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Les marchés viennent d'enterrer le AAA de la France

L'Etat a emprunté ce matin près de sept milliards d’euros sur les marchés à un prix plus élevé qu'avant. Le "spread" qui marque l'écart entre les taux d'intérêt français et allemands a atteint un record, signe de la défiance des investisseurs.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
La salle des marchés de l'Agence France Trésor, au ministère de l'Economie et des Finances, à Paris, le 14 décembre 2009. (ERIC PIERMONT / AFP)

La tension est à son comble dans la salle des marchés de l'Agence France Trésor (AFT), qui gère la dette publique française. Jeudi 17 novembre, l'AFT réussit à emprunter au nom de l'Etat 6,976 milliards d'euros à échéance deux et cinq ans, comme prévu. Mais ses taux d'intérêt sont plus élevés d’environ 0,5 % par rapport au précédent emprunt d’octobre. La France va donc payer plus cher le remboursement de sa dette, malgré son précieux triple A, la note maximale décernée par les agences de notation, qui lui permet - en théorie - d'emprunter aux meilleurs taux.

Le spread, indicateur de défiance

Un peu plus tôt, l'écart entre les taux d'intérêt des obligations françaises et allemandes (les Bunds) sur dix ans a brièvement dépassé le seuil symbolique des 200 points de base (2 points de pourcentage). Un record historique. Il y a seulement six mois, cet écart était de 40 points (0,4 point de pourcentage). Du jamais-vu depuis la création de la monnaie unique.

Dans le jargon des économistes, cet écart est appelé spread. Il est mesuré entre deux valeurs, l'une, jugée sûre, servant d'étalon (ici les Bunds allemands). Dans le cas présent, les analystes comparent les taux d'intérêt demandés par les investisseurs pour acquérir de la dette française ou allemande. La différence entre les deux taux correspond à la prime de risque qu"ils exigent. Le spread est donc un indice de la confiance des investisseurs, qui évaluent la capacité d'un Etat à rembourser son emprunt. Plus le spread est élevé, moins les marchés sont confiants. 

Cet indicateur est aussi très surveillé par les agences de notation. La hausse des taux d'intérêt survenue jeudi confirme la tendance : le triple A ne protège plus la France de la défiance d’investisseurs nerveux qui redoutent une extension de la crise de la dette en zone euro.

Les marchés anticipent une dégradation de la note française

"Les marchés jouent en partie le fait que le AAA de la France va disparaître, cela nécessite donc une prime plus importante", explique Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel BGC. "Pour le marché, c'est acté. La France traite au niveau du double A, au maximum", renchérit Frederik Ducrozet, économiste chez Crédit agricole CIB. Un jugement qui fait écho à celui de Jacques Attali dans un entretien à La Tribune le 11 novembre. 

"Depuis le début de la crise en 2008, les marchés ont appris à faire la différence, d’abord entre les AAA vertueux et les pays les plus dépensiers, puis entre les bons AAA et le AAA qui est à la peine", notent les analystes d'Aurel BGC, expliquant pourquoi les investisseurs sont en train de faire la différence entre l’Allemagne et la France.

"Lorsque le spread atteint 1 point [de pourcentage], c'est l'avertissement ; à 3 points, c'est l'alarme ; à 5, c'est la fin", écrit Jean Pisani-Ferry, spécialiste des politiques économiques et de l’intégration européenne, dans son livre Le Réveil des démons (Fayard). Un processus déjà expérimenté par la Grèce, l'Italie, le Portugal ou encore l'Espagne...

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