: Témoignages "On a vraiment l'impression d'être prisonniers de cette pourriture" : la "détresse" des habitants d'une résidence insalubre à Bayonne
"Pourri !" Voilà comment Rudy Ortica qualifie l'état de son appartement du nord de Bayonne, où il vit depuis un peu plus d'un an. "J'ai des moisissures carrément sur le papier", se désole-t-il en désignant un mur. Ces problèmes d'humidité sont communs à plusieurs résidences, et depuis plusieurs mois, lui et son collectif interpellent le bailleur social sur cette situation de mal-logement.
70 ans après l'appel de l'Abbé Pierre, la fondation qui porte son nom dénonce encore des problèmes de mal-logement. Dans son 29ème rapport, publié jeudi 1er février l'association estime que plus d'un million de personnes subit "des conditions de vie très difficiles et bien souvent dangereuses pour leur santé et leur sécurité", à cause d'habitats indignes. La Fondation estime aussi que plus d'un quart des ménages français ont froid chez eux.
"Tous les murs sont imbibés d'eau"
Rudy et ses trois enfants sont souvent malades en raison de l'humidité, même s'il s'occupe avec soin de ses murs, aère et chauffe inlassablement son logement. Le père de famille désespère : "Chaque semaine, je suis obligé de nettoyer et repeindre. Mais la peinture ne sèche pas, ça revient tout le temps. C'est usant". Il s'avance dans la chambre où dorment ses enfants, "la pire", selon lui, car "tous les murs sont imbibés d'eau".
Parfois, j'en pleure, parce que je me dis que je ne m'en sortirai jamais. On a vraiment l'impression d'être prisonniers de cette pourriture.
Rudy Ortica, membre du collectif Alda Habasfranceinfo
Pour sortir de cette prison moisie, le collectif Alda Habas a rencontré chaque habitant de la résidence et a constaté que 137 logements étaient concernés par des problèmes d'humidité. 36 locataires ont décidé d'entamer des démarches, notamment Nathalie Ramos, membre du collectif. Sa salle de bain "est en train de se renoircir". Pourtant "je l'ai peinte il y a deux ans", affirme-t-elle. "Il va falloir que le la refasse, donc reponcer et repeindre."
Au-delà des impacts matériels, l'insalubrité de ces logements a aussi des conséquences sur la santé. "Des personnes se plaignent d'avoir des problèmes respiratoires", constate l'habitante. Et lorsqu'elle fait du porte à porte, Nathalie ne peut qu'entendre "la détresse des gens" : "Ils ont l'impression de ne pas être entendus puisqu'il n'y a pas de solutions apportées."
30 millions d'euros d'ici 2028
La semaine dernière, Nathalie et son collectif ont donc décidé d'occuper le siège du bailleur social, Habitat sud Atlantique (HSA), afin de rencontrer le directeur général, Lausséni Sangaré. Il a depuis promis un investissement d'1,5 millions d'euros, avant une réhabilitation complète d'ici quatre ans. "Dans notre plan de stratégie du patrimoine, il est prévu une enveloppe de 30 millions d'euros en 2028 pour intervenir sur cette résidence, bien avant l'intervention du collectif", assure le directeur. Il admet toutefois que le cap 2028 peut paraître lointain pour certains habitants.
Plus d'un million de logements sociaux ont fait l'objet d'une rénovation depuis le début des années 2000, selon la Fondation Abbé Pierre. L'association dénonce toutefois des délais qui se mesurent parfois en dizaine d'années pour les logements qui ne sont pas encore rénovés.
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