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Fichage pour Monsanto : "Ce n'est plus du lobbying, c'est de la barbouzerie", juge un enseignant en lobbying

Bruno Gosselin, qui a dirigé pendant vingt ans un cabinet de lobbying, revient sur les révélations de France 2 et du "Monde", selon lesquelles des centaines de scientifiques, politiques et journalistes ont été secrètement fichés, par des agences de communication qui travaillent pour l’entreprise américaine Monsanto.

Article rédigé par franceinfo
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Le logo Monsanto. (FRANZ-PETER TSCHAUNER / DPA)

"L’œil du 20H" de France 2 et le journal Le Monde ont révélé jeudi 10 mai que des centaines de scientifiques, politiques et journalistes ont été secrètement fichés, par des agences de communication qui travaillent pour l’entreprise américaine Monsanto. Objectif : classer les acteurs importants dans le débat sur le glyphosate, produit phare et décrié de Monsanto, en fonction de leur degré de soutien. Par exemple, il y a ceux "à surveiller" ou ceux qui sont des "potentiels alliés à recruter". Un deuxième document va plus loin en répertoriant les adresses privées et les téléphones sur liste rouge de 200 personnalités.

"C'est tout à fait logique"

Réaliser une cartographie des décideurs est une pratique courante pour des groupes de la taille de Monsanto, admet vendredi sur franceinfo Bruno Gosselin, qui a dirigé pendant vingt ans un cabinet de lobbying et enseigne aujourd'hui à l'Institut européen du lobbying. "C'est tout à fait logique car lorsqu'on fait une action de lobbying, ce qui est important c'est de contenter un maximum de parties prenantes pour l'État, pour les décideurs et de mécontenter un minimum de parties prenantes", explique-t-il.

J'ai vu l'étude de Publicis, honnêtement ce n'est pas affolant. Effectivement, vous avez les acteurs favorables et défavorables, les actifs et les passifs et en fonction de ça, on essaie de créer des coalitions indirectes.

Bruno Gosselin

à franceinfo

En revanche, le deuxième document présenté par "L'œil du 20H" est "extrêmement étonnant", d'après Bruno Gosselin. Une deuxième agence de communication, Fleishman Hillard aurait utilisé en 2016 un autre fichier, rassemblant notamment les adresses privées ou encore les numéros de téléphone sur liste rouge de 200 personnalités. Ces dernières ont été évaluées sur plusieurs thématiques, des OGM aux pesticides, avec des notes de 0 à 5 en fonction de "la crédibilité, l'influence et le degré de soutien à Monsanto", affirme le reportage. "Là, effectivement, ce sont des données personnelles : des adresses, des numéros de téléphone qui sont sur liste rouge… Là, on est passé dans un autre monde, celui de la barbouzerie, juge Bruno Gosselin. C'est purement inacceptable. Du coup, ce n'est plus du lobbying. Certains grands groupes qui sont très mal vus des pouvoirs publics, qui parfois n'ont plus rien à perdre et n'hésitent pas à recourir à ces extrêmes. Mais ce n'est pas une majorité", assure-t-il.

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