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Vrai ou faux Energie : le bouclier tarifaire va-t-il éviter une hausse de 120% du prix de l'électricité en 2023, comme l'affirme l'exécutif ?

Ce chiffre avancé par Emmanuel Macron et Elisabeth Borne est surestimé, selon les experts de l'énergie interrogés par franceinfo. Et les données nécessaires au calcul de l'impact du bouclier tarifaire pour l'année prochaine ne sont pas encore disponibles.

Article rédigé par Quang Pham
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Le gouvernement a mis en place en février 2022 un bouclier tarifaire pour limiter la hausse des prix de l'électricité. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Le bouclier tarifaire est-il l'arme miracle contre la flambée des cours de l'électricité ? À l'occasion de l'inauguration du parc éolien en mer de Saint-Nazaire, jeudi 22 septembre, Emmanuel Macron est revenu sur la stratégie du gouvernement pour endiguer la hausse des tarifs de l'énergie : "Les prix sont devenus fous (...) cette situation, nous y avons répondu avec un bouclier tarifaire." Sans bouclier, "c'est 120% d'augmentation qu'on aurait" en 2023, a affirmé le président de la République, contre 15% d'inflation avec ce système. Franceinfo a vérifié cette estimation.

Afin de comprendre comment l'exécutif est arrivé à ce chiffre, il faut se plonger dans le calcul du tarif réglementé de l'électricité en France. Défini par les pouvoirs publics et proposé par les opérateurs historiques comme EDF, ce tarif réglementé est en partie lié aux variations des prix du marché de l'électricité. Une contrainte imposée par la loi pour la Nouvelle organisation du marché de l'électricité (Nome) dans le cadre de l'ouverture complète à la concurrence d'EDF.

Pour compenser l'avantage que lui procure son parc nucléaire, la loi Nome astreint l'électricien public à refléter dans ses tarifs les coûts d'approvisionnement supportés par ses concurrents, quand ces derniers se fournissent sur le marché de gros de l'électricité. L'objectif étant de permettre aux rivaux d'EDF de proposer des prix compétitifs. En clair, pour ne pas pénaliser la concurrence, si les tarifs des opérateurs alternatifs augmentent en raison d'une hausse du prix de l'énergie sur le marché de l'électricité, EDF doit également relever son tarif réglementé.

Le gouvernement "charge un peu la barque"

En période de crise énergétique, cette sensibilité du tarif réglementé aux évolutions du marché peut faire bondir les prix de manière vertigineuse. Selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), compte tenu de la hausse du prix de gros de l'électricité, le tarif réglementé aurait dû augmenter de plus de 35% le 1er février 2022 s'il n'avait pas été couvert par le premier bouclier tarifaire instauré par le gouvernement, qui a limité l'augmentation à 4%.

La protection conférée par le bouclier tarifaire serait donc encore plus importante en 2023, selon le gouvernement. "Sans action du gouvernement, les tarifs (…) de l'électricité pour les ménages seraient multipliés par 2,2 au début de l'année prochaine", estimait Elisabeth Borne lors d'une conférence de presse, le 14 septembre. "15%" [de hausse] au lieu de 120%, c'est l'engagement que nous prenons", ajoutait à cette occasion la Première ministre. Le bouclier de 2023, assure la locataire de Matignon, permettra aux Français d'économiser "180 euros par mois" sur leur facture d'électricité.

Le gouvernement "charge un peu la barque", estime Jacques Percebois, directeur du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie (Creden). L'économiste considère que sans bouclier, la hausse du tarif réglementé s'élèverait plutôt à 63%. Interrogé par TF1, Nicolas Goldberg, consultant chez Columbus Consulting, situe cette hausse entre 70 et 80%.

Un calcul "purement théorique"

Comment expliquer cet écart avec les chiffres avancés par l'exécutif ? Le calcul de Matignon "est purement théorique", selon Jacques Percebois, car la Commission de régulation de l'énergie, qui détermine les tarifs réglementés "va attendre fin décembre pour faire son calcul". Et pour cause, le tarif réglementé est calculé à partir de deux données différentes. D'un côté, la moyenne sur 24 mois des "prix spot", établis chaque jour par les Bourses sur le marché de l'électricité. De l'autre, les prix à terme, c'est-à-dire le prix anticipé de l'électricité pour une période future, durant les deux derniers mois de l'année. "Or, les données de septembre à décembre ne sont pas encore connues", pointe le spécialiste de l'énergie.

Pour son calcul, le gouvernement a dû anticiper un prix de gros "vraiment énorme", affirme Jacques Percebois. Ce prix dépasserait les 500 euros par mégawattheure. Un niveau équivalent au prix à terme de l'électricité pour l'année 2023 observé pendant la deuxième semaine de septembre 2022. Or, ce chiffre ne prend pas en compte la moyenne lissée des "prix spot" sur deux ans, forcément plus basse, comme le prévoit la CRE pour déterminer le tarif réglementé.

L'estimation donnée par le gouvernement apparaît d'autant plus hasardeuse que les règles de calcul du tarif réglementé de 2023 ne sont pas complètement arrêtées. La proportion du prix de l'électricité soumis au marché n'est pas encore connue pour le tarif de 2023, prévient Aurian de Maupeou, cofondateur de Selectra, un comparateur d'offres en énergie. La CRE a également lancé, vendredi 23 septembre, une consultation publique visant à revoir "la méthode de construction des tarifs réglementés de vente d'électricité". Sollicitée par franceinfo, la CRE affirme qu'elle ne peut "pas commenter les chiffres du gouvernement", car ils ne sont pas liés à ceux de l'agence de régulation de l'énergie. De son côté, Matignon n'a pas répondu à nos demandes d'informations sur sa méthodologie.

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