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Pacte de responsabilité : Hollande peut-il réussir son pari ?

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
François Hollande, le 14 janvier 2014, lors de sa conférence de presse à l'Elysée, à Paris. (ALAIN JOCARD / AFP)

Les discussion autour du pacte de responsabilité comment à Matignon. Francetv info détaille les enjeux de ce pari.

Le pacte de responsabilité, c'est parti. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, lance, lundi 27 janvier, le nouveau chantier du gouvernement, en recevant, à Matignon, les organisations patronales et les syndicats. Le principe du deal avec les entreprises est connu : "moins de charges sur le travail et moins de contraintes sur les activités" contre "plus d'embauches et plus de dialogue social"Mais les syndicats s'inquiètent et exigent des entreprises de claires contreparties à la baisse annoncée du coût du travail. 

Francetv info vous explique le plan de François Hollande et les obstacles qui l'attendent.

Ce qu'il offre aux entreprises

Un coup de pouce... "La priorité, c'est une baisse des coûts pesant sur les entreprises", avait prévenu Philippe Varin, patron de PSA et président du Cercle de l'industrie, le 13 janvier, dans Le Figaro (pour abonnés). Message reçu : François Hollande a annoncé, le lendemain, lors de sa conférence de presse, la "fin des cotisations familiales" versées par les sociétés, soit 30 milliards d'euros en moins par an, d'ici 2017. Ce montant inclut le crédit impôt compétitivité emploi (Cice), issu du pacte de compétitivité de novembre 2012. Précisément, les entreprises devront décider, à partir de 2016, si elles souhaitent ajouter à ce crédit d'impôt, d'un montant total de 20 milliards, une baisse des charges supplémentaires, de l'ordre de 10 milliards, ou mixer les deux dispositifs en une baisse générale de charges de 30 milliards. 

A cette baisse des charges s'ajoutent une meilleure "visibilité" fiscale pour les entreprises, pour éviter des changements incessants, et une "simplification" des procédures, afin de "réduire le nombre de normes".

... aux effets incertains. Le coup de pouce de François Hollande aux entreprises vise, selon lui, à "régler le principal problème de la France : sa production". Plutôt que sur la consommation des ménages, "c'est sur l'offre qu'il faut agir", car "l'offre crée la demande". Vraiment ? Eric Heyer, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l'OFCE, affirme à francetv info que "ce raisonnement est loin d'être assuré""La principale contrainte des entreprises est la demande, le carnet de commandes, soutient l'économiste. Les entreprises sont dans une mauvaise situation financière. Elles risquent donc de profiter de cette mesure pour simplement améliorer leurs marges, sans chercher à relancer la demande par des gains de compétitivité." 

Ce qu'il attend des entreprises

Des contreparties... Les patrons étaient prévenus : ce sera du donnant-donnant. Avec plaisir, avait presque répondu le président du Medef, Pierre Gattaz, le 4 janvier, dans Le Monde. Celui-ci se disait "prêt à jouer le jeu du pacte de responsabilté". François Hollande a confirmé, le 14 janvier, l'existence de "contreparties", qui devront "être définies au niveau national, et déclinées par branches professionnelles".

Le chef de l'Etat réclame des "objectifs chiffrés" d'embauches, d'insertion des jeunes, ou encore de travail des seniors, sur lesquels veillera un observatoire des contreparties, créé pour l'occasion.

... qui restent très vagues. Lors de sa conférence de presse, le chef de l'Etat s'est montré bien moins bavard sur ces contreparties que sur les mesures en faveur des entreprises. Aucun chiffre n'a été donné. Au grand dam de la sénatrice de l'aile gauche du PS, Marie-Noëlle Lienemann, qui redoutait un "jeu de dupes" et réclamait des "précisions" sur les contreparties. 

"Ma méthode, c'est la négociation", s'est justifié le chef de l'Etat. Il a annoncé un "calendrier particulièrement dense et serré" jusqu'à la grande conférence sociale du printemps où "un document formalisera les engagements et les modalités de suivi des contreparties". Le président semble vouloir livrer les clés du pacte au patronat, qui est "prêt à s'engager", tandis que les syndicats sont déjà cantonnés au rôle de "juges" qui "pourront participer à ces discussions".

Comment il compte financer ce pacte

En réalisant des économies... François Hollande s'est montré ferme : le pacte de responsabilité ne sera pas financé par une hausse d'impôts des ménages, "qui ne le supporteraient pas". Dès lors, la réduction des dépenses publiques apparaît comme la seule solution pour assurer la réussite du pacte. Le chef de l'Etat a annoncé une "nouvelle méthode". Plutôt que de procéder à des "coupes budgétaires aveugles" ici ou là, il a proposé des "réformes structurelles", pour "redéfinir les principales missions de l'Etat" et "revoir nos mécanismes de redistribution".

Objectif : au moins 50 milliards d'économies d'ici à la fin du quinquennat, soit 18 milliards en 2015 (contre 15 milliards en 2014), 18 milliards en 2016 et 17 milliards en 2017. "Cela n'a jamais été fait", a reconnu le chef de l'Etat, qui confiera cette mission à un conseil stratégique de la dépense.

... difficilement atteignables. "De telles économies pendant quatre années seraient de l'ordre de l'inédit, du jamais vu", confirme à francetv info l'économiste Eric Heyer, qui juge le challenge "possible, à condition de jouer un peu sur les chiffres". Il prévient toutefois que "cela va avoir des effets récessifs sur la croissance économique", et que Bruxelles va "tiquer" en réalisant que les 10 milliards supplémentaires offerts aux entreprises ne sont "pas encore financés".

Même si le pacte de responsabilité réussit à être ficelé, rien n'assure à François Hollande le soutien de sa majorité au Parlement, qui réfléchira à deux fois avant de tailler dans les redistributions. Le projet sera soumis au vote à l'automne, et la démission du gouvernement sera mise dans la balance. Assumant désormais sa posture "social-démocrate", voire social-libérale, le chef de l'Etat pourra peut-être s'appuyer sur les parlementaires de droite, comme l'a suggéré, avec malice, le patron des PME françaises, Jean-François Roubaud.

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