Cet article date de plus de neuf ans.

Davos : où sont passés les altermondialistes ?

Le forum économique mondial de Davos s'achève ce week-end. On en retiendra que les questions géopolitiques, politiques ont dominé l'agenda économique. Fait saillant également de ce Davos 2015, les altermondialistes ne cherchent plus vraiment a s'y faire entendre, à l'exception d'une protestation symbolique.
Article rédigé par Isabelle Chaillou
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
  (193 bonhommes de neige édifiés à Davos pour protester contre les inégalités, une des seules manifestations organisées cette année © Maxppp)

Elles paraissent bien loin les manifestations musclées d’altermondialistes contre le Forum Economique Mondial. Aujourd’hui à Davos, la contestation prend la forme d'un bonhomme de neige : "Il y a 193 bonhommes de neige, un par pays, et ils portent autour du cou une écharpe aux couleurs de leurs drapeaux. Le but c’est d’attirer l’attention des leaders mondiaux pour qu’ils s’attaquent à la pauvreté et au changement climatique ", explique une des rares activistes présentes.

Manifestation... de bonhommes de neige

Des bonhommes de neige pour dénoncer la pauvreté : c’est la version 2015 de l’action coup de poing à Davos. Pas sûr que cela fasse ciller les patrons de multinationales réunis a quelques mètres de là. Mais il faut dire que l’opération "bonhommes de neige" est autorisée et même soutenue par les organisateurs de Davos.

Les manifestations contre ce Forum économique ultra-sécurisé ne font plus recette. Même Rolf Marugg, élu des verts suisses et chef de file de la contestation locale a fini par jeter l’éponge : "C'est toujours un peu David contre Goliath. Et si on est toujours David, on ne peut pas faire ça toute la vie. De façon générale, on a moins de manifestations contre les G8 et autres sommets de ce genre ".

"Maintenant la contestation s'organise de manière différente, sur internet, les réseaux sociaux "

Les organisateurs du Prix de la Honte ont eux aussi abandonné. Pendant 15 ans, en marge du Forum, ils ont décerné un Oscar de la pire entreprise de l’année, celle qui bafouait le plus les droits de l’homme ou l'environement.  Au palmarés, on trouve Gazprom, Wallmart ou encore Goldman Sachs. Mais il n’y aura plus de prix de la honte. 

  (Des bonhommes de neige incarnent la contestation cette année © Isabelle Chaillou / Radio France)

Geraldine Viret, la porte-parole de la déclaration de Berne, l’organisation à l’origine de ce prix,  n’a pas baissé les bras. Seulement, changé de mode d’action : "Le forum économique mondial, ce n'est plus le lieu pour amener nos revendications. Disons que les théories néo-libérales ont connu leurs heures et la crise économique a montré leurs failles. Ce qu'on a vu aussi c'est que maintenant la contestation s'organise de manière différente, sur internet, les réseaux sociaux. Au niveau de la déclaration de Berne, on travaille toujours avec des stratégies de dénonciations des entreprises en montrant des cas concrets et en les mettant sur la place publique pour attaquer l'image de ces entreprises ".

Les ONG désormais invitées

C’est bien pour veiller a son image que le forum a lui aussi changé de stratégie, plutôt que de laisser les ONG faire du bruit a l’exterieur. Les organisateurs de Davos ont decidé de les inviter. La directrice d’Oxfam est même cette année la co-présidente du Forum. Une stratégie qui change rien sur le fond pour l’ancien contestataire des verts, Rolf Marugg : "Pour moi c'est trop clair d'inviter quelques personnes qui ont une opinion un peu critique. mais ça ne change rien aux politiques des multinationales ".

  (La simulation "Struggle for survival" la lutte pour la survie organisée par l'organisation Crossroads © Isabelle Chaillou / Radio France)

Certaines associations, dont l’ ONG anglo saxonne Crossroads, essaient de porter leur message à Davos avec des méthodes originales. Comme ce jeu de rôle baptisé "la lutte pour la survie". Dans un décors de torchons souillés, de cabanes en tôle et de bidons rouillés, des grands patrons se mettent pendant une heure dans la peau d’un habitant des bidonville du Bangladesh : "Dans beaucoup de pays, les plus pauvres fabriquent des sacs en papier, les magasins les achetent et leurs clients s’en servent. Cet après-midi mesdames et messieurs, c’est aussi ce que vous allez faire pour rester en vie ", clame un animateur. "Vous allez tous fabriquer et vendre des sacs en papier. Et chaque phase de 10 minutes est égale à une semaine dans la vrai vie. Mais quand vous irez au magasin pour vendre vos sacs, n’oubliez pas qui vous êtes : vous n’êtes rien. Mettez vous à genoux !! "

Jeu de rôle sur la pauvreté à l'usage des patrons

A la fin du jeu de rôle, ce jeune patron américain reconnaît que la méthode est hypocrite. Mais il se dit désormais en empathie avec les  plus démunis : "Au début je me suis dit que cette simulation avait l’air vraiment artificielle. Mais une fois que le jeu a commencé je me suis vraiment identifié. Je n’avais pas réalisé que cela aurait un tel impact sur ma facon de penser. C’était vraiment une expérience ".

Rien ne dit que ce jeune patron agira concrètement pour lutter contre la pauvreté. Ce qui est sûr en revanche, c’est que les organisateurs du forum économique ont bien vu l’interêt qu’il y avait à mettre en avant ce genre d’initiative. Cette simulation qui existait discrètement depuis sept ans, en marge de Davos, a finalement été integrée au programme officiel du forum économique mondial.

A ECOUTER : Davos, où sont passés les altermondialistes. Le reportage d'Isabelle Chaillou

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.