Pourquoi la simplification du bulletin de paie proposée par le gouvernement est critiquée par les syndicats et les oppositions

Bruno Le Maire a annoncé notamment vouloir supprimer le détail des cotisations sociales. Une annonce qui a immédiatement déclenché des critiques de la part des oppositions et des syndicats.
Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
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Bruno Le Maire a annoncé le 23 avril 2024 vouloir simplifier les bulletins de paie en supprimant certains détails, notamment sur les cotisations sociales (photo d'illustration). (JEAN-MARC BARRERE / HANS LUCAS / AFP)

Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a annoncé mardi 23 avril au "20 Heures" de France 2 son intention de simplifier le bulletin de paie des salariés. "Aujourd'hui, vous avez une feuille de paie qui a 55 lignes (...) elle est illisible. Nous voulons une feuille de paie qui fasse une quinzaine de lignes, qui soit claire, simple, lisible pour le salarié", avance Bruno Le Maire. Dans un message publié sur X quelques minutes après son interview, il précise que "l'intégralité des informations restera disponible sur demande du salarié".

Mais à peine dévoilé, le projet de simplification du bulletin est déjà sous le feu des critiques des syndicats, ainsi que des oppositions, tant à droite qu'à gauche. La version du bulletin simplifié qui a été présenté "est une proposition", assure Bercy, mercredi, auprès de franceinfo. "On aura des concertations et tout le monde pourra donner son avis." Franceinfo vous détaille les arguments des opposants à l'idée défendue par Bruno Le Maire.

Certaines "informations structurantes" manquantes

"On est un peu dubitatifs sur ce projet de simplification", réagit Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale à la CFDT. "Dans la version qui nous est présentée, il manque des informations structurantes sur le bulletin" : le détail des heures supplémentaires, des dépassements horaires, des récupérations, des différents compteurs, etc.", fait remarquer la syndicaliste. "Comment est-ce qu'un salarié peut s'assurer que toutes ses heures supplémentaires lui ont bien été payées s'il n'a pas ces informations ?", interroge-t-elle.

"Oui, il y a un travail de pédagogie à faire sur le bulletin de salaire, mais faire disparaître des informations, ce n'est pas de la simplification, c'est du simplisme. Sous prétexte de simplification, on perd en compréhension", dénonce Jocelyne Cabanal. Elle ne se montre pas plus convaincue quant à la possibilité pour les salariés de demander un bulletin détaillé. "Ce sont justement ceux qui sont les plus précaires, qui auraient le plus besoin de vérifier leur bulletin de paie, qui ne le demanderont pas. Et on aura encore plus de mal pour les aider", affirme-t-elle.

Une "invisibilisation du rôle des cotisations sociales"

Cécile Velasquez, secrétaire générale de la fédération des organismes sociaux à la CGT, voit dans cette annonce une "volonté d'invisibilisation du rôle des cotisations sociales" avec la simplification du bulletin de paie. "Au bout, c'est la remise en cause du financement de la protection sociale qui se joue", avance la syndicaliste.

Force ouvrière partage cet avis. "Le salarié ne saura plus pourquoi lui et son employeur cotisent et combien", dénonce le syndicat dans son communiqué. "Avec ce bulletin de paie allégé, exit le salaire différé et le rôle des interlocuteurs sociaux", avance les syndicalistes de FO. "Au contraire, on voit très bien la part des cotisations sociales dans le bulletin de paie simplifié", se défend le ministère de l'Economie.

Une "mise en page" qui ne change rien au salaire

"Simplifier le bulletin de paie sans simplifier les prélèvements, c'est juste de la mise en page", attaque sur X Emmanuel Maquet, député LR de la 3e circonscription de la Somme. "Ce qu'on veut, c'est supprimer les prélèvements", revendique-t-il. Dans une tribune publiée mi-mars dans L'Opinion, celui-ci appelait déjà à de "nécessaires ajustements de notre modèle social pour rapprocher le brut du net".

"La révolution selon Bruno : réduire le bulletin de paie à deux lignes. La vraie révolution pour les Français : l'augmentation du chiffre en bas à droite", assène le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, sur X

"Ce qui importe sur la fiche de paie, ce n'est pas de réduire à tout prix le nombre de lignes, mais bien d'augmenter le montant en bas de la page", dénonce également Force Ouvrière dans un communiqué publié sur X. "FO s'opposera vigoureusement à cette proposition de simplification du bulletin de paie", affirme le syndicat.

De possibles complications à long terme, selon la CGT

Cécile Velasquez met en garde les salariés qui ne demanderaient pas le détail de leur bulletin de paie. "Si vous quittez l'entreprise, ou si elle ferme, alors que vous n'avez pas demandé le détail de vos bulletins, et que plus tard, il y a un problème dans le calcul de vos droits à la retraite, par exemple, ce sera beaucoup plus compliqué", soutient la représentante de la CGT.

"On ne vous demande pas le détail de vos cotisations quand on calcule vos droits à la retraite", rétorque Bercy. Cette simplification du bulletin de paie "existe ailleurs chez nos voisins européens et ne pose pas de problème", précise le ministère de l'Economie.

Enfin, côté patronat, l'annonce de la simplification du bulletin de paie est aussi critiquée. "Je ne suis pas sûr que ça soit d'une grande simplification. On allège la fiche, mais on demande aux entreprises de conserver l'ensemble des informations si d'aventure les salariés les réclament. Nous aurions souhaité qu'on simplifie le mode de calcul", analyse Michel Picon, président de l'U2P (Union des entreprises de proximité) auprès du Parisien.

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