Les ministres des Finances de la zone euro ont approuvé dimanche un plan d'aide à la Grèce
Il prévoit le versement de d'euros sur trois ans, dont 80 milliards à leur charge et le reste pour le FMI, a indiqué Jean-Claude Juncker, chef de file des ministres des Finances de la zone euro.
En échange, le gouvernement grec a accepté d'appliquer une cure d'austérité, prévoyant 30 milliards d'euros d'économies sur 3 ans.
Réunion de l'Eurogroupe dimanche
Les ministres des Finances de la zone euro réunis dimanche à Bruxelles ont approuvé dimanche un plan d'aide à la Grèce qui prévoit le versement de 110 milliards d'euros sur trois ans, dont 80 milliards à leur charge et le reste pour le FMI. La zone euro a décidé "d'activer" le plan d'aide à la Grèce, a confirmé Jean-Claude Juncker qui a précisé que les premiers fonds seront mis à disposition avant le 19 mai et que les financements couvriront les besoins financiers de la Grèce jusqu'en 2012.
Dès cette année, Athènes va percevoir 45 milliards d'euros de prêts.
En outre, les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro devraient tenir un sommet le 7 mai à Bruxelles, pour approuver définitivement l'activation du plan d'aide à la Grèce. Selon Jean-Claude Juncker, ce sommet ne reviendra pas sur les décisions de l'Eurogroupe.
De son côté, le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a précisé que le prêt du FMI de 30 milliards d'euros devrait être approuvé "dans la semaine". L'autorisation ne fait aucun doute.
Papandréou évoque de "grands sacrifices
L'accord prévoit de "grands sacrifices" pour les Grecs, "nécessaires" pour éviter la "faillite" du pays, a déclaré le Premier ministre grec Georges Papandréou dans une allocution retransmise en direct à la télévision dimanche matin Le pays, a-t-il expliqué, a besoin actuellement de pouvoir emprunter 60 milliards d'euros par an.
"Aujourd'hui, on avalise l'accord" conclu samedi soir avec les Européens et le FMI. "Avec nos décisions d'aujourd'hui les citoyens doivent subir de grands sacrifices (...) ce n'est pas une décision agréable", a-t-il ajouté, évoquant une "grande épreuve" qui attend le pays. "Ce sont des sacrifices durs mais nécessaires (...) sans lesquels la Grèce ferait faillite". Or, "éviter la faillite est la ligne rouge nationale", a-t-il insisté. Le montant global de l'aide financière du FMI et des pays de la zone euro à la Grèce sera "sans précédent au niveau mondial", a encore affirmé le Premier ministre.
Georges Papandréou a prévenu que pendant l'application du plan, la Grèce serait "observée, évaluée" par l'UE. Un tel effort n'a jamais été réalisé par aucun pays de la zone euro.
L'accord devrait suffire à éviter à la Grèce, confrontée à une dette colossale de plus de 300 milliards d'euros, un défaut de paiement à moyen terme. Les prêts pourront a priori commencer à être versés juste à temps pour que l'Etat hellénique honore l'échéance cruciale du 19 mai, quand il devra rembourser près de 9 milliards d'euros à ses créanciers.
Le plan d'austérité détaillé par le ministre grec des Finances
Georges Papaconstantinou a annoncé que le plan d'économies sera de 30 milliards d'euros d'ici fin 2012 pour ramener le déficit public sous le seuil de 3 % du PIB d'ici fin 2014 - le seuil européen. Les investissements publics vont être réduits et un fonds d'aide au système bancaire sera mis en place.
Il a également annoncé la suppression des 13e et 14e mois de salaire dans la fonction publique, compensée par des primes pour les plus bas revenus. Une nouvelle hausse de un à deux points de la TVA, qui s'élève actuellement à 21 %, est aussi prévue, a dit le ministre. Parmi les mesures figurent aussi une hausse de 10 % des taxes sur certains produits de consommation dont l'alcool, un gel des salaires et retraites du secteur public. L'âge minimum de départ à la retraite est fixé à 60 ans.
La récession sera cette année plus grave que prévu, avec une chute du Produit intérieur brut (PIB) de 4 %, contre les 2 % attendus. Le ministre a prévenu que la dette publique devrait continuer à progresser, jusqu'à 149 % en 2013, avant de commencer à refluer en 2014.
Réactions en Grèce
Les nouvelles mesures d'austérité annoncées sont "les plus injustes" de l'histoire de la Grèce, a réagi la GSEE, grande centrale syndicale grecque du secteur privé, appelant à "intensifier le combat social". La grande centrale syndicale de la fonction publique Adedy a appelé dimanche à "faire barrage" aux mesures "antisociales". Les mesures d'austérité annoncées par le gouvernement socialiste "conduisent à la paupérisation de la société" et "rendent les riches plus riches et les pauvres plus pauvres", a expliqué le syndicat. La GSEE et l'Adedy ont appelé pour mercredi à une troisième grève générale en moins de trois mois.
Revue de la presse grecque
La presse grecque soulignait lundi les "sacrifices" demandés à la population et "l'injustice" des mesures d'austérité annoncées dimanche par le gouvernement socialiste, visant principalement "les salariés et les retraités".
"Le grand sacrifice", titrait sur toute sa Une Ta Néa (progouvernemental), soulignant dans son éditorial qu'il "est bien sûr très difficile que la société l'accepte". "La manière dont nous avions l'habitude de vivre, de travailler, de consommer et d'organiser notre vie, ici dans cette région du sud des Balkans, a pris fin hier", ajoutait le journal.
Sous le titre "Asphyxie pour cinq ans", Ethnos (gauche populaire) soulignait que le Premier ministre Georges Papandréou "et son gouvernement sont évidemment condamnés à réussir, à valoriser les sacrifices du peuple grec et à offrir en 2014 une Grèce débarrassée des problèmes actuels, capable de rester debout et d'avancer avec optimisme vers l'avenir".
"Quatre ans sans respirer..." titrait Elefthérotypia (gauche indépendante), avant de souligner l'injustice des mesures qui frappent "toujours les mêmes". "La nouvelle tempête frappe avant tout les travailleurs du secteur public qui payent la longue incapacité des gouvernements à assainir l'Etat, à combattre la corruption et le gaspillage", estimait le quotidien. Pour le journal, "ce sont les mêmes gens, les salariés et les retraités, qui sont frappés presque exclusivement et sont appelés à chaque fois à payer". "La répartition jusqu'à présent des mesures fait porter la charge uniquement aux travailleurs (...) Les mesures sont nécessaires pour éviter la faillite économique, cependant elles sont injustes", concluait le journal.
A droite, Elefthéros Typos affirmait que le parti socialiste au pouvoir, le PASOK, "sert dorénavant le FMI, la Commission et la Banque européenne". Les mesures "ont provoqué un choc dans la société grecque", ajoutait le quotidien, estimant que "les demi-mesures du gouvernement conduisent mathématiquement le peuple à la détresse".
Le plan de soutien vu de Paris
A l'issue d'une réunion de travail à l'Elysée avec Nicolas Sarkozy le 1er mai, la ministre de l'Economie Christine Lagarde a précisé que la France devrait financer "à peu près 21 %" du montant de l'aide versée par l'Eurogroupe, c'est-à-dire après déduction de l'enveloppe du FMI, a confirmé Mme Lagarde. La France s'est engagée à débloquer la première année un maximum de 6,3 milliards - dont 3,9 dès 2010 - sur les 30 milliards de l'UE (en plus des 15 du FMI).
L'Assemblée devrait adopter lundi soir - ou au plus tard mardi - à l'unanimité la version française du plan d'aide UE/FMI à la Grèce, avec des débats à la marge sur des sujets échappant à ses compétences: le taux d'intérêt (5 %) et le danger d'attendre face à la spéculation. Le processus législatif sera bouclé dans la semaine, ce "projet de loi de finances rectificative" devant être voté dans la foulée au Sénat. L'ex-premier secrétaire du PS François Hollande a réaffirmé lundi qu'il voterait le plan de soutien de la France à la Grèce, soulignant que "nous ne sommes pas là dans un débat droite-gauche" mais "dans un débat européen".
Le risque de contagion de la crise aux autres maillons dits "faibles" de la zone euro, comme le Portugal et l'Espagne, a semble-t-il convaincu les dirigeants européens les plus réticents - à commencer par l'Allemagne - de la nécessité de débloquer une aide internationale conséquente. Jeudi, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble a joué l'apaisement en estimant que la Grèce aurait besoin de moins d'aide en 2011 et en 2012 que cette année.
Aide à la Grèce: les principales étapes
Octobre 2009: le nouveau gouvernement socialiste grec relève la prévision de déficit public du pays pour 2009 à 12,7% contre 6% auparavant. C'est le déclenchement de la crise.
Décembre 2009: les agences financières Standard and Poor's, Moody's et Fitch baissent leur notation sur la capacité de la Grèce à rembourser ses dettes. Les dirigeants européens réunis à Bruxelles estiment que les Grecs peuvent s'en sortir seuls.
11 février: les dirigeants européens se disent prêts si nécessaire à prendre des mesures "déterminées" et "coordonnées" pour empêcher une faillite grecque et défendre la zone euro.
3 mars: Athènes annonce de nouvelles mesures d'économie mais réclame "la solidarité de l'Europe", n'excluant pas sinon de recourir au FMI.
15 mars: les ministres des Finances de la zone euro s'entendent sur les grandes lignes d'un plan d'aide sous forme de prêts bilatéraux. Mais il se veut seulement préventif.
25 mars: les chefs d'Etat et de gouvernement décident d'impliquer le FMI dans un mécanisme de "dernier recours".
11 avril: Le plan se précise. Les ministres des Finances de la zone euro mettent à disposition de la Grèce, si nécessaire, 30 milliards d'euros de prêts à un taux d'environ 5% pour 2010. Le FMI apporterait 15 milliards d'euros.
21 avril: des équipes de la Commission, de la BCE et du FMI sont à Athènes pour négocier les économies budgétaires exigées d'Athènes en contrepartie.
22 avril: L'UE relève le déficit grec pour 2009 à 13,6%. L'euro au plus bas depuis un an. S'ensuit un mouvement de panique sur les marchés. La crise se propage.
23 avril: Athènes demande officiellement l'activation de l'aide.
1 mai: Fin des négociations entre Athènes, les Européens et le FMI. Un plan de prêts évalué à entre 100 et 120 milliards d'euros sur trois ans doit être annoncé. Mais le versement des fonds devra encore attendre un sommet des dirigeants de la zone euro le 7 ou le 8 mai.
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