Enfant noyé : comment la presse française est passée à côté
Le corps d’un garçon de 3 ans, t-shirt rouge et short bleu, a été retrouvé échoué sur une plage de Turquie. Aylan originaire de Kobané, en Syrie, est mort dans le naufrage d'un bateau où avait embarqué sa famille dans l'espoir de rejoindre la Grèce.
Cette image prise par une photographe turque est partout ce jeudi matin. Il est assez rare de voir une telle unanimité à la une de la presse européenne et c'est le cas surtout en Grande-Bretagne.
Tous les grands quotidiens britanniques ont choisi cette photo en pleine page à leur une ce matin et ils clament leur indignation. Même les journaux qui avaient adopté une ligne très dure sur la crise migratoire, Voilà la réalité titre le National , Insoutenable écrit le Mirror . Comment penser que ce n'est pas notre problème ? , s'interroge The Independant et c'est ainsi partout. La photo, on la retrouve à la une du Soir en Belgique, d'El Pais en Espagne, de l'Expressen en Suède... "Nous pleurons, " écrit le journal Bild en Alllemagne, tandis que la Repubblica en Italie a cette belle formule, "c'est la photo qui fait taire le monde ".
Et la presse française tout dans ça ?
C'est l’autre fait marquant : aucun grand quotidien français ne publie cette photo. Tous se sont focalisés à la une sur la manifestation des agriculteurs.
Comment avons-nous pu rater ça s'interroge un journaliste sur Twitter ? Je me le demande encore, répond Johan Hufnagel, le numéro 2 de Libération .
@LEGENRA @Plumedaliocha @CyrilPetit je me le demande encore.
— Johan Hufnagel (@johanhufnagel) September 2, 2015
Jeudi, en fin de journée, Johan Hufnagel a donné davantage d'explications dans un billet publié par Libération.
La presse française souvent frileuse
C'est vrai que la presse française est toujours plus réticente que la presse anglo-saxonne à publier des photos chocs. Le droit français est très attentif au respect de la dignité de la vie humaine, alors qu'en Grande-Bretagne on brandit davantage le droit à l'information, mais cela n'explique certainement pas l'absence de cette photo.
"Je ne me l’explique pas. C’est une surprise qu’il n’y ait même pas un journal qui daigne le faire alors que c’est dans la presse européenne l’ai fait, " s’étonne Dimitri Beck, rédacteur en chef de Polka Magazine .
Une absence très étonnante, d'autant que ce matin la plupart des médias français emportés sans doute par cet élan international publient finalement cette photo sur leur site Internet.
"C’était sur les réseaux sociaux et tout le monde y avait accès. Pourquoi ils ne l’ont pas fait en France, je ne sais pas. Je n’ai pas eu le temps d’en parler avec mes collègues. Quand on a des photos d’actualité comme celles-ci on peut se permettre de les publier, même si c’est violent pour tout le monde. "
Les migrants à la une de la presse française
L'Obs publie ce jeudi matin quatre une différentes avec un même titre : "J'ai été migrant ". L'hebdomadaire publie une série de témoignages de réfugiés qui se sont intégrés dans la société française. Là aussi c'est une manière de prendre le sujet à bras le corps sur la question migratoire. La presse internationale dépasse aujourd'hui le simple rôle d'observateur pour s'engager, pour dénoncer, pour demander au gouvernement d'agir.
"On doit publier une image comme ça, aussi forte soit-elle. Elle est insoutenable, c’est évident, mais comment prendre conscience des réalités et être touché, pouvoir se poser les bonnes questions sur le drame en train de se jouer aujourd’hui, et bien c’est avec des images puissantes et aussi insoutenables et douloureuses que celles-ci, " estime Dimitri Beck, rédacteur en chef de Polka Magazine .
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