Pour Raphaël Glucksmann, la montée de l’extrême droite en Europe est "un phénomène global"
Causes, rapport à la démocratie, pérennité, France… L’essayiste français Raphaël Glucksmann analyse la montée de l’extrême droite en Europe.
"C’est un phénomène global et ça a lieu dans toutes les démocraties libérales européennes et occidentales en général." C’est ce que considère Raphaël Glucksmann sur la montée de l’extrême droite en Europe. Le nouveau directeur de publication du Nouveau Magazine littéraire, également essayiste, estime que réduire ce phénomène à des "circonstances locales serait une erreur totale."
Comment expliquer la montée de ces mouvements en Europe ?
"Il y a différentes causes. Il y a la crise socio-économique mais on n’explique pas tout par cette crise parce qu’en République Tchèque, par exemple, les électeurs ont voté pour un populiste d’extrême droite, Babiš, alors que la situation économique allait plutôt mieux qu’avant. On pourrait dire : "C’est les vagues migratoires", mais il y a des villages hongrois qui se mobilisent derrière l’extrême droite qui n’ont jamais vu le moindre réfugié ou migrant. Il y a une explication générale qui est l’incapacité des démocraties libérales aujourd’hui, de produire du sens, à produire un horizon collectif qui permette de mobiliser les électeurs et les gens. Donc il y a une défiance généralisée vis-à-vis des institutions en place et c’est l’extrême droite qui en profite le plus."
Ces mouvements sont-ils antidémocratiques ?
"Le mode d’accession au pouvoir de ces mouvements d’extrême droite, il est démocratique. Mais à chaque fois qu’ils prennent le pouvoir, on le voit en Pologne, en Hongrie, il y a une tendance qui est à l’érosion des libertés, des institutions, du débat démocratique dans son ensemble. La caractéristique de tous ces mouvements, c’est d’être des mouvements autoritaires, fondés sur le culte du chef, l’embrigadement de la population et la pratique du bouc émissaire."
Ces mouvements peuvent-ils durer ?
"Tant qu’il y aura toujours ce déficit de sens collectif, cette incapacité des démocraties libérales occidentales à produire un horizon collectif, à renouveler un contrat social, il y aura cette montée de l’extrême droite. Bien sûr il y a une responsabilité immense des personnels politiques qui ont laissé se dégrader leurs propres discours, qui ont laissé leurs politiques se vider de leur sens. Ce qu’il faut c’est réinvestir le champ politique, le rendre vivant à nouveau."
L’extrême droite au pouvoir, impossible en France ?
"Ce qu’il s’est passé, c’est que le débouché politique de ces idées d’extrême droite a échoué. Mais ça ne veut pas dire que ces idées ont disparu, qu’on a répondu aux inquiétudes et aux craintes. En mai 2017, on a évité la mort clinique qu’aurait été la victoire de Marine Le Pen mais on n’a pas soigné la maladie. Donc il y a une forme d’illusion à croire que tout a été résolu. Je pense que le terrain est le même et que la France n’est pas immune de ce qu’il se passe ailleurs en Europe."
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