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"Je n'ai pas eu l'oral parce que je m’appelle Youssef", les difficultés des élèves issus de milieux modestes pour accéder aux grandes carrières

Deux anciens élèves de grandes écoles, issus de milieux modestes, racontent les difficultés qu'ils ont eu à franchir l'étape des concours et celles qui ont suivi. 

Article rédigé par Alain Gastal
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Premier jour de classe des nouveaux élèves de l'ENA, (illustration)  le 7 octobre 2009. (FRED DUFOUR / AFP)

L'ascenseur social en France fonctionne moins bien qu'il y a 50 ans, c'est le constat fait par Emmanuel Macron à Nantes jeudi 11 février au cours d'un déplacement sur le thème de l'égalité des chances. L'accès aux carrières de la fonction publique est pourtant conditionné à un concours, censé garantir l'égalité entre tous, mais les enfants de familles privilégiées trustent la plupart des meilleurs places. La proportion d'enfants d'ouvriers est ainsi toujours dérisoire à l'ENA malgré la création d'un concours ouvert aux non-diplômés et la création d'une préparation intégrée ouverte aux enfants de familles modestes.

Des oraux parfois déstabilisants 

Pour réussir les concours, il faut des capacités, du travail, mais également avoir les bons codes. C'est ce qu'a réalisé Youssef Badr, fils d'immigrés qui a grandi dans le Val-d'Oise, lors de son premier échec au concours de l'École nationale de la magistrature. "Les épreuves écrites se sont toujours bien passées, j'avais des bonnes notes, j'avais vraiment beaucoup travaillé relate-t-il à France Inter. Les oraux, ça a été plus compliqué, notamment le grand oral. Le premier a été un naufrage total."

Devenu magistrat, et notamment porte-parole du ministère de la Justice de 2017 à 2019, Youssef Badr était ressorti "dévasté" de cet oral. "On m'a demandé de citer des peintres pompiers. J'ai regardé les membres du jury avec des yeux ronds en me disant 'de quoi ils parlent?' En plus, c'était public donc vous prenez une humiliation publique".

"J'ai eu 6 sur 20. Je me suis dit, 'je ne suis pas comme eux."

Youssef Badr

à France Inter

"Je me suis dit, je n'ai pas les bons réflexes, je n'ai pas le bon bagage, pas les bonnes références. Je ne l'ai pas eu parce que je m’appelle Youssef", raconte cet amateur de rap. 

L'analyse d'Hervé Boullanger est un peu différente. Cet ancien élève de l'ENA, fils d'un ouvrier smicard et élevé dans un quartier HLM de Tours, est aujourd'hui conseiller maître à la Cour des comptes. "Il y a deux problèmes quand on est issu d'un milieu modeste, c'est y penser et oser, analyse Hervé Boullanger. Ça paraît tellement loin de son environnement, qu'on n'ose pas.

"L'autre problème est, une fois que vous êtes entré, d'arriver à vous faufiler et avoir les codes pour faire une bonne carrière."

Hervé Boullanger

à franceinfo

"J'ai vu que ceux qui avaient commencé tout petit, à qui leur maman et leur papa avait dit 'Cette personne est importante, cette personne là, il faut que tu lui envoies tes vœux', avaient un avantage sur moi", se remmémore Hervé Boullanger.

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