Sauvée de la noyade, la Grèce va continuer à ramer
Alors que le Premier ministre grec, Lucas Papademos, se dit "très satisfait" des 237 milliards d'euros d'aide, les journaux économiques et grecs sont sceptiques.
La Grèce peut (presque) souffler. Les pays de la zone euro ont enfin trouvé un accord dans la nuit du lundi 20 au mardi 21 février, après treize heures de négociations, afin d'éviter à Athènes la banqueroute. Ce nouveau plan de sauvetage prévoit une aide publique de 130 milliards d'euros - essentiellement des prêts - ainsi qu'un effacement de la dette grecque de 107 milliards d'euros.
Pour la troïka (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne et Eurogroupe), qui supervise la mise en place des réformes, ce nouvel appel d'air devrait permettre à la Grèce de se maintenir hors de l'eau. Mais tout est-il définitivement réglé ? Rien n'est moins sûr. Tour d'horizon des réactions, quelques heures après l'annonce de cet accord.
• La menace de la faillite s'éloigne
De manière générale, la presse a salué, mardi, le déblocage de 130 milliards d'euros. Pour les Les Echos, ce renflouement arraché in extremis a en effet le mérite d'éloigner le spectre du défaut de paiement de la Grèce : le pays doit rembourser 14,5 milliards d'euros d'emprunts d'Etat le 20 mars prochain.
"La fin du processus a été atteint, estiment pour leur part les analystes de la banque HSBC, cités par le Wall Street Journal (lien en anglais). Cela chasse toutes les théories conspirationnistes qui prédisaient un défaut grec ou une sortie de la zone euro." Pour beaucoup, la zone euro vient donc d'accorder un peu de répit au pays. "L'accord donne du temps. L'alternative étant la mort subite", déclarait lundi l'économiste grec Loukas Tsoukalis dans le Financial Times (lien en anglais).
• Une aide insuffisante à long terme
Mais les 237 milliards d'aide seront-ils suffisants sur le long terme ? Nombre d'analystes et de journalistes économiques s'accordent pour répondre "non". Sur France Info, le chroniqueur Emmanuel Cugny est formel : la nouvelle tranche d'aide ne servira "pas à relancer de manière structurelle et pérenne l’économie nationale".
C'est aussi l'avis de la journaliste Juliet Mann sur CNN (lien en anglais). Pour elle, cette aide va surtout permettre de calmer les marchés et rassurer la zone euro pendant un temps. Mais la restauration de la compétitivité de la Grèce et la résolution de ses problèmes économiques vont prendre des décennies.
De plus, ce second accord pourrait aussi échouer, prévient The Economist (lien en anglais). Le quotidien britannique garde en tête le bilan mitigé des 110 milliards d'euros octroyés en 2010. Deux ans après, la Grèce traverse toujours une immense crise.
• Une quasi-mise sous tutelle de la Grèce
En contrepartie de ce nouveau coup de pouce, la Grèce va faire l'objet d'une surveillance renforcée de la part de ses créanciers afin de s'assurer qu'elle ne dévie pas des objectifs fixés, à savoir parvenir à ramener son taux d'endettement à 120,5% du PIB en 2020 (au lieu de 160%). Le plan de sauvetage impose aussi "une présence permanente de la mission de la Commission européenne sur place", a expliqué le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn. Pour Le Monde.fr et Les Echos, même si le mot n'est pas prononcé par les dirigeants européens, la Grèce est pratiquement sous tutelle.
Yiannis Pretenderis, éditorialiste sur la chaîne grecque Mega cité par l'AFP, exprime lui aussi ses craintes quant à la mainmise de la zone euro sur son pays : "J'ai très peur que l'Allemagne veuille nous rendre la vie tellement impossible à l'avenir que nous décidions de notre propre initiative de sortir de la zone euro."
Dans le Financial Times (article abonnés et en anglais), le journaliste Wolfgang Münchau va encore plus loin : selon lui, la Grèce doit faire faillite si elle veut conserver sa démocratie.
• La colère des Grecs pourrait s'exprimer aux législatives
Cette perte de souveraineté va devoir être acceptée par les Grecs, humiliés et fatalistes. Pour la population, ce nouveau prêt "ne va pas changer grand-chose au quotidien", assure La Tribune.fr. "L'opinion sait que 95% de cet argent (...) ira en priorité au remboursement des banques et non à des mesures de reprise ou à la création d'emplois", explique le site économique.
Pour débloquer la nouvelle aide européenne, le Parlement grec a dû voter de nouvelles mesures d'austérité. Or ces nouveaux sacrifices sont peu supportables pour les Grecs, déjà en proie à un taux de chômage de 20% et une récession de -7%.
"Le mélange entre plus d'austérité, des troubles sociaux et une Europe impatiente peut devenir explosif", note ainsi la banque ING dans le Wall Street Journal (lien en anglais). Et ce ras-le-bol pourrait s'exprimer cette fois-ci dans les urnes, lors des élections législatives anticipées prévues en avril.
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