Il prendra en mars la direction exécutive du Crédit Agricole, a annoncé la banque mardi soir
La nomination du secrétaire général de la Fédération nationale du Crédit Agricole (FNCA) parachève la prise en main de la banque verte par les barons des caisses régionales.
Jean-Paul Chifflet, 60 ans, succédera à l'actuel DG Georges Pauget, 62 ans, qui souhaite partir le 1er mars 2010. Le patron de la banque René Caron, 67 ans, partira lui en mai.
La FNCA, organe de représentation des 39 caisses régionales de la banque, est l'actionnaire majoritaire de Crédit Agricole SA (CASA), l'organe coté du Crédit Agricole. Cette entité chapeaute notamment la banque de détail LCL, la grecque Emporiki et la banque de financement et d'investissement Calyon.
Le directeur général sortant Georges Pauget était sur la sellette depuis plusieurs mois. En juillet 2008, il avait menacé de démissionner, mais était finalement resté après que le conseil d'administration lui eut renouvelé sa confiance. Les caisses régionales lui ont fait grief d'une stratégie agressive à l'international et dans les activités de banque de financement et d'investissement (BFI), selon un analyste. " Le Crédit agricole", qui a "voulu rattraper ses concurrents", "a essuyé quelques revers", dit cette source.
L'établissement mutualiste a englouti des centaines de millions d'euros dans sa filiale grecque Emporiki, rachetée en 2006, tandis que sa banque de marché, Calyon, a subi de plein fouet la crise financière, accusant des pertes de 2,8 milliards d'euros au total sur 2007 et 2008. Les comptes sont désormais revenus dans le vert. Le groupe a annoncé mardi un bénéfice net de 289 millions d'euros, en baisse de 20% sur un an mais supérieur aux attentes.
Dès le printemps 2008, Georges Pauget avait annoncé une augmentation de capital, un recentrage de Calyon sur ses activités les moins risquées, un plan de rigueur et l'arrêt des acquisitions.
Ce sont les caisses régionales majoritaires au sein du conseil d'administration qui ont opéré ce virage stratégique, a indiqué à l'AFP Eric Lamarque, professeur à l'université de Bordeaux et spécialiste des banques mutualistes.
L'avènement de la nouvelle direction marque ainsi le retour au pouvoir des caisses régionales, mais il n'annonce pas pour autant de "grands changements", selon Joël Gérin, délégué syndical CFDT. "Il y aura peut-être de petits changements de cap, mais pas de séisme. Il y a une certaine continuité", prédit-il.
Le changement de direction vient en effet clarifier, sur le plan de la gouvernance, les orientations stratégiques déjà prises, selon un analyste. Le marché avait anticipé ce nouveau cap et depuis l'été, le titre a bien progressé. L'effet de rumeurs.
Jean-Paul Chifflet: bio-express
Agé de 60 ans, Jean-Paul Chifflet est un homme du sérail. Entré à la banque verte en 1973 comme animateur commercial, il est devenu en 2000 le directeur général de la Caisse régionale de Crédit Agricole Centre-Est (Lyon), la deuxième de France.
En 2006, il est élu secrétaire général de la Fédération nationale du Crédit Agricole (FNCA), et devient, avec le président Jean-Marie Sander, le patron des directeurs de caisses régionales.
Amateur de rugby, Jean-Paul Chifflet est un meneur d'hommes et "aime le travail d'équipe" selon Joël Plaideau, président du Syndicat national indépendant des agents du Crédit agricole mutuel (Sniacam). Il a "taclé" sans ménagement l'actuel directeur général Georges Pauget sur les dérives de la banque de financement et d'investissement, selon un observateur. A la FNCA, où il fait l'unanimité, le futur directeur général du Crédit Agricole a ainsi su convaincre les caisses d'apporter leur soutien plein et entier à l'augmentation de capital de 5,9 milliards réalisée en 2008.
Son entourage explique qu'"il est très attaché au développement du groupe dans les métiers de banque de proximité, qu'il connaît bien, en France et en Europe". Dès octobre 2008, il a déclaré dans un discours: "Il y a plus de 100 ans, la loi a fait des caisses régionales le coeur du Crédit Agricole. Toutes nos évolutions ont confirmé cette place, ce rôle et cette responsabilité." La feuille de route était tracée.
Ardéchois, père de deux enfants et amateur de Harley-Davidson, Jean-Paul Chifflet est un terrien attaché à sa région et cultive quelques arpents de vigne dans la Drôme.Comme les vignerons, il a "le sens du long terme et le goût du savoir-faire. Le gain à court terme, chez les paysans, on n'y croit pas", décrit un proche.
Fort de sa profonde connaissance du paysage bancaire français, l'homme devra maintenant décrypter les problèmatiques d'une banque internationale et cotée en bourse. Toutefois,il n'est pas novice en matière, en raison de son poste vice-président du conseil d'administration de CASA depuis janvier 2007.
"On peut avoir des racines profondes, et en même temps se projeter dans le futur", dit un proche. Jean-Paul Chifflet a lancé un ambitieux projet de restructuration du système informatique du groupe, visant à prendre en compte l'importance de plus en plus grande prise par internet dans la relation entre les clients et leur banque. Un projet de 400 millions d'euros qui aboutira à la suppression de mille postes d'informaticiens, sans licenciement.
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