"Dans les cliniques, ils sont mieux payés" : l’hôpital de Lens peine à recruter et va suspendre son Samu pendant dix jours
L'hôpital de Lens connaît une situation difficile cet été. Faute de médecins, le service du Samu sera à l'arrêt pendant une dizaine de jours.
Faute de candidats et de médecins titulaires, le service des urgences de l’hôpital de Lens dans le Pas-de-Calais se trouve dans une situation inextricable. Depuis des mois, les médecins, mais aussi les infirmiers et aides-soignants démissionnent à cause des conditions de travail trop difficiles. Depuis, l'hôpital manque de personnel et cet été la direction a dû faire une croix sur les urgences mobiles : les ambulances du Samu ne rouleront pas 10 jours.
Jusqu'à huit heures d'attente aux urgences
"C’est notre jour de chance aux urgences", lance Nina avec un sourire. "Apparemment, hier soir, c'était bondé", poursuit-elle. Cette patiente n’a attendu qu’une heure et demie pour qu’un médecin s’occupe d’elle. "On s'était dit 'bon, on va peut-être attendre quatre à six heures'. J'avais pris une bouteille d'eau, on ne sait jamais". Le problème, tous les habitants de la région le savent, c’est qu’aux urgences de Lens, on attend parfois huit heures parce qu’il n’y a plus de médecins ou presque.
Le personnel a démissionné en cascade ces derniers mois. Sur une équipe de 20, ils ne sont plus que sept.
"J'ai déjà vu des médecins pleurer et sortir dans le garage du Smur pour verser une larme, il y a trop de boulot.
Jean-Claude, un infirmierà franceinfo
"Il y a énormément de responsabilités la nuit avec beaucoup de patients à voir, explique Jean-Claude, infirmier à l'hôpital de Lens. Ces médecins sont partis dans d'autres établissements, voire dans le privé. Nous aussi, pour le paramédical, il faut courir dans tous les sens. Il y a aussi des infirmiers et des aides-soignants qui sont déjà partis". Lui-même a déjà songé à quitter l'hôpital. "Je cherche encore. Ça m'arrive de me promener un peu sur internet et de regarder les propositions d'emplois à droite à gauche". Jean-Claude se dit que "possiblement", ça sera mieux ailleurs, ou "moins pire".
Les camions du Samu resteront au garage
La conséquence de ces démissions et de ces trous dans le planning va se faire ressentir pour le Samu. Pour faire tourner les urgences, la direction de l’hôpital a dû sacrifier le service d’ambulance. Cet été, la sirène se fera de plus en plus rare car le service sera à l’arrêt une dizaine de jours jusqu’à fin août.
Ça veut dire concrètement que si vous avez un arrêt cardiaque en face de l'hôpital, auparavant on mettait une minute pour arriver avec le Smur de Lens. Là, on fera appel à un Smur extérieur qui est à une petite demi-heure de chez nous.
Jean Létoquartà franceinfo
Selon Jean Létoquart, infirmier anesthésiste et délégué syndical CGT, "c'est une perte de chance manifeste pour le malade qui fait son arrêt cardiaque en face de l'hôpital."
Si les Smur commencent à disparaître ici ou ailleurs, ça veut dire concrètement qu'il faut que les gens apprennent à mourir en silence parce qu'il n'y aura plus personne pour aller sur place pour les sauver.
Jean Létoquart, infirmier-anesthésisteà franceinfo
La ministre de la Santé a bien débloqué 15 millions d’euros pour que les services d’urgence puissent embaucher cet été partout en France. Mais le problème, c’est qu’à Lens, la direction ne trouve personne. Il n'y a aucun candidat selon David Dubois, délégué CGT. "Dans les cliniques, les conditions sont meilleures et ils sont mieux payés donc il est normal que ça attire plus, c'est tout à fait humain. On ne peut pas les blâmer !" La direction de l’hôpital reconnaît des conditions de travail "inacceptables" et dit chercher à les améliorer.
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