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Pourquoi Merkel ne lâche rien

La chancelière allemande a bien fait comprendre à François Hollande qu'elle ne reculerait pas sur l'austérité. A quoi s'accroche-t-elle ?

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Angela Merkel à Berlin (Allemagne), le 9 mai 2012. (ODD ANDERSEN / AFP)

Angela Merkel ne laisse pas une minute de répit à François Hollande. Sur la politique d'austérité européenne, la chancelière allemande multiplie les déclarations pour prouver qu'elle restera inflexible, ce qui irrite le président élu, tout en se prononçant pour un partenariat stable avec lui, samedi 12 mai. La chancelière assure vouloir l'accueillir "à bras ouverts" à Berlin, le 15 mai, mais semble plutôt l'air de l'attendre de pied ferme, prête à en découdre. Pourquoi cet acharnement ?

• Les chiffres semblent lui donner raison

Les dernières prévisions de la Commission européenne pour l'économie française, publiées vendredi 11 mai, tombent mal pour François Hollande. Pessimiste, Bruxelles estime que le déficit public de la France risque de déraper l'an prochain à 4,2%, contre un objectif de 3% affiché par le nouveau président. La croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait atteindre 1,3% en 2013, une performance inférieure au 1,7% prévu par le nouveau chef de l'Etat, et inférieure également à ce que prévoyait la Commission européenne à l'automne (1,4%).

Une aubaine pour Angela Merkel, qui clame depuis lundi qu'"une croissance à crédit nous ramènerait au début de la crise". Elle pourrait utiliser ces prévisions de printemps contre François Hollande, qui veut malgré tout maintenir l'objectif de déficit à 3% et met en cause le bilan de Nicolas Sarkozy.

La chancelière peut de son côté se vanter de la bonne santé de l'économie allemande. Le leader européen traverse la crise plus aisément que ses partenaires. Les grands instituts de conjoncture outre-Rhin ont même publié en avril des prévisions à la hausse, selon Le Figaroavec une accélération de la croissance autour de 2% en 2013.

• Les Allemands lui font confiance

La Dame de fer allemande reste très populaire chez elle. Les Allemands lui savent gré de mener une politique d'austérité budgétaire destinée à soigner la zone euro mal en point. Quelque 59% d'entre eux refusent d'ailleurs des mesures pour soutenir la croissance, qui se traduiraient par de nouvelles dettes, selon un sondage publié par l'hebdomadaire Stern (article en allemand). De plus, "au niveau national, le pouvoir du SPD [opposition sociale-démocrate] est faible, et celui de la CDU [le parti d'Angela Merkel] est stable", explique Nils Diederich, analyste politique à l'Université libre de Berlin.

"Angie" profite aussi de la montée du Parti pirate, entré dans trois Parlements régionaux en neuf mois. Le parti trouble-fête séduit l'électorat de la gauche, qui refuse de s'allier à cette formation politique "sans doute trop jeune, pas assez crédible" aux yeux des politiques, comme l'explique Rue89.

• Mais pour combien de temps ?

A l'approche des législatives prévues fin 2013, les scrutins locaux sont toutefois moins favorables à la chancelière. Sa coalition libérale-conservatrice (CDU-FDP) a essuyé plusieurs revers ces derniers mois. Dimanche dernier, elle a notamment perdu le pouvoir dans le petit Land rural du Schleswig-Holstein (nord). Le 13 mai, c'est en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, bastion de la gauche, qu'elle doit passer une nouvelle épreuve.

Dans le Land d'Allemagne le plus peuplé, avec 18 millions d'habitants, le scrutin aura valeur de "mini-législatives". Or, tous les sondages donnent le SPD en tête, avec 38% des intentions de vote. Et il n'est pas dit que le FDP (libéraux) dépasse les 5% de voix nécessaires pour entrer au Parlement régional et former une coalition avec la CDU. Cette montée en puissance de la gauche à l'échelle régionale pèsera forcément sur les prochaines décisions fédérales.

• Seule dans l'Union européenne

"Merkozy", c'est bel et bien fini. Le duo qui a mené tambour battant l'Union européenne vers l'austérité est enterré. Son pacte budgétaire a bien été signé par 25 Etats membres en mars dernier, mais le vent tourne. "La domination d'Angela Merkel semblait durable", analysent Les Echos. Pourtant, "le 6 mai, la donne a changé". Elle a désormais pour interlocuteur principal François Hollande, qui entend renégocier le traité budgétaire. "Impossible", a martelé Berlin, avant même que le président élu y ait mis les pieds. 

Dans le reste de l'Union non plus, l'austérité ne fait plus consensus. Le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, pourrait accepter un "desserrement de son étroit corset budgétaire" face au chômage massif des jeunes, selon Les Echos. Les Grecs ont infligé un vilain revers aux partis majoritaires qui ont validé le plan de rigueur de la Commission européenne, quitte à provoquer une crise politique.

En Italie, Mario Monti a assoupli son plan d'assainissement des finances publiques. Et l'Irlande doit se prononcer, par référendum, sur le pacte budgétaire. "Or on sait maintenant que, en matière européenne, les référendums tournent souvent à la bombe politique", rappellent Les Echos. 

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