Le conseil de surveillance d'Areva a validé la nomination de Luc Oursel comme futur président du directoire du groupe
C'est sans surprise que le conseil de surveillance du géant du nucléaire a adoubé mardi le futur remplaçant d'Anne Lauvergeon, dont le mandat expire fin juin et ne sera pas renouvelé.
L'ensemble du directoire du groupe était présent lors de cette réunion, selon une source syndicale, qui a évoqué une ambiance "relativement pesante mais sereine".
Anne Lauvergeon a rencontré Nicolas Sarkozy lundi à l'Elysée. Selon le site internet du magazine Challenges, elle aurait refusé une indemnité de départ correspondant à deux années de salaire. Le groupe a refusé de commenter cette information.
"Madame Lauvergeon a fait deux mandats, dix ans à la tête d'une entreprise, c'était la fin de son mandat, le gouvernement a pris la décision de nommer à la tête de l'entreprise le numéro deux de l'entreprise, il y a donc de la continuité", a assuré Nicolas Sarkozy vendredi 17 juin. Il s'exprimait lors d'une conférence de presse avec Angela Merkel. "La crédibilité de la filière nucléaire française ne se réduit pas à l'action d'une personne", a-t-il ajouté.
Patronne emblématique d'Areva depuis plus de dix ans, Anne Lauvergeon, surnommée "Atomic Anne", souhaitait être reconduite pour un troisième mandat à la tête du groupe nucléaire français, un des géants mondiaux du secteur. Mais l'exécutif en a décidé autrement.
Vendredi matin, le ministre de l'Industrie Eric Besson a justifié le remplacement d'Anne Lauvergeon par Luc Oursel à la tête d'Areva. "Ce n'est pas un changement d'orientation stratégique pour l'entreprise. Nous allons au contraire demander à Luc Oursel de poursuivre dans les différentes options stratégiques même s'il y aura évidemment un certain nombre d'inflexions liées à l'activité industrielle d'Areva et au nouveau contexte international." Soulignant qu'Anne Lauvergeon avait "un bon bilan", Eric Besson a estimé auprès de l'AFP qu'il n'était "pas illogique, pas choquant qu'au bout de 10 ans à la tête d'une entreprise publique, il puisse y avoir un renouvellement de la présidence".
Nicolas Sarkozy et son ministre de l'Industrie se sont exprimés alors que les réactions politiques défavorables se multiplient -à gauche comme à droite- face à une éviction considérée comme une décision personnelle de Nicolas Sarkozy à l'encontre d'Anne Lauvergeon, avec laquelle les relations étaient notoirement conflictuelles.
Lauvergeon souhaite une transition "dans les meilleures conditions"
La présidente du directoire d'Areva Anne Lauvergeon a souhaité que la transition avec son numéro deux Luc Oursel "se fasse dans les meilleures conditions", dans un communiqué transmis à l'AFP. Anne Lauvergeon, qui "ne souhaite pas s'exprimer pour l'instant" sur son éviction, "demande à tous les collaborateurs d'Areva de poursuivre le travail engagé pour le développement du groupe et souhaite que la transition se fasse dans les meilleures conditions", selon ce bref communiqué.
"Luc Oursel sera notamment chargé de mettre en oeuvre un plan d'amélioration de la performance de l'entreprise afin de renforcer sa compétitivité et de poursuivre son développement", peut-on lire dans le communiqué de jeudi.
La candidature du numéro 2 privilégiée pour ne pas heurter les salariés
La candidature de Luc Oursel, ingénieur des Mines déjà bien ancré au sein d'Areva, a été perçue comme un moyen d'écarter Anne Lauvergeon sans heurter les salariés, inquiets à la perspective qu'un 'outsider' prenne la tête du groupe dans le contexte difficile de l'après-Fukushima.
Pour autant, l'hypothèse de sa nomination imminente a fait monter au créneau jeudi tous les soutiens d'Anne Lauvergeon, des salariés à la direction, en passant par une vingtaine de députés de tous bords. "Anne Lauvergeon est la seule personnalité de l'entreprise disposant des compétences et qualités requises pour conduire Areva dans les années à venir", a écrit le comité exécutif du groupe, dans une lettre signée par tous ses membres... à l'exception du tandem Lauvergeon-Oursel. La patronne d'Areva a pu aussi, en vain, se prévaloir de l'appui du comité de groupe européen, composé d'élus du personnel, qui a encensé une "femme visionnaire", "intransigeante sur la sécurité et la sûreté", ayant su "ouvrir Areva vers l'extérieur comme personne d'autre avant elle".
Réactions politiques
Ségolène Royal (PS) a regretté vendredi sur France Bleu Hérault le remplacement à la tête d'Areva d'Anne Lauvergeon, "une femme exceptionnelle" selon la candidate à la primaire socialiste pour 2012, qui a espéré que "ce limogeage" n'était "pas dû à son esprit d'indépendance".
Pour François Hollande (PS), cette éviction est une "double faute, de méthode et de sens" de la part du président Nicolas Sarkozy.
Marie-George Buffet (PCF): "Ce débarquement sans qu'on en sache vraiment la raison n'est pas acceptable. Il faudrait plutôt avoir un débat sur ce qu'on lui reproche".
Christian Jacob (UMP) a assuré que le remplacement d'Anne Lauvergeon à la tête d'Areva ne constituait "pas un limogeage", et souligné que l'Etat actionnaire avait privilégié la continuité puisque "le numéro deux va prendre le relais".
Rachida Dati (UMP): "C'est une amie personnelle (...) Elle voulait rester, elle avait fait acte de candidature pour poursuivre son mandat". "Ce qui est violent, c'est que je l'ai vue il y a huit jours, elle ne savait pas du tout qu'elle allait partir. C'est ça qui est un peu violent et injuste". "Je trouve que ce n'est pas bien".
Nicolas Hulot, candidat à la primaire d'Europe Ecologie Les Verts: "Je ne pense pas que ça va changer grand chose à la politique énergétique française".
Stéphane Lhomme, candidat à la primaire d'Europe Ecologie Les Verts: "Il est dommage que Mme Lauvergeon ne soit plus là au moment où Areva va couler. Finalement, le débarquement de Mme Lauvergeon est une chance pour elle..."
Jeudi, 20 députés de tous bords (UMP, PS, PCF, NC) ont réclamé dans une tribune que l'ancienne sherpa de François Mitterrand, qui a elle-même fait campagne activement en vue d'un troisième mandat, soit "reconduite dans ses fonctions". "Se priver d'Anne Lauvergeon serait faire courir un risque important à Areva", a déclaré le député filloniste Jean-Paul Anciaux (UMP) à l'AFP.
Pour ces parlementaires, "Areva applique un seul concept à toutes ses démarches : sûreté, sécurité et transparence" et "Anne Lauvergeon a toujours refusé de transiger sur ces sujets. C'est sa marque de fabrique".
Réaction d'une ONG anti-nucléaire
Le réseau Sortir du nucléaire a considéré vendredi que le limogeage d'Anne Lauvergeon "illustre la crise morale dans laquelle la filière nucléaire s'enferre".
"Lauvergeon part, les problèmes de la filière nucléaire restent", affirme un communiqué du réseau, pour qui "les casseroles s'accumulent". Il cite le "cuisant échec de l'industriel français à Abou Dhabi, le naufrage financier des chantiers EPR en Finlande et à Flamanville, les effets d'annonce opportunistes depuis la catastrophe de Fukushima".
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