Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a appelé mercredi les fraudeurs du fisc à se dénoncer
Il a lancé cet appel dans les colonnes du quotidien régional "Augsburger Allgemeine Zeitung".
Mardi, Wolfgang Schäuble a annoncé qu'il avait décidé d'acheter un CD contenant jusqu'à 1.500 noms de détenteurs de comptes en Suisse. Un informateur mystérieux vendrait ce CD pour la modique somme de 2,5 millions d'euros, selon la presse allemande.
Toutefois, le doute persiste sur le ou les établissements bancaires concernés par cette liste. Il n'empêche que le ministre des Finances compte sur l'effet "épée de Damoclès" pour inciter les contribuables malhonnêtes à faire le premier pas. Le fisc allemand compte sur cette liste pour récupérer au moins 100 millions d'euros.
Pour de nombreux observateurs suisses, cette nouvelle salve de Berlin relève plus des intérêts économiques et de politique interne que d'une attaque frontale contre le secret bancaire helvétique déjà bien écorné.
En France, un procédé comparable à l'encontre des fraudeurs a déjà porté ses fruits. En 2009, le fisc dit avoir récupéré 700 millions d'euros de 3.500 évadés fiscaux repentis. Paris s'était aussi procuré auprès d'un informateur -pas le même, selon Wolfgang Schäuble- une liste de 3000 fraudeurs du fisc en Suisse, et avait incité les contribuables en infraction avec la loi à se dénoncer avant le 31 décembre plutôt que de s'exposer à des poursuites. En cas d'auto-dénonciation, les intéressés doivent rembourser les sommes dues au fisc, mais ne sont pas punis en plus pour leurs méfaits.
En Allemagne, le quotidien régional Rheinische Post a rapporté que le nombre d'auto-dénonciations en matière fiscale avait déjà quadruplé entre 2008 et 2009. L'achat par les services secrets allemands en 2008 (coût: 5 millions d'euros) d'une liste de noms en provenance du Liechtenstein, qui avait conduit à récupérer 180 millions d'euros, mais aussi pincer un baron de l'économie allemande, Klaus Zumwinkel, à l'époque patron de Deutsche Post, n'est pas étranger à cette évolution.
Colère et impuissance en Suisse
"C'est une guerre économique déguisée en croisade fiscale", s'est insurgé le député du parti populiste de droite (UDC) Yves Nidegger cité dans Le Matin. "Les pays européens nous font la morale alors que tout ce qu'ils veulent c'est s'enrichir", a renchéri le député libéral Christian Lüscher.
Le chef de la communication de l'Association des banquiers suisses, Jean-Marc Felix, explique: "En général pendant et après une crise, les pays ont besoin d'argent et on peut comprendre qu'ils essaient d'en trouver absolument... Mais cela ne justifie pas un acte criminel qui est de voler des données."
Juridiquement, un pays "n'a pas tous les droits" pour faire valoir ses intérêts, a estimé également le secrétaire général de l'Association des banquiers privés suisses, Michel Dérobert. La colère est d'autant plus forte parmi élus et financiers que tous ont conscience que la Suisse ne dispose que d'une marge de manoeuvre très limitée pour empêcher l'Allemagne d'utiliser la liste, qui pourrait lui permettre de récupérer au moins 100 millions d'euros.
Berne a martelé qu'il n'était pas question pour elle de fournir la moindre entraide administrative sur des données acquises de manière illicite. Mais les possibles coups de semonce du gouvernement suisse face à Berlin pourraient n'avoir pas plus d'effets que sur Paris, qui fait bon usage des 1.300 noms qu'elle a récupérés en 2009.
Attraper les fraudeurs fait gagner des électeurs
"La satisfaction mauvaise" de l'opinion publique quand Klaus Zumwinkel avait été coincé constitue clairement "un argument en faveur de l'achat, du point de vue de l'optimisation électorale", commentait le quotidien Financial Times Deutschland. En d'autres termes, pincer les fraudeurs fait recette auprès des électeurs.
L'argument moral a vite été balayé. La fédération de la police GdP dresse un parallèle avec les opérations menées dans le milieu de la drogue, ou encore le rachat par les compagnies d'assurance d'oeuvres d'art volées. "On ne peut pas exclure qu'une partie de l'argent en dépôt sur les comptes suisses ait été acquis de manière illégale", a ajouté son président Konrad Freiberg.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.