Que peuvent encore espérer les opposants à la loi Travail ?
Retrait du texte, nouveaux aménagements ou statu quo : francetv info examine les scénarios possibles.
Y a-t-il encore quelque chose à négocier pour tenter de sortir de l'impasse ? Une semaine après le passage en force du gouvernement à l'Assemblée, les opposants au projet de loi Travail tentent de maintenir la pression : après une nouvelle journée de mobilisation mardi, ils défilent à nouveau à Paris et en province, jeudi 19 mai. Mais pour obtenir quoi ? Francetv info tente de déterminer quels sont les scénarios les plus probables.
Un retrait pur et simple du texte : inenvisageable
La CGT, FO et les cinq autres syndicats engagés dans la lutte répètent inlassablement leur revendication : le retrait pur et simple du projet de loi. Peu importe que le texte ait été adopté à l'Assemblée nationale avec l'aide de l'article 49.3, peu importe que le Sénat, qui examinera le projet en juin, s'apprête à y réintroduire les mesures les plus polémiques qui étaient contenues dans la version initiale. Si rien n'indique que le gouvernement pourrait céder à la rue, les opposants refusent de rendre les armes.
"Il y a eu des lois votées qui ont ensuite été aménagées", note le leader de FO, Jean-Claude Mailly, dans un entretien à L'Humanité, rappelant qu'en 2006, le Contrat première embauche (CPE) avait été adopté grâce au 49.3 avant que le président Chirac n'en suspende l'application. Mais la situation de 2016 n'a pas grand-chose de commun avec celle d'il y a dix ans.
A l'époque, les manifestations avaient rassemblé jusqu'à 1 million (selon la police), voire 3 millions (selon les syndicats) de manifestants, plusieurs fois de suite. Cette année, au plus fort de la mobilisation (le 31 mars), les cortèges n'ont mobilisé qu'entre 390 000 et 1,2 million de manifestants, selon les sources. Depuis, les défilés attirent beaucoup moins de monde. Autre différence de taille : le front syndical était uni en 2006. Aujourd'hui, l'une des plus grosses centrales, la CFDT, ne participe pas au mouvement. Autant de raisons qui laissent penser que la loi Travail ne subira pas le même destin que le CPE.
De nouveaux reculs du gouvernement : peu probable
Certains éléments contenus dans le projet de loi tel qu'adopté via le 49.3 peuvent-ils encore être modifiés afin de désamorcer la grogne ? Techniquement, tout est possible tant que la procédure législative n'est pas terminée. Dans les faits, des modifications substantielles du texte sont peu probables, car le gouvernement a déjà lâché beaucoup de lest depuis la version initialement présentée.
Depuis la mi-février, le gouvernement a mis de l'eau dans son vin sur des points majeurs qui faisaient office d'épouvantails pour les syndicats et la gauche de la gauche : l'assouplissement des critères pour les licenciements économiques a été largement nuancé et le plafonnement des indemnités prud'homales a été abandonné. De plus, le gouvernement a tenu bon face au patronat en maintenant deux revendications défendues par les syndicats : la création d'un compte personnel d'activité permettant au salarié de cumuler des droits et d'en bénéficier tout au long de sa carrière, et l'obligation de mandatement syndical pour faire valider un accord dans une entreprise qui ne disposerait pas de représentants syndicaux.
Le gouvernement estime ainsi avoir atteint un point d'équilibre entre les revendications des syndicats et celles du patronat, qui menace à tout moment de claquer la porte des négociations sur l'assurance-chômage.
Des gages sur d'autres sujets : possible
Les manifestations contre la loi Travail se doublent d'appels à la grève reconductible dans plusieurs branches. Mais dans bien des cas, ces mouvements concernent aussi des revendications propres à chaque secteur. Par exemple, à la SNCF, la grève entend peser dans les négociations sur les règles de travail des cheminots. Afin que la situation sociale ne dégénère pas, le gouvernement a tout intérêt à satisfaire ces revendications catégorielles. Et ainsi à désamorcer la contestation sur la loi Travail.
Rien : probable
L'hypothèse la plus probable est que le gouvernement reste campé sur la version issue de l'utilisation du 49.3. "Je ne céderai pas", a d'ailleurs prévenu François Hollande mardi matin sur Europe 1. Il y a tout lieu de le croire : après le fiasco de la déchéance de nationalité, le chef de l'Etat ne peut pas se permettre une nouvelle déconfiture législative, sauf à admettre qu'il n'est plus en capacité de gouverner le pays.
En outre, bien que la lenteur du processus parlementaire ait pour conséquence de repousser l'échéance finale à fin juillet, le déroulé des événements pourrait bien venir en aide à un gouvernement aux abois. Après son passage au Sénat, le texte devrait présenter un visage beaucoup plus libéral. L'exécutif aura alors beau jeu d'imposer à nouveau sa version, bien plus édulcorée. Une façon d'occuper – enfin – le rôle du gentil dans ce feuilleton social. Sans pour autant lâcher quoi que ce soit.
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