Loi Travail : le Mouvement des jeunes socialistes dans la rue, une première
Roxane, Basile, Victor, Maxime, Boris et Pierre ont donné rendez-vous dans un café près de Solferino, plutôt qu’au siège même du PS. C’est dire l’ambiance qui doit y régner en ce moment. Ces jeunes militants socialistes ont entre 19 et 28 ans. Ils sont étudiants, chômeurs ou salariés, et tous ont été sidérés il y a quelques jours quand ils ont découvert dans la presse le projet de loi Travail.
"Nous ne sommes pas mariés avec le PS"
Les licenciements facilités ? Les indemnités prud’homales plafonnées ? "Des propositions clairement de droite, des propositions contre lesquelles nous nous étions insurgés quand nous étions dans l’opposition" s’agacent ces jeunes gens visiblement amers.
C'est une première pour leur mouvement le MJS créé en 1993 : ces militants défileront ce mercredi contre un gouvernement de gauche, aux côtés des organisations de jeunes, notamment l'UNEF et l'UNL et aux côtés des syndicats de salariés.
Ils n’ont pas prévu de banderoles avec des slogans assassins, mais ils sortiront leurs drapeaux. Ceux avec la rose ! "Pas le choix" soupire Victor qui reconnaît ne prendre "aucun plaisir" à aller manifester contre sa propre majorité. "C’est insupportable" surenchérit Boris.
Ne dîtes surtout pas à ces jeunes socialistes qu’ils signent là un divorce avec leurs aînés. "Pour divorcer, il faudrait déjà que nous soyons mariés. Or, nous ne sommes mariés ni avec le PS, ni avec le gouvernement. Notre mouvement est autonome" souligne Roxane. Son voisin va plus loin :
"Ce n’est pas en nous taisant qu’on fera gagner la gauche. Si le gouvernement poursuit ce qu’il fait en ce moment, c’est la gauche entière qui va dans le mur. C’est notre responsabilité de leur dire haut et fort."
Un autre ajoute : "Si on se résigne, si le MJS ne bouge pas, ça enverra un message fataliste et ce qu’on récoltera, c’est l’extrême droite au pouvoir".
Des contre-propositions à la ministre
Certains de ces jeunes ont été reçus hier en délégation par la ministre du Travail, Myriam El Khomri. Ils lui ont soumis des contre-propositions comme celle de taxer davantage les CDD que les CDI pour vaincre la précarité. Le rendez-vous n’a pas du tout dissipé leur malaise, et ils semblent avoir au fond peu d’espoir de faire changer la donne.
Tous les six se remémorent la campagne de 2012. "Au Bourget, j’étais dans la haie d’honneur pour François Hollande. Jamais je n’aurais cru avoir un jour à manifester contre sa politique", se lamente Maxime. Boris ajoute : "Je me souviens d’un candidat qui citait Shakespeare : - ils ont échoué parce qu’ils n’ont pas commencé par le rêve -. Je me souviens d’un candidat qui disait 'il n’y a pas qu'une voie possible'".
"J’aimerais tellement être fier de cette majorité en laquelle je croyais. Malheureusement, ça n’est pas le cas" , regrette de son côté Victor. Comme les autres, le jeune homme avait jubilé devant la tirade "Moi, président" face à Nicolas Sarkozy. Il avait adoré la phrase mythique : "Mon ennemi, c’est la finance" .
"On ne prend nos consignes nulle part"
Le président du MJS, Benjamin Luca lui-même - pourtant statutairement membre des instances nationales du PS - ne cache plus non plus ses désillusions. Il multiplie les apparitions dans les médias avec à chaque fois un peu plus de liberté de ton. On lui reproche d’être télécommandé par les députés frondeurs ou par Benoît Hamon. "Il n’y a pas de marionnettistes. Je ne prends mes consignes nulle part ", réplique-t-il. "En France, on n’admet pas que la jeunesse puisse penser par elle-même. Les jeunes de gauche montrent une grande maturité pourtant ces temps-ci, restant fidèles aux vraies valeurs de cette famille politique" , conclut-il.
Ces jeunes du MJS savent bien que même des cadres du PS de la motion A, que même des députés parmi les plus fidèles commencent à avoir de sérieux doutes sur le cap choisi par Manuel Valls. Ils réalisent qu’aucune majorité en France n’est jamais autant sortie de sa "territorialité" politique, et que cela peut lui coûter très cher.
"On ne dévoilera pas leurs noms, mais certains députés - en off - nous encouragent dans notre démarche même si eux choisissent de ne pas montrer au grand jour leur désaccord avec le premier ministre" , explique Maxime, inquiet de l’avenir du MJS.
On voit en effet difficilement comment le mouvement jeune peut sortir indemne de cette crise sans précédent. Il ne reste plus que quatorze mois avant la présidentielle. "Je ne préfère pas y penser" , commente Victor, "chaque chose en son temps" . Pour ces jeunes militants, la primaire à gauche n’est plus une option mais une issue incontournable.
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