L'Irlande et son miracle économique, donnée comme modèle en Europe est aujourd'hui en quasi faillite
Devenue en quelques années l'un des pays les plus prospères de l'Union européenne, l'Irlande est aujourd'hui obligée d'appeler à l'aide.
Retour sur une croissance record, qui lui valut le surnom de "tigre celtique", et sur les raisons de la crise actuelle.
Entre 1991 et 2003, l'économie irlandaise connut une croissance de 6,8% par an, augmentant de façon significative le niveau de vie des habitants. L'apogée de cette croissance eut lieu en 1999, lorsque la croissance du PIB atteint 11,1 %, après 8,7 % et 10,8 % en 1998 et 1997. Ce sont ces taux de croissance, improbables dans le reste de l"Europe, qui ont valu à l"Irlande le surnom de « tigre celtique » en allusion aux pays asiatiques.
Résultat, l'Irlande qui en 1985 était classée avant-dernier au sein de la Communauté économique européenne est aujourd'hui, avec ses 4,5 millions d'habitants, le deuxième pays le plus riche de l'Union européenne, derrière le Luxembourg.
Les raisons du miracle irlandais
Plusieurs raisons expliquent le miracle irlandais. Mais trois raisons principales sont avancées par les économistes:
-l'aide européenne,
-la politique fiscale,
-la relation avec les USA
La croissance irlandaise a souvent été expliquée par le faible taux d'impôt sur les sociétés (entre 10 et 12,5 % à la fin des années 1990) et aux subventions, appelées "paiements de transfert", reçues des pays de l'UE plus développés tels que la France et l'Allemagne et qui représentèrent jusqu'à 7 % du PNB. Ces aides ont financé des investissements dans le système éducatif (par ex. l'inscription universitaire était gratuite) et les infrastructures physiques.
Ces investissements ont amélioré la capacité de production de l'économie irlandaise et l'a rendue plus attrayante pour des entreprises de haute technologie. Les impressionnants chiffres de croissance de ce pays longtemps présenté comme un modèle pour le reste de l'Europe de l'Ouest s'expliquent aussi par une remise à niveau de son économie, par rapport à ses voisins.
L'appartenance de l'Irlande à l'Union européenne depuis 1973 lui a facilité l'accès à l'énorme marché européen, en plus des subventions reçues, alors qu'auparavant le commerce irlandais était tourné essentiellement vers le marché du Royaume-Uni.
La spécialisation de son économie a attiré avec succès une grande variété de compagnies à haute valeur ajoutée (comme Dell, Intel, Microsoft et Gateway) durant les années 1990. Ces sociétés furent attirées en Irlande grâce à l'appartenance de ce pays à l'Union européenne, aux salaires relativement bas, aux subventions gouvernementales et aux faibles taxes. De plus, l'Irlande avait une force de travail jeune, anglophone et bien éduquée. Ceci permettait aux employés irlandais de communiquer facilement et efficacement avec les Américains, un facteur majeur dans le choix de l'Irlande pour les quartiers généraux européens de ces sociétés.
Des acquis impressionnants
Durant la période du Tigre celtique, l'Irlande, qui était autrefois l'un des pays les plus pauvres d'Europe, est devenue l'un des plus riches.
-le revenu net a augmenté à des niveaux record, ce qui a permis une forte hausse de la consommation des ménages.
-le taux de chômage est passé de 18 % dans les années 1980 à 4,2 % en 2005 et le salaire industriel moyen a augmenté plus vite que dans le reste de l'Europe.
-la dette publique a fortement diminué : représentant environ 34 % du PIB à la fin de l'année 2001, elle est devenue l'une des plus faibles d'Europe, permettant un doublement des dépenses publiques sans augmentation significative des taxes.
-ces nouvelles richesses ont permis de moderniser les infrastructures.
-La tendance traditionnelle à l'émigration fut enrayée, et l'Irlande commença même à devenir une destination pour de nombreux immigrants.
Plus dure sera la chute
L'économie irlandaise qui se reposait en grande partie sur l'industrie financière a subi de plein fouet les effets de la crise. Le P.I.B a chuté de 3.0% en 2008 et devrait chuter de 9.0 % pendant l'année 2009. Le taux de chômage est passé de 4,6% fin 2007 à 9,20% au mois de janvier 2009 et 13 % en mars 2010. La politique de restriction budgétaire ne devrait pas permettre un retour rapide à la création d'emplois.
Ce qui avait fait en partie le succès de l'économie irlandaise pèse aujourd'hui sur ses résultats. La forte dépendance aux bénéfices réalisés par les multinationales (en grande majorité américaine) implantées en Irlande, et la récession rapide américaine, ont eu un effet démultiplicateur sur l'économie irlandaise. La chute des bénéfices de ces entreprises combinées à l'effondrement du marché immobilier a plongé le pays dans une crise durable.
Une partie de la croissance du pays a reposé sur son activité bancaire. Ses banques ont surfé sur la bulle immobilière du pays, mais aussi celle du Royaume-Uni ou des États-Unis. Aujourd"hui, les chiffres sont impressionnants : la totalité des engagements des banques irlandaises pesait à fin octobre 1 342 milliards d'euros, plus de huit fois le produit intérieur brut (PIB) du pays.
En 2009, la première banque du pays, Anglo Irish Bank a perdu 12,9 milliards d'euros et presque autant au premier semestre 2010. Les autres banques ne sont pas dans un meilleur état. «Il reste une forte incertitude quant aux potentielles futures pertes des établissements irlandais, notamment sur leurs prêts hypothécaires», indiquait la semaine dernière l"agence Fitch, en termes suffisamment clairs pour montrer que la situation n'est guère maîtrisée.
L"état a été obligé d"intervenir massivement. L'ensemble de ces mesures a déséquilibré en profondeur les finances publiques irlandaises : le déficit du pays atteint 32 % du PIB. Une situation à l"islandaise, cachée par le fait que l"Irlande est dans la zone euro. Si les sommes annoncées par l'Europe pour aider l'Irlande se confirmaient -autour de 90 milliards d'euros- cela signifierait que l'aide à l'ex tigre celtique serait beaucoup plus important que celui accordé à la Grèce et ses 11 millions d'habitants.
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