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Pouvoir d'achat : sept questions sur le dégel annoncé du point d'indice des fonctionnaires

A trois jours d'une manifestation interprofessionnelle, la ministre de la Fonction publique a assuré que la valeur du point d'indice serait dégelée "avant l'été", après plusieurs années de blocage. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Une pancarte réclame le dégel du point d'indice, lors de la manifestation interprofessionnelle du 27 janvier 2022 à Paris. (ANNA MARGUERITAT / HANS LUCAS / AFP)

Le gouvernement l'assure, par la voix de sa ministre de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, "ce n'est pas une mesure électoraliste". A moins d'un mois du premier tour de l'élection présidentielle et quelques jours avant une mobilisation interprofessionnelle, son cabinet a annoncé, lundi 14 mars, que le point d'indice servant à calculer le traitement de millions d'agents publics serait revalorisé d'ici à l'été. L'inflation n'a jamais été "aussi forte depuis 1991", a justifié la ministre. "Notre responsabilité est de nous assurer que nous ne laissons pas le pouvoir d'achat des agents publics décrocher, en particulier par rapport aux salariés du privé." Franceinfo revient, en questions, sur cette annonce. 

1Qu'est-ce que le point d'indice des fonctionnaires ?

Le point d'indice est le dénominateur commun de la rémunération des 5,7 millions d'agents publics, répartis dans les trois fonctions publiques (Etat, hospitalière et territoriale). Depuis le 1er février 2017, sa valeur s'élève à exactement 4,68602 euros.

La méthode de calcul des salaires bruts est commune aux fonctionnaires et aux contractuels, explique le site de la fonction publique. Il faut multiplier "la valeur du point d'indice par l'indice majoré propre à chaque fonctionnaire". Ce dernier est défini en fonction de "son échelon, son grade, son cadre d'emploi et son ancienneté"

>> Pouvoir d'achat : combien gagnent réellement les fonctionnaires ?

"Le système du point d'indice assure une rationalisation et une comparabilité des rémunérations des agents publics", défend Prune Helfter-Noah, porte-parole du collectif d'agents publics Nos services publics, auprès de l'AFP. Or, "quand on gèle le point d'indice et que l'inflation repart à la hausse" comme ces derniers mois, "cela se traduit par une perte de pouvoir d'achat", explique-t-elle.

2Depuis quand ce point d'indice est-il gelé ?

Le point d'indice est gelé depuis l'élection d'Emmanuel Macron. La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques avait d'ailleurs écarté en décembre tout dégel d'ici à la fin du quinquennat. Selon les données du ministère de la Fonction publique, les deux dernières légères augmentations (0,6%) du point d'indice étaient intervenues sous la présidence de François Hollande. La toute dernière est survenue le 1er février 2017, à quelques semaines de la précédente élection présidentielle.

Auparavant, les dégels étaient fréquents et servaient toujours à majorer la base de calcul, jamais à la dévaluer. Sous la présidence Chirac, la valeur du point d'indice a ainsi augmenté 19 fois entre 1995 et 2007, pour une augmentation totale de 10,69%. La première partie du mandat de Nicolas Sarkozy a elle aussi été marquée par cinq augmentations successives, nettement plus discrètes. La valeur du point a augmenté de 1,61% entre 2007 et 2010, avant d'être gelée.

3Qu'a annoncé le gouvernement ?

Le cabinet d'Amélie de Montchalin a déclaré que le point d'indice allait être dégelé "avant l'été", pour la première fois depuis février 2017. Ce changement interviendra nécessairement après l'élection présidentielle ; il est donc conditionné à la réélection d'Emmanuel Macron, candidat à un second mandat. 

Selon le gouvernement, cette décision est motivée par la forte inflation. Une première estimation de l'Insee rapporte que l'indice des prix à la consommation a bondi de 3,6% au mois de février sur un an, alimenté par une flambée des prix de l'énergie aggravée par la guerre en Ukraine. La Banque de France a de son côté anticipé une progression de 3,7% à 4,4% de l'indice des prix à la consommation harmonisé en 2022.

Pour "protéger le pouvoir d'achat des fonctionnaires" et contractuels, le gouvernement a aussi choisi d'agir sur l'indemnité kilométrique perçue par les agents qui utilisent leur véhicule personnel dans le cadre de leurs fonctions. "Nous allons l'augmenter, comme pour les salariés du privé, d'au moins 10%", a précisé la ministre au Parisien (article réservé aux abonnés), et "cette mesure sera effective dans les prochains jours."

4De combien vont augmenter les salaires des fonctionnaires ?

Pour le moment, l'augmentation du point n'a pas été précisée. Les négociations commenceront dans les prochains jours, a dit le ministère, avec "tous les acteurs, tous les financeurs et tous les employeurs". Impossible donc de savoir l'ampleur de l'augmentation des salaires des fonctionnaires et contractuels. En parallèle, "le système de rémunération des agents publics dans son ensemble devra être revu", a annoncé Amélie de Montchalin

Une première évaluation du coût de cette mesure a néanmoins été mentionnée par la ministre de la Fonction publique. Relever de 1% le point d'indice, par exemple, coûterait "deux milliards d'euros", a-t-elle déclaré au Parisien. Cette hausse "sera inscrite dans une loi de finance rectificative, qui devra être votée au Parlement cet été." De leur côté, les syndicats estiment qu'une revalorisation de 3% coûterait de 5 à 6 milliards d'euros à l'Etat.

5Pourquoi cette annonce est-elle une surprise ?

L'annonce d'Amélie de Montchalin tranche nettement avec les mesures précédemment annoncées pendant le quinquennat d'Emmanuel Macron. Le dégel du point, réclamé de longue date par les syndicats, n'était pas d'actualité. Si elle considérait comme "légitimes" les attentes salariales des agents publics, la ministre décrivait souvent un système de rémunération "à bout de souffle". 

Jusqu'ici, elle assumait de préférer les augmentations ciblées, à destination notamment des professionnels de la santé ou des agents publics de catégorie C (fonctions d'exécution nécessitant un BEP/CAP ou accessibles sans diplôme), les moins bien rétribués. "Avec le point d'indice, on augmente tout le monde ou personne. On a fait le choix de concentrer nos moyens vers les moins bien rémunérés", défendait-elle encore lors d'un déplacement en Haute-Vienne en janvier.

A moins d'un mois du premier tour de l'élection présidentielle, le ministère a assuré à l'AFP que ces mesures avaient été décidées "sur la base de déterminants économiques". "Cela n'est pas une décision politique, mais un amortisseur pour protéger le pouvoir d'achat des fonctionnaires" et des contractuels, a-t-il ainsi argumenté.

6Comment ont réagi les syndicats ?

La revalorisation du point d'indice est la première revendication des cinq syndicats de la fonction publique qui appellent à rejoindre la mobilisation interprofessionnelle du 17 mars pour les salaires et l'emploi. La CGT, FO, la FSU ou Solidaires avaient d'ailleurs claqué la porte de la conférence sur les perspectives salariales fin 2021. Lundi 14 mars au soir, une satisfaction tempérée de prudence régnait. Les syndicats restent vigilants quant à la traduction concrète de cette mesure sur la feuille de paie des agents, notamment en cas d'alternance politique. L'UFSE-CGT attend par exemple "une revalorisation substantielle", selon un tweet publié lundi. 

"Les négociations sur les rémunérations des agents publics sont plus que jamais à inscrire dans le calendrier des prochains mois, quel que soit le prochain gouvernement", a insisté sur Twitter Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques, qui n'avait pas appelé à la mobilisation jeudi. L'annonce survient "dans un timing qui ne laisse personne dupe", a réagi sur le même réseau social Gaëlle Martinez (Solidaires Fonction publique), avant d'ajouter : "L'urgence est telle que le pourcentage de revalorisation devra être très élevé pour combler le retard."

Secrétaire général de l'Unsa-FP, Luc Farré a quant à lui salué une "bonne nouvelle" dans un tweet, tandis que Céline Verzeletti (UFSE-CGT) a demandé "des augmentations générales maintenant et pas dans trois mois".

7Ce dégel est-il proposé par d'autres candidats ?

A gauche, le dégel du point d'indice est une proposition récurrente. L'écologiste Yannick Jadot l'avait souhaité sur franceinfo le 28 janvier : "Sur des secteurs absolument essentiels comme l’école ou l'hôpital, nous augmenterons les salaires de 20% en moyenne sur le quinquennat, et nous augmenterons le smic jusqu’à 1 500 euros net."

L'équipe du candidat de La France insoumise a de son côté annoncé pour objectif de "relever le point d'indice de tous les fonctionnaires de 10%", selon un tweet relayé par Jean-Luc Mélenchon samedi 12 mars. Avec "l'augmentation du smic à 1 400 euros net par mois", "cela entraînera l'économie et représentera environ 10 milliards d'euros de recettes".

Les principaux candidats de droite Valérie Pécresse (Les Républicains) et d'extrême droite Marine Le Pen (Rassemblement national) et Eric Zemmour (Reconquête !) ne présentent pas de proposition sur le point d'indice de rémunération des fonctionnaires dans leur programme. 

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