Entreprise : exprimer sa colère au travail n'est pas un atout pour obtenir un meilleur statut, affirme une étude

Une enquête américano-israélienne montre que si les travailleurs qui expriment leur colère sont parfois considérés comme puissants, ils sont systématiquement perçus comme moins compétents.
Article rédigé par Valentine Joubin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une enquête américano-israélienne montre que si les travailleurs, hommes et femmes, qui expriment leur colère, sont parfois considérés comme puissants, ils sont systématiquement perçus comme moins compétents. (LJUBAPHOTO / E+)

"Que se passe-t-il lorsque vous exprimez de la colère au travail ?", interroge les deux chercheuses Roni Porat et Elisabeth Levy Paluck en introduction de leur étude publiée le 13 février 2024 dans la revue frontiers. Contrairement à ce qu'ont montré de précédentes recherches, rappellent-elles, les personnes qui manifestent leur colère dans l'univers professionnel ne sont pas jugées plus compétentes ou plus légitimes à obtenir un statut élevé. Cette enquête, fruit d'une collaboration entre l'Université hébraïque de Jérusalem et l'Université de Princeton, aux États-Unis, montre même que ce sentiment est généralement perçu comme nuisible.

L'enquête, à laquelle 3 851 personnes ont participé, s'est déroulée en quatre phases. Dans chacune, il fallait réagir à différents scénarios mettant en scène la violation d'une norme au travail. Par exemple : un collègue ouvre son ordinateur lors d'une réunion, alors que c'est interdit. Les chercheurs ont ensuite modelé le contexte et l'attitude des personnages (colère, tristesse, émotion contenue ou absence d'émotion) et demandé aux participants d'évaluer chaque type de réaction.

Une attitude "contre-productive"

Concrètement, les chercheurs leur ont demandé d'indiquer le degré de statut, de pouvoir, d'indépendance et de respect que méritait selon eux un travailleur exprimant tel type d'émotion dans l'entreprise. Les participants devaient aussi déterminer le salaire annuel qu'ils verseraient au salarié exprimant ce sentiment.

Premier constat des chercheuses : les participants ont eu tendance à supposer que les personnes qui expriment leur colère jouissent d'un meilleur statut (c'est ce qu'on appelle le statut induit) dans le milieu professionnel que ceux qui n'expriment pas ce sentiment. Ce que confirment de précédentes études sur le sujet. En revanche, et contrairement au consensus scientifique actuel, précisent les deux scientifiques, les personnes interrogées "pensaient que les protagonistes en colère méritaient moins de statut que ceux exprimant de la tristesse ou sans émotion". Ils ont jugé l'attitude colérique comme "inappropriée, froide, une réaction excessive et contre-productive pour les objectifs du lieu de travail".

La tristesse associée à la chaleur humaine, la colère des femmes pas moins bien perçue

Les résultats des deux chercheuses montrent aussi que la colère est considérée comme une absence de "maîtrise de soi" mais pas la tristesse. Se montrer triste au travail est aussi associé à davantage de chaleur humaine et de compétence. Roni Porat et Elisabeth Levy Paluck ont identifié un seul type de situation où la colère est vue comme positive : "Lorsqu'elle est exprimée en réponse à un acte répréhensible manifeste d'une autre personne".

La colère est-elle perçue différemment si c'est un homme ou une femme qui l'exprime ? Pour répondre à cette question, les deux universitaires ont "fait varier expérimentalement le sexe des travailleurs", explique Roni Porat dans la synthèse de l'étude. "C'est important compte tenu de certains travaux démontrant que les femmes sont pénalisées pour avoir exprimé leur colère alors que les hommes sont récompensés". "Malgré des études influentes dans ce domaine, poursuit-elle, nous n'avons pas constaté que la colère des femmes est perçue différemment de celle des hommes".

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