Loi Travail : interdits de manifester, ils dénoncent l'état d'urgence
Francetv info a joint une personne visée par un arrêté préfectoral lui interdisant de manifester, mardi. La préfecture de Nantes a livré des explications.
En Ile-de-France, une trentaine de militants ont interdiction de manifester contre la loi Travail, mardi 17 mai, à Paris. A Nantes, (Loire-Atlantique), c'est le cas de huit personnes. Sollicitée par francetv info, la préfecture de police de Paris n'a pas souhaité indiquer la façon dont ces personnes avaient été ciblées.
De son côté, la préfecture de Nantes indique que parmi les huit personnes qui font l'objet d'un arrêté préfectoral en Loire-Atlantique, "toutes ont un point commun : elles ont été interpellées lors du cycle de revendication actuel ou lors de manifestations plus anciennes. Elles ont toutes participé à des mobilisations à Nantes qui ont donné lieu à des débordements, des violences contre les forces de l'ordre, des dégradations de biens publics". Francetv info s'est entretenu avec deux personnes qui correspondent à ce profil.
"Mon casier est vierge"
Pierre Douillard-Lefevre, 25 ans, termine ses études de sociologie à Nantes. Auteur d'un livre sur la "militarisation de la police" et les violences policières qui est sorti vendredi, il est visé par un arrêté préfectoral. L'auteur, qui a perdu l'usage d'un œil lors d'une manifestation lycéenne, reconnaît volontiers être un "auteur engagé" et un militant actif sur le campus de l'université de Nantes. Pour lui, l'arrêté préfectoral n'est pas lié à la sortie de son livre. Reste qu'il estime que les autorités en ont spécifiquement après lui.
René*, 20 ans, un sympathisant du Mouvement Inter Luttes Indépendant (Mili), est quant à lui concerné par une interdiction de manifester à Paris. Il explique à francetv info ne pas savoir pourquoi il a été visé. Il reconnaît avoir été "attrapé il y a trois ans" lors d'une manifestation, sans être jugé. "Mon casier est vierge", insiste-t-il. Il indique avoir participé "à un tiers" des manifestations parisiennes contre la loi Travail, celles du début, qui n'étaient "pas les plus chaudes".
"Une fois, j'ai jeté un caillou"
Ce "sympathisant Mili", qui reconnaît "militer plus que les gens normaux", avoue qu'il se cache le visage pendant les manifestations, porte des lunettes de piscine pour se protéger des gaz lacrymogènes, et ne lâche pas la banderole lorsqu'il y a une charge des forces de l'ordre. "Une fois, j'ai jeté un caillou, concède-t-il. Mais rien de plus."
Selon lui, la méthode dont procède l'Etat est disproportionnée. Il dénonce "une stratégie de terreur" : "Cette interdiction est surtout un avertissement lancé à l'entourage de la personne visée par l'arrêté préfectoral : ça dit 'on sait que vous avez manifesté plusieurs fois, on sait qui vous êtes, on sait où vous habitez.'"
Pour Pierre Douillard-Lefevre, "le gouvernement utilise l'état d'urgence pour écraser la lutte. Il se sert d'une procédure antiterroriste pour quelque chose qui n'a rien de terroriste".
Interdictions fondées sur l'article 5 de la loi sur l'état d'urgence
"Comme en novembre et décembre derniers, les dispositions de l’état d’urgence sont utilisées contre des manifestants. Il s’agit d’un pas supplémentaire dans une répression qui n’a eu de cesse d’empêcher toute forme d’auto-organisation du mouvement contre la loi Travail", écrit le site Paris-luttes.info, un "site coopératif d'infos et de luttes Paris - banlieue".
Les interdictions individuelles de manifester se fondent en effet sur la base notamment de l'article 5 de la loi sur l'état d'urgence. Il permet "d'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics".
* Le prénom a été modifié
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