justifier sa décision.

Mais face à l'incroyable succès du feuilleton marseillais depuis 18 ans à l'écran, plus grand-monde ne se rappelle des difficultés rencontrées par Plus belle la vie lors de son lancement en 2004. À l'époque, produire quotidiennement un épisode de 26 minutes était un défi considérable. Des acteurs, producteurs et réalisateurs qui ont embarqué dans l'aventure à ses débuts nous racontent leurs premiers souvenirs de tournage dans les studios de la Belle de Mai à Marseille. 

Produire un épisode quotidien : "on était vraiment en retard"

Dans le paysage de l'audiovisuel français, Plus belle la vie a fait l'effet d'une bombe avec son concept : diffuser chaque jour (hors week-end) un épisode de 26 minutes. En 2004, personne n'a jamais fait ça. C'était un défi immense qui se dressait face aux équipes de production. 

"Le défi, c'était de tout mettre au même endroit : le visionnage, la post-production... C'était une nouvelle façon de travailler. On devait tourner une quinzaine de scènes dans les studios par jour, car à l'époque on tournait davantage en intérieur qu'aujourd'hui. On avait trois caméras sur le plateau et le réalisateur pouvait parler directement aux acteurs. On a un peu tâtonné, mais c'était normal", se souvient Pascal Heylbroeck, réalisateur d'épisodes de Plus belle la vie depuis 2004. 

Vue du bar Le Mistral prise lors du tournage du feuilleton télévisé de France 3, "Plus Belle la Vie", le 20 janvier 2006 au studio de la Belle de Mai à Marseille.  (GERARD JULIEN / AFP)

L'équipe commence des répétitions de tournage à partir de juillet 2004 pour une diffusion du premier épisode le 30 août. Il faut quelques semaines aux techniciens et aux acteurs pour se rôder et trouver leur rythme afin que les débuts du feuilleton à l'écran soient de bonne qualité. "Ça allait vraiment très vite. On n'était pas du tout rompu à ça, mais ça se passait dans une grande bienveillance. Bien qu'ayant bien travaillé mon texte, je me sentais un peu perdu au début", dit l'actrice Cécilia Hornus, qui dans la série joue la professeur de français Blanche Marci. 

Il y a tellement à faire pour donner naissance aux aventures du quartier fictif du Mistral - le décor de la série -, que la production est en retard sur ses prévisions à quelques jours du grand début de la fiction marseillaise à l'écran. La suite, c'est Michelle Podroznik qui la raconte avec sa gouaille. 

"C’était le 30 août et on était vraiment en retard pour le tournage. On a donc passé à l’antenne un épisode 'zéro' qui n’était pas censé être diffusé. Le son et la lumière n'étaient donc pas très bons", grimace la productrice de 81 ans. Son énergie lui donne dix ans de moins, comme si les aventures des personnages de Plus belle la vie lui offraient une éternelle jeunesse. 

Un audimat d'abord décevant : "au 40e épisode, on a décidé de repartir de zéro"

En ce mois de mai 2022, France Télévisions a pointé l'érosion des audiences de la série depuis plusieurs années. En 2004, les producteurs étaient confrontés au même problème. Les débuts sont difficiles avec une part d'audience autour de 7% les premières semaines, alors que l'objectif était plus élevé. 

"Le premier jour, l’audimat a été très mauvais. Mais la direction de France Télévisions nous a rassuré en nous disant que ça allait marcher", sourit Michelle Podroznik. France Télévisions avait commandé 130 épisodes à la boîte de production Telfrance Série (qui sera racheté en 2008 par Newen, qui elle-même intègre TF1 en 2015). Ce contrat pour un grand nombre d'épisodes permet aux équipes de Plus belle la vie de ne pas subir une pression démentielle dès les premières semaines. 

Cependant, après 40 épisodes, la production sent qu'il faut faire des ajustements pour intéresser un plus large public. "À l’épisode 40, on était au festival de la fiction à Saint-Tropez. C'est là qu'on s'est décidé de sortir du 'quotidien' des habitants du Mistral. On s’est dit qu’il fallait repartir à zéro avec nos personnages. Le scénariste Olivier Szulzynger nous a rejoint à ce moment-là et a contribué à amener autre chose ", dit Michelle Podroznik. 

Des clients sortent de la boutique "Plus belle la vie" qui propose à la vente les produits officiels du feuilleton quotidien de France 3 , le 19 novembre 2008 à Marseille. (GERARD JULIEN / AFP)

Ce fameux 40e épisode marque une rupture avec l'ajout de nouvelles arches narratives plus rocambolesques. C'est notamment l'arrivée dans le soap opera de Luna Torres, un personnage qui va changer pas mal de choses dans le quartier du Mistral.

C'est Anne Décis, l'actrice qui interprète Luna Torres, qui en parle le mieux. "J’avais vu le premier jour de tournage et au départ les intrigues étaient un peu dans le style 'Rachel perd ses clefs'. Mais moi, mon personnage était plus controversé avec des enjeux assez forts. Mon agent me disait : 'tu verras, dans quelques mois tu seras encore là'. Luna Torres fait partie des personnages qui ont commencé à tendre la série, à tendre les relations entre personnages", raconte Anne Décis. 

Avec des rebondissements plus marqués, des enquêtes policières complexes et des meurtres mystérieux, la série devient moins réaliste mais plus addictive. Les audiences décollent vraiment au début de l'année 2005 jusqu'à atteindre un pic en 2011-2012 avec une part d'audience qui dépasse les 20%. Un score énorme pour France 3, chaîne sur laquelle est diffusée Plus belle la vie

Apprivoiser Marseille : "J'ai demandé qui était dégun"

En 2004, le choix de Marseille pour produire Plus belle la vie est osé. La cité phocéenne n'est pas encore une ville prisée par les équipes de tournage. 

"Deux jours après avoir remporté l'appel d'offres, nous partions pour Marseille. On est parti en repérage pour trouver l’endroit où on allait installer le décor. On a visité une usine de bonbons, ça sentait bon mais ça ne le faisait pas, rigole Michelle Podroznik. Puis, on a visité les studios installés par la mairie et on s’est dit : 'c’est là qu’il faut qu’on tourne'. Il n’y avait rien mis à part les murs. On a visité les studios à la lumière de nos téléphones dans le noir. Ensuite on a visité les rues du quartier du Prado et on s’est dit : 'c’est ça qu’il faut faire'”

"L’idée, ce n’était pas d’incarner des personnages marseillais"

Anne Décis, actrice

Pour les acteurs, il faut aussi prendre le pli du décor, même si la production ne veut pas tomber dans la caricature de la carte postale marseillaise. "Je connaissais un peu Marseille. Mais l’idée, ce n’était pas d’incarner des personnages marseillais. Tout le monde n’a pas l’accent marseillais à Marseille. Les gens nous ont d’ailleurs reproché au début que nous ne parlions pas tous avec l’accent marseillais. Mais tous les personnages sont très différents", juge Anne Décis. 

L'actrice Rebecca Hampton, qui interprète le personnage de Céline Frémont, arrivait encore plus dans l'expectative. "Je suis vraiment arrivé en terrain inconnu. On ne savait pas grand-chose, mais on était très motivé. On a eu le droit à un tour guidé de Marseille, des studios. Mon premier souvenir du tournage : je devais traverser toute la place du quartier Mistral pour boire un perroquet. Je tremblais tellement en prenant le verre que je l'avais pris à deux mains", rigole l'actrice. 

Un peu plus tard, elle est confrontée à un autre (léger) problème : comprendre le parler marseillais. "À un moment j’étais fatigué et un technicien m’a dit : “tu peux aller t’asseoir là-bas il y a dégun. Et moi j’ai dit : 'Mais je ne veux pas aller le voir dégun'”.

Et la suite ? 

Dix-huit ans plus tard, Marseille est devenu une ville prisée pour son savoir-faire télévisuel. Et ils sont beaucoup à espérer que Plus belle la vie soit reprise par un autre distributeur après l'arrêt de la diffusion sur France 3 en novembre prochain. "Il y a des discussions", indique le réalisateur Pascal Heylbroeck. "Maintenant avec Newen, on va essayer de mettre la série ailleurs", confirme la productrice Michelle Podroznik. 

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