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Luxleaks : les décisions de justice "méritent d'être clarifiées" en cassation, estime l'un des lanceurs d'alerte

Invité de franceinfo, Antoine Deltour, l'un des deux lanceurs d'alerte condamnés dans l'affaire Luxleaks, estime que les décisions de la justice luxembourgeoise "méritent d'être clarifiées" lors de l'audience devant la Cour de cassation prévue jeudi.

Article rédigé par franceinfo
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Antoine Deltour quitte la Cour d'appel du Luxembour, le 15 mars 2017.  (AURORE BELOT / AFP)

La justice luxembourgeoise, qui a condamné en première instance et en appel les deux lanceurs d'alerte de l'affaire Luxleaks. Invité de franceinfo mercredi 22 novembre, Antoine Deltour, l'un des deux lanceurs d'alerte condamnés, estime que ces décisions "méritent d'être clarifiées", jeudi, lors de l'audience devant la Cour de cassation du Luxembourg.

Avec Raphaël Halet, autre ex-employé du cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers, ils avaient été condamnés en appel le 15 mars à des peines réduites de six mois de prison avec sursis et à des amendes pour le vol de documents qui ont permis de révéler les pratiques d'optimisation fiscale de grandes multinationales au Luxembourg.

franceinfo : C'est pour vous une question de principe, voulez-vous que votre innocence soit reconnue ?

Antoine Deltour : Oui, la peine est devenue relativement symbolique : six mois avec sursis ne m'empêchent pas de mener une vie normale, donc c'est une question de principe. Pour que mon innocence soit reconnue, mais aussi parce que ma condamnation a été obtenue au prix d'une interprétation absolument inédite du cadre actuellement protecteur des lanceurs d'alertes - la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme - avec une interprétation nouvelle qui déforme la réalité des faits.

C'est-à-dire qu'on vous a reconnu le droit de lancer l'alerte, mais pas d'obtenir les documents ?

C'est ça. On m'a acquitté pour la violation du secret professionnel, on a reconnu que j'étais un lanceur d'alerte au moment où j'ai confié les documents à un journaliste, Édouard Perrin. Par contre, je suis condamné pour avoir soustrait ces mêmes documents. Il est reconnu que j'étais un lanceur d'alerte potentiel avant de copier les documents, que j'étais un lanceur d'alerte avéré quand je les confie au journaliste. Par contre, je suis un voleur intéressé au moment où je les copie. Il y a là quelque chose qui mérite d'être clarifié. 

Il y a un paradoxe très fort (...) On salue l'intérêt public des révélations mais on me condamne quand même. Comment aurait-il fallu faire ?

Antoine Deltour

à franceinfo

Si vous êtes acquitté, il y aura jurisprudence pour protéger les autres lanceurs d'alerte ?

Il y a déjà une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Elle n'est pas toujours appliquée par les tribunaux nationaux. Mais ce qui paraît dangereux, c'est que cette jurisprudence soit utilisée justement pour condamner des lanceurs d'alerte. Elle doit être précisée pour qu'on n'exige plus des lanceurs d'alerte un plan extrêmement précis comme le fait le Luxembourg. Les lanceurs d'alerte sont avant tout des citoyens et salariés ordinaires qui agissent avec leurs tripes, sans agir avec un plan extrêmement précis. Ça, ça n'existe pas, sauf peut-être Edward Snowden. En tout cas, les Paradise Papers montrent qu'il y a encore besoin de lanceurs d'alerte. Tant que cette économie mondialisée dysfonctionnera, il y aura besoin de personnes au coeur du système pour pointer du doigt ces dysfonctionnements. LuxLeaks avait soit-disant relancé le processus d'harmonisation fiscale en Europe. Pour l'instant, c'est dans les tuyaux mais il y a beaucoup d'inertie.

Luxleaks : "On salue l'intérêt public des révélations mais on me condamne quand même", s'étonne Antoine Deltour

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