Le mariage princier n'y changera rien, l'économie britannique connaît une purge sans précédent
Le PIB du Royaume-Uni a crû de 0,5% sur les trois premiers mois de l'année par rapport au trimestre précédent. Cette hausse a permis au pays d'échapper à un retour dans la récession, après le recul de 0,5% de son PIB enregistré au 4e trimestre 2010.
En cause, le plan d'austérité du gouvernement Cameron, qui pèserait sur la reprise.
A défaut d'être surpris, les experts économiques se sont montrés déçus du manque de vigueur de ce rebond, qui a tout juste égalé la contraction de l'économie au quatrième trimestre 2010. Ce qui veut dire que le PIB britannique est seulement revenu à son niveau du troisième trimestre 2010.
Une performance modeste, qui n'a fait que renforcer les craintes d'une nette érosion de la reprise économique dans les mois qui viennent, prise en tenaille entre une cure d'austérité budgétaire sans précédent, qui va peser sur la consommation et l'emploi, et une flambée des prix, qui mine le pouvoir d'achat des ménages et les marges des entreprises, et risque d'obliger la Banque d'Angleterre (BoE) à relever tôt ou tard les taux d'intérêt.
Par ailleurs, ce mini-rebond a reposé quasi-exclusivement sur le secteur des services, qui représente à lui seul les trois-quarts du PIB. "C'est une performance décevante, qui montre que l'économie a stagné au cours des deux derniers trimestres", a déploré Howard Archer, économiste du cabinet IHS Global Insight, pour qui cela conforte l'idée "que la croissance sera limitée à l'avenir".
Sur un an, l'économie du pays affiche une hausse de 1,8%. L'économie continue de marquer le pas si on la compare à celles des autres pays développés. Les services et le secteur manufacturier, qui ont montré des progressions respectives de 0,9% et 1,1%, ont soutenu le PIB, contrairement au secteur de la construction qui a reculé de 4,7% sur le trimestre, une chute sans précédent depuis le premier trimestre 2009 quand le pays était en pleine récession.
Plan d'austérité
Le plan d'austérité décidé par le gouvernement conservateur de Cameron en automne dernier doit entraîner la suppression de près de 500 000 emplois publics et des coupes drastiques dans les dépenses sociales.
Ce plan -considéré comme le plus sévère des grands pays de l'Union européenne- vise à réaliser 81 milliards de livres (plus de 88 milliards d'euros) d'économies en moins de cinq ans, auxquels s'ajouteront 30 milliards de livres de hausses d'impôts, pour ramener le déficit britannique à 1,1% du PIB en 2015 contre 10,1% cette année. Le Guardian (centre-gauche) avait qualifié ce plan de cure d'austérité que Margaret Thatcher n'aurait pas tentée «même en rêve».
Selon divers calculs, l'austérité pourrait entraîner la destruction de 500.000 à 700.000 emplois dans le privé au cours des prochaines années. Le plan d'austérité risque de faire baisser le revenu disponible des Britanniques. Afin de recréer de l'activité, le gouvernement table sur un hypothétique retour de la croissance et une politique de taux d'intérêt très bas de la Banque d'Angleterre (le Royaume-Uni n'est pas dans l'euro). Pari «à haut risque», jugeait "The Economist". Au delà du risque économique, les Britanniques ont vite compris l'impact que risquaient de provoquer les mesures annoncées par le pouvoir.
Manifestations sans précédents
Les étudiants ont été les premiers à descendre dans la rue. Pour protester contre l'augmentation des frais universitaires qui atteignent des prix record. La colère a été d'autant plus vive que le parti libéral-démocrate, qui est associé aux conservateurs dans le gouvernement, avait promis de ne pas les augmenter. Les manifestations ont pris à plusieurs reprises un tour violent, contrastant avec l'image traditionnelle prêtée aux Anglais.
En mars dernier, Londres a connu sa plus grande manifestation sociale depuis une vingtaine d'années, selon des témoins. Ne cassez pas la Grande-Bretagne !», «défendons nos services publics !», proclamaient les pancartes des manifestants.
L'effet mariage
Dans cette athmosphère, y-aura-t-il un effet Kate et William sur l'économie. Les analystes se montrent plus que sceptiques. Malgré un éventuel effet sur le tourisme et la vente de produits dérivés, le mariage princier n'a guère de chances de doper durablement une économie britannique affaiblie.
Bien dans son rôle, la Confédération de l'industrie britannique (CBI, principal syndicat patronal) a estimé que la journée fériée accordée par le gouvernement de David Cameron coûtera à l'économie nationale six milliards de livres sterling environ (6,75 milliards d'euros) en production perdue. Même si l'on tient compte du "feel-good factor" (effet euphorisant) de courte durée et de la manne apportée par les touristes, le mariage princier n'est en rien "la bonne nouvelle à l'état pur" tant attendue et vantée par le chef du gouvernement conservateur.
L'histoire montre d'ailleurs que les jours fériés ponctuels ont en réalité un effet négatif durable sur le PIB. Le dernier remonte à juin 2002, lors du jubilé d'or de la reine Elizabeth II. Ce mois-là, la production industrielle avait dégringolé de 4,0% et celle des services de plus de 2,0%, et il a fallu un certain temps avant que ces deux secteurs ne retrouvent leur niveau antérieur.
En juillet 1981, à l'occasion du mariage de Charles et de Diana, parents de William, l'économie britannique s'était contractée de 1,2% malgré l'essor du secteur touristique.
L'économiste Philip Shaw, d'Investec, s'est lancé dans un audacieux calcul. Pour lui, l'union de William et de Kate fera perdre 0,25 point de croissance au deuxième trimestre 2011. Si le jour J du mariage constituera une aimable distraction pour une opinion publique plus habituée à une actualité dominée par le chômage et l'inflation, il est douteux qu'il provoque une vague d'optimisme.
La confiance des consommateurs est tombée à des niveaux jamais vus en Grande-Bretagne depuis la récession. Pour l'institut de sondage GfK NOP, le mariage a peu de chances d'inverser la tendance. "Il peut engendrer une sorte d'effet euphorisant à courte durée mais c'est peu probable qu'il renforce la confiance des ménages dans leur situation financière", explique Nick Moon, directeur de GfK NOP. Bref rien ne semble rose, au royaume de la rose.
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