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La Banque publique d'investissement, remède miracle pour l'économie française ?

Elément phare du programme de François Hollande, cette nouvelle structure doit permettre de créer de la croissance en facilitant l'accès des entreprises au financement.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, lors d'une conférence de presse sur la Banque publique d'investissement, le 17 octobre 2012 à Paris. (FRED DUFOUR / AFP)

ECONOMIE - Banque publique d'investissement (BPI) : derrière ce nom un peu barbare se cache l'un des éléments les plus importants de la politique économique du gouvernement, le premier des 60 engagements de campagne de François Hollande. Jusqu'à présent, on avait surtout entendu Jean-Marc Ayrault et ses ministres défendre la rigueur budgétaire et les hausses d'impôts pour les plus riches, dont les effets pourraient être particulièrement néfastes pour la croissance française.

Dans ce contexte de crise, le gouvernement place des attentes très fortes dans la naissance de cette banque publique destinée au financement des PME, la considérant comme le "bras armé" de sa politique économique. Explications.

Un outil pour aider les PME, moteur de la croissance

De gauche à droite, le constat est partagé : les petites et moyennes entreprises rencontrent trop de difficultés à financer leurs projets. Après la crise des subprimes de 2007 et la chute de la banque américaine Lehman Brothers, les banques du monde entier se sont vues imposer des règles dites "prudentielles" censées les consolider. Contraintes d'augmenter leurs fonds propres, les banques sont devenues plus frileuses lorsqu'il s'agit d'accorder des prêts aux entreprises.

Et lorsque les banques ne prêtent plus, c'est toute la machine qui se grippe. Les PME ne peuvent plus investir, se développer, et encore moins embaucher. Or, à en croire les économistes, elles seules sont capables de créer massivement des emplois.

La nouvelle Banque publique d'investissement agira donc à 90% en direction des PME (moins de 250 salariés) et des établissements de taille intermédiaire (ETI, 250 à 5 000 salariés), a confirmé Jean-Marc Ayrault mercredi 17 octobre. Une fois de plus, la France a trouvé son inspiration en Allemagne. La banque publique KfW, troisième établissement de crédit du pays, y est devenue incontournable pour le financement du "Mittelstand", ce réseau de PME considéré comme la colonne vertébrale économique de l'Allemagne.

La BPI, ou comment faire du neuf avec du vieux

La BPI ne sera pas une énième institution qui viendrait se surajouter à un maquis de mécanismes flous et désordonnés. Elle n'est pas non plus l'idée lumineuse qui révolutionnera le financement des entreprises.

Cette banque chapeautera les activités de trois organismes existants : Oséo (la banque des PME), le Fonds stratégique d'investissement (créé par Nicolas Sarkozy pour investir dans les entreprises du CAC 40) et CDC Entreprises (filiale de la Caisse des dépôts et consignation). Elle pourra fournir aux entreprises des prêts (pour une capacité de 20 milliards sur le quinquennat), des garanties (12 milliards d'euros) et des investissements en fonds propres (10 milliards d'euros). Soit une force de frappe de 42 milliards d'euros.

Cette somme, non négligeable, sera-t-elle pour autant suffisante ? "Il n'y a pas un euro de plus" par rapport à ce qui existe, tacle l'ancien ministre Jean-Louis Borloo, qui souligne par ailleurs un risque de conflit d'intérêts : dans certains cas, la BPI pourrait se retrouver à la fois actionnaire et prêteuse.

"Ce ne sera pas un remède miracle, convient Bernard Cohen-Hadad, président de la commission "financement des entreprises" de la CGPME, contacté par FTVi. Mais l'idée de regrouper dans un navire amiral les différents mécanismes de soutien public, qui étaient jusqu'à présent éparpillés, va dans le bon sens." Ainsi, les entreprises qui nécessitent un prêt ou sollicitent une participation pourront s'adresser à un "guichet unique". C'est le principal point fort de cette banque.

Les pièges à éviter

"Attention à la politisation !", met en garde l'économiste Olivier Pastré, professeur à l'Université Paris-VIII, joint par FTVi. Le plus gros risque, selon lui, serait que les décisions de la future BPI relèvent de choix politiques plutôt que de leur pertinence économique et technique. Et de citer l'exemple des Sociétés de développement régional, dans les années 1990, "dont certaines, qui s'étaient politisées, ont fait des investissements irrationnels, menant parfois au dépôt de bilan".

En clair, pour que cette BPI soit une réussite, elle devra définir une véritable stratégie. Par exemple pour soutenir les entreprises innovantes. Et éviter de maintenir sous perfusion des "canards boîteux" voués à l'échec. Une exigence que le ministre de l'Economie semble avoir intégrée : "Ce n'est pas un outil défensif, c'est un outil offensif, a-t-il souligné mercredi lors d'une conférence de presse. N'en faisons pas un pompier."

Autre crainte : que toutes les décisions soient prises sur un coin de table à Paris. "Les moyens de la Caisse des dépôts en régions devront être renforcés", prévient Olivier Pastré. Le projet du gouvernement confie d'ailleurs un rôle de premier plan aux régions, qui sont amenées à s'affirmer comme les collectivités locales de référence en matière économique. Ainsi, le conseil d'orientation de la BPI sera présidé par un représentant des présidents des conseils régionaux.

"Il faudra que les décideurs régionaux jouissent d'une certaine autonomie", insiste Bernard Cohen-Hadad. D'autres conditions, estime-t-il, seront indispensables pour que la BPI ne soit pas un échec : que son action ne se construise pas en opposition à celle des banques privées, qu'elle soit réactive dans ses prises de décisions, et qu'elle soutienne aussi les formes alternatives de financement. Autant de sujets sur lesquels devront plancher Jean-Pierre Jouyet (directeur général de la Caisse des dépôts) nommé mercredi président de la BPI, et Nicolas Dufourcq, pressenti pour en devenir le directeur général.

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