Reconversion professionnelle : comment débuter et s'épanouir dans son nouveau métier
Après le bilan de compétences ou le coaching, la formation ou l'aide à la création d'entreprise vient le temps d'expérimenter sa nouvelle vie professionnelle. Et d'y rester, ou pas.
Ils ont passé nombre d'étapes, franchi les obstacles. Les candidats à la reconversion professionnelle arrivent généralement sur le marché de l'emploi forts de leur motivation. Après un bilan de compétences et/ou un coaching, le suivi d'une formation, financée ou non, une période de chômage et parfois la création d'une entreprise, la recherche d'un travail ou l'installation dans la nouvelle activité apparaissent comme un aboutissement. Mais cette étape n'est pas des moindres. Et contrairement aux précédentes, elle n'est pas toujours très bien accompagnée dans le cadre de la formation professionnelle, dont la réforme a été présentée en Conseil des ministres mercredi 22 janvier. Retour sur expériences.
Se refaire une image sur le marché de l'emploi
Oublier le CV par compétences. Aurélie Delaunay, consultante en ressources humaines, elle-même reconvertie, est formelle : "Les recruteurs détestent les CV par compétences. Car il leur faut plus de deux minutes pour les lire." Certains reconvertis sont pourtant tentés d'oublier la version antichronologique pour masquer le fait qu'ils n'ont pas ou peu d'expérience dans le nouveau domaine convoité. Comme l'explique sur son site Pierre Denier, coach en projets professionnels, rappeler en une ou deux phrases ses compétences en haut du CV peut être un compromis. Ensuite, il faut dérouler son expérience en plaçant tout de même en premier sa nouvelle qualification et l'éventuel stage qui a été réalisé dans ce cadre. Outre le site de Pierre Denier, le blog id-carrières donne tout un tas de conseils pour rédiger un bon CV.
Les CVthèques en ligne sont aussi incontournables aujourd'hui, mais souvent trop formatées pour un parcours atypique. Le blog Miseàjour(nalisme) a toutefois repéré les plus innovantes d'entre elles.
Soigner sa lettre de motivation. Cela peut paraître désuet à l'heure actuelle, mais la lettre de motivation est toujours de rigueur lorsque l'on postule à un emploi, d'autant plus dans le cadre d'une reconversion. "On lit le CV et si on a un doute, on lit la lettre de motivation", explique Aurélie Delaunay, qui conseille de la mettre en pièce jointe et d'en faire une version courte dans le corps du mail. Marie, ancienne conseillère sondages à Matignon, a écrit une à deux lettres de motivation par soir pendant six mois avant de trouver un job dans une fondation pour l'enfance. Là encore, vous trouverez pléthore de conseils sur internet pour rédiger une bonne lettre de motivation, comme ici, là ou encore là. Pôle emploi ou l'Apec (pour les cadres) proposent aussi des ateliers gratuits sur ce thème.
Lancer une opération réseaux (sociaux). "Le réflexe d'un DRH, c’est de googleliser un candidat. Alors autant que son profil internet soit une force, pas une faiblesse", prévient Aurélie Delaunay. Compte Twitter, profil Viadeo ou LinkedIn... la présence sur les réseaux sociaux généraux ou professionnels est une "vraie compétence supplémentaire". D'autant qu'ils permettent de rentrer en contact avec des professionnels en poste dans le secteur de reconversion. Un candidat recommandé a beaucoup plus de chances d'être convoqué à un entretien qu'une personne passée par la voie classique. "On peut suivre quelqu'un sur Twitter par exemple et lui répondre sur un sujet, pour engager la conversation. De fil en aiguille, cela peut déboucher sur quelque chose", remarque Aurélie Delaunay, qui recommande d'utiliser les hashtags (mots-clé) pour trouver les bonnes personnes à suivre.
Le réseau "humain" compte aussi, bien sûr : "Il faut poser des questions à droite à gauche autour de soi, pour avoir une réalité du secteur, des salaires", suggère Marie. Repérez également les rendez-vous collectifs dans le secteur visé, tels que les master class, les apéros professionnels, les conférences. "Cela peut être intéressant aussi d'aller dans les centres de formation pour rencontrer d'anciens élèves, souligne Isabelle Bertrand, consultante Apec à Dijon. Il faut oser se mettre en contact, être proactif et aller chercher l'information."
Garder un filet de sécurité
Prendre une disponibilité ou un congé sans solde. Cette option est souvent privilégiée par les fonctionnaires ou les salariés de la fonction publique. Fabrice, journaliste scientifique au CNRS, a posé une disponibilité pour pouvoir entamer son CAP de chocolatier et chercher ensuite du travail dans ce secteur. Même s'il est "inenvisageable" pour lui de revenir à son ancien poste, il concède que c'est un filet de sécurité. François-Xavier, un archéologue de 38 ans qui vient de reprendre un restaurant à Paris dans le 14e, a opté pour un congé sans solde. "C'est un an renouvelable cinq fois", précise-t-il.
Relativiser la difficulté ou l'échec
Accepter de gagner moins en travaillant plus. C'est l'une des réalités de la reconversion : les revenus diminuent et les horaires de travail augmentent. "Dans tous les cas, on gagne des choses mais on en perd aussi", constate Marie, dont le salaire a baissé de 5%. L'écart est beaucoup plus important pour Alexandre, dont les revenus de cadre commercial ont été divisés par trois lorsqu'il a pris son poste d'enseignant à mi-temps dans un collège parisien, en attendant de passer les oraux du concours. "C'est moins douloureux pour moi étant donné que je l'ai choisi", assure-t-il.
"La baisse de revenus, c'est un choix", confirme Vincent, qui gagnait très bien sa vie en tant que DRH à Paris. L'ouverture de son "foodtruck"à Aix-en-Provence en juin 2012 ne lui permet toujours pas de se payer. "Je bosse jour et nuit. On a beau s'y préparer, c'est dur. Dès fois, cela me pèse beaucoup. Je me dis que j'ai pété un plomb", reconnaît-il. Pour autant, il reste optimiste sur la rentabilité de sa petite entreprise à court terme.
Envisager un retour dans son ancien métier ? Cyril ne l'envisage pas pour autant, car il "ne regrette absolument pas [son] ancien poste". Pas plus qu'Alexandre, qui apprécie de transmettre sa passion pour l'histoire à des élèves : "Ça fait du bien de partir au travail avec la banane." Le trentenaire avait toutefois pris soin de bien préparer sa transition, en préférant passer le concours dans le privé, pour éviter le grand écart avec son ancien milieu professionnel et garder une certaine flexibilité. "Cela m'a permis d'enseigner à Paris, ce qui n'aurait pas été possible dans le public."
Tous les experts sont formels : une bonne préparation est l'une des clés de la réussite d'une reconversion professionnelle. "Ce projet de foodtruck, je l'ai mûri pendant des années", indique Vincent. C'est pourquoi, de l'avis d'Aurélie Delaunay, les reconvertis ne reviennent jamais en arrière car ils sont passés par un point de rupture. Emmanuel, gérant d'un restaurant après trente ans de carrière dans la production de films, ne regrette pas son ancienne vie : "Je plains ceux qui sont au sommet de leur carrière à 50 ans, qui sont en salle d'embarquement à Orly à 5 heures, en conférence téléphonique à midi, qui reçoivent des mails le dimanche."
Vincent nuance : "Je n'exclus pas de revenir un jour dans les ressources humaines, car j'aimais aussi ce métier. Mais j'aurais eu la satisfaction de créer quelque chose. Ce foodtruck, c'est mon modèle, mon concept." Et de conclure : "Il n'y aura jamais de regrets à 60 ans de ne pas avoir tenté."
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