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Faire face au chômage en famille

Le chômage peut fragiliser le couple et la famille. Comprendre quelles en sont les incidences peut vous aider à mieux réagir. Décryptage avec Ginette Lespine, psychologue et thérapeute du couple et de la famille.
Article rédigé par Francetv Emploi
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Publié Mis à jour
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Avant d'impacter la famille, le chômage engendre surtout un bouleversement individuel ?Ginette Lespine : La perte d'emploi engendre une perte de soi, d'après la sociologue Danièle Linhart*. Mais aujourd'hui, il est plus facile d'en parler et de dire ouvertement que l'on est au chômage.Les conséquences psychiques du chômage sont reconnues, ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques années. De plus, il y a des paramètres extérieurs - politiques, économiques - que l'on ne maîtrise pas. On n'est plus seul au chômage, la responsabilité et la culpabilité individuelles s'en trouvent atténuées. Mais pas totalement.Se retrouver au chômage entraîne une remise en question : "Qu'est-ce qui n'a pas été ? Qu'est ce que je veux faire ? Quels sont mes désirs ?" etc. Cela provoque insécurité, angoisse, colère, déprime. Mais chacun réagit en fonction de ses propres antécédents et du degré de confiance en soi qu'il possède.Quelle incidence le chômage du conjoint a-t-il sur la famille ?G. L. : Tout dépend de qui a perdu son emploi. L'homme a le sentiment de devoir prendre en charge la famille, c'est plus compliqué pour lui. Alors que pour la femme, il y a toujours eu cette idée qu'elle pouvait reprendre sa "place" de mère / femme au foyer. La femme est en général moins déstabilisée que l'homme. Dans les familles où c'est la femme qui "tient les rênes", le fait qu'elle perde son travail peut remettre en cause le fonctionnement choisi.L'incidence du chômage sur la famille dépend de nombreux paramètres. Soit il accentue les dysfonctionnements existants, soit il rapproche et solidifie la structure familiale ("on va faire face ensemble"). S'il existe un contentieux au sein du couple, le conjoint qui se sent lésé peut saisir l'occasion d'enfoncer son conjoint au chômage ("tu n'es pas capable, j'étais sûr(e) que cela arriverait").Le chômage induit en quelque sorte une rupture du contrat de mariage "si tu ne fais rien pour retrouver un emploi, ça te dévalorise, donc ça me dévalorise aussi ; tu ne fais pas ta part concernant les finances de la famille".Mais le conjoint peut également exprimer sa confiance : "je sais que tu vas y arriver, tu vas t'en sortir". Tout dépend des relations que l'on entretenait avant dans le couple. Le chômage modifie la relation du couple car il induit de vivre autrement qu'à l'accoutumée.La capacité d'adaptation du couple est mise en jeu : "Est-ce que tu m'aimes pour moi-même et non pas pour la sécurité que je t'apporte" par exemple.Comment soutenir son conjoint qui est au chômage ?G. L. : Il faut être attentif et dans l'écoute. Cela suppose de parler, de se parler. Il est important d'écouter son conjoint mais ne le laissez pas s'engluer dans cette plainte. Autrement, il devient une victime.Valorisez les qualités de votre conjoint au chômage, cherchez ensemble des solutions sans pour autant lui imposer votre point de vue. "Tu as toujours eu envie de? (créer ton entreprise, te reconvertir etc), vas-y, tu es capable de le faire".Parfois le conjoint n'est pas forcément la bonne personne pour obtenir du soutien. Il est préférable de consulter une tierce personne, comme un psychologue ou d'intégrer un groupe avec d'autres personnes dans la même situation. Idéal pour se motiver et avoir envie de se prendre en main pour se construire autrement.Quel soutien peut-on attendre des proches ?G. L. : La personne au chômage peut être cataloguée par ses proches et s'en retrouver ainsi rejetée et tomber dans l'isolement. Aujourd'hui, la perte d'emploi peut concerner tout le monde. A l'inverse, cette situation peut donner envie à l'entourage d'être solidaire. Les proches donnent alors un coup de main en effectuant des démarches, recherchant des informations, activant leur réseau par exemple.Il ne s'agit pas de faire les choses à la place de la personne au chômage, mais de l'amener à faire quelque chose et à se bouger. De passive, elle devient active, elle se mobilise.Le chômage ébranle également l'autorité et l'image parentale ?G. L. : Certains n'osent pas en parler à leurs enfants de peur de voir leur statut de parents et l'autorité qui en émane, mis à mal. Fragilisés par le chômage, ils redoutent de donner une mauvaise image d'eux-mêmes. En avouant leur faiblesse, ils perdent leur statut de parent tout puissant. Mais cela favorise un questionnement qui peut être bénéfique à la fois aux parents et aux enfants. Ces derniers comprennent que les parents ne sont pas tous puissants et que leur propre toute puissance ne va pas durer dans le temps.Il faut donc en parler à ses enfants ?G. L. : Les enfants sentent bien qu'il se passe quelque chose, ils voient que la situation est tendue entre papa et maman par exemple. Ils peuvent rapidement s'imaginer des choses bien pires que la réalité et peut-être culpabiliser de s'en sentir la cause. Il faut donc leur en parler.Mais parler ne signifie pas tout dire. Evitez de vous épancher, de pleurer sur votre sort devant vos enfants. Vous devez conserver votre statut d'adulte et de parent : votre rôle est de rassurer, protéger et de guider. Il ne faut pas que l'enfant devienne le parent."En ce moment il se passe quelque chose de difficile, la société est difficile, mais nous allons avec ta maman / ton papa faire en sorte que cela ne dure pas." Les enfants sont capables de comprendre, ce dès l'âge de 4-5 ans. Bien sûr, on ne leur dit pas la même chose qu'à un enfant de 12 ans. Réfléchissez à ce que vous allez leur dire, faites attention aux mots que vous employez. En leur parlant, vous transmettez aussi des valeurs. C'est l'occasion de parler et d'échanger avec eux, puisque vous avez du temps.* Perte d'emploi, perte de soi, éditions Erès.

Rédigé par Odile GnanaprégassamePublié le 05/03/2012 

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